Réforme de la fonction publique : les mesures qui font débat

La réforme de la fonction publique est portée par le secrétaire d'État Olivier Dussopt.
La réforme de la fonction publique est portée par le secrétaire d'État Olivier Dussopt. © LUDOVIC MARIN / AFP
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Présentée mercredi en Conseil des ministres, la réforme de la fonction publique hérisse les syndicats. Fusion des instances de dialogue social, contrats… De nombreux points sont critiqués.
ON DÉCRYPTE

Rendre la fonction publique "plus attractive et plus réactive", voilà l'objectif affiché de la réforme présentée mercredi en Conseil des ministres par le secrétaire d'État en charge du dossier, Olivier Dusspot. Face à lui, les neuf organisations syndicales représentant les fonctionnaires rejettent en bloc des mesures qui, selon elles, ne contribueront qu'à précariser les agents et aligner leur situation sur celle des salariés du privé. Le tout, en permettant de procéder aux 120.000 suppressions de postes voulues par le gouvernement. Une journée de grève est d'ores et déjà programmée le 9 mai. Plusieurs dispositions cristallisent les critiques.

La délicate question des contrats

Aujourd'hui, un fonctionnaire sur cinq est en réalité un contractuel, c'est-à-dire un agent en CDD ou CDI. Un chiffre qui devrait augmenter avec cette réforme, puisque, comme l'a expliqué mercredi le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, elle prépare la "généralisation du contrat, qui n'est pas la fin du statut, mais qui peut être une souplesse, une alternative au statut". Il sera désormais possible de recruter par voie de contrat "sur les emplois de toute catégorie hiérarchique, et non plus seulement de catégorie A", explique l'exécutif dans son exposé des motifs du projet de loi. Par ailleurs, le projet de loi crée un nouveau "contrat de projet", dédié à des "missions spécifiques" d'une durée comprise entre un et six ans. S'il est ouvert à toutes les catégories hiérarchiques, ce "contrat de projet" ne peut aboutir ni à un CDI ni à une titularisation.

Les syndicats, eux, soulignent la précarité de ces contrats, et souhaitent donc les plafonner. Sans compter que des recrutements aligné sur le privé pourraient aboutir, expliquent-ils, à des situations de discrimination, évitées lorsque les candidats passent par un concours.

Une instance unique de dialogue social

"Sorte de pendant des ordonnances travail [mais] pour le public", comme l'a précisé Gérald Darmanin, la réforme prévoit de fusionner les instances de dialogue social dans le public. Autrement dit, les comités techniques (CT) et les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) vont se fondre en comités sociaux d'administration (CSA). Objectif : diviser de moitié les 22.000 instances de dialogue qui existent aujourd'hui et les rendre plus efficaces. Pour les syndicats, c'est au contraire un affaiblissement des représentants du personnel.

L'exécutif veut aussi recentrer les compétences des commissions administratives paritaires (CAP), qui peuvent aujourd'hui donner leur avis sur tout un tas de situations individuelles comme les mutations, l'avancement ou les promotions des agents. "Quand les CAP sont toutes puissantes, cela devient un levier pour les adhésions" à tel ou tel syndicat, qui pourraient être un peu trop "encouragées", estime-t-on à Bercy. Avec le projet de loi, les CAP ne seraient compétentes qu'en cas de recours ou de situations exceptionnelles, comme les procédures disciplinaires.

Mobilités et ruptures conventionnelles

Pour l'exécutif, il est indispensable de favoriser le transfert de fonctionnaires au sein de l'administration ou vers le privé. "Il faut donner corps au reclassement, car il y a une carence règlementaire sur ce sujet", argue Bercy. Le gouvernement compte créer une véritable "agence du reclassement" pour accompagner les fonctionnaires amenés à changer de postes, de régions géographiques ou à passer dans le privé lorsque leur poste est supprimé ou qu'ils en expriment l'envie. Cette agence tiendrait compte de la situation des conjoint(e)s et offrirait des garanties, assure-t-on. "Un agent public d'État sera forcément reclassé dans un ministère, mais pas forcément le même. On garantit alors la rémunération et une offre de formation." Ceux qui choisiraient de rejoindre le privé auraient "deux ou trois ans" pour confirmer leur décision. Au total, Bercy mise sur le fait que 600 à 1.200 agents rejoindront le privé tous les ans.

Par ailleurs, le gouvernement veut expérimenter le principe des ruptures conventionnelles pour les contractuels, et le "détachement" des fonctionnaires lorsque leur mission sera confiée au privé. Mercredi, Gérald Darmanin a de nouveau employé le terme de "plan de départ volontaire, avec ouverture du droit au chômage pour ces agents". Pour les syndicats, il ne s'agit là ni plus ni moins que d'un démantèlement du service public.

Rémunération au mérite

Ce point, toujours en discussion avec les syndicats, est aussi l'un de ceux sur lesquels la discussion achoppe : l'exécutif prévoit que les contractuels puissent être rémunérés au mérite. Leur salaire pourra être fixé en tenant compte de leurs résultats professionnels et/ou de ceux de leur service. "Les syndicats réformistes sont d'accord", assure-t-on à Bercy, qui n'a cependant pas détaillé cette mesure dans le projet de loi.

Vers une adoption avant l'été

Le calendrier du projet de loi n'est pas arrêté mais le gouvernement s'est fixé l'objectif d'une adoption avant l'été, via une procédure d'urgence (c'est-à-dire avec une seule lecture au Parlement). "Ce n'est pas nouveau sur un texte aussi technique", plaide-t-on à Bercy. L'exécutif veut absolument boucler ce chantier avant d'ouvrir celui, plus brûlant encore, de la réforme des retraites.