Carlos Ghosn vit ses dernières heures à la tête de Renault. Toujours emprisonné au Japon, le PDG du Losange a démissionné jeudi, en amont du conseil d’administration qui se tient à 10h. Sauf énorme surprise, c'est un tandem qui devrait le remplacer : Jean Dominique Sénard, qui devait bientôt quitter Michelin, va être président du conseil d'administration et Thierry Bolloré, qui assurait l'intérim chez Renault, va prendre la tête du constructeur. Mais une autre épineuse question se pose pour les administrateurs de Renault : avec quelles indemnités Carlos Ghosn va-t-il partir ? C'est potentiellement une très grosse bombe à retardement car, sur le papier, il pourrait prétendre à une belle somme d'argent.
Un salaire fixe d’un million d’euros. Selon le document de référence de la gouvernance de Renault, plusieurs éléments sont à prendre en compte. Il y a d’abord la rémunération fixe : un million d’euros au titre de l’exercice 2018 (contre 1,2 million en 2017). La part variable de sa rémunération dépend en revanche de critères de performance. Au maximum, elle peut s’élever à 100% du salaire fixe, soit un million d’euros. Un quart est versé en cash et le reste en actions gratuites. Sauf que pour toucher ces actions, Carlos Ghosn devra être présent dans l’entreprise en 2022, ce qui est très peu probable. Sa part de rémunération variable ne devrait donc pas dépasser 250.000 euros, si le conseil d’administration la lui verse.
Interrogations sur les parts variables. À cela, il faut ajouter les parts variables différées. Ces dernières années, Carlos Ghosn a accumulé des actions qu’il ne peut débloquer qu’au bout de quatre ans. Au total, cela représente un pactole de près de cinq millions d’euros. Concrètement, en février 2019, il aurait dû toucher les actions de 2014, soit 1,36 million d’euros. Puis celle de 2015 en 2020, celle de 2016 en 2021, etc.
Que va-t-il advenir de ce trésor de guerre ? Là encore, le conseil d’administration va devoir trancher. "Il va y avoir des tractations. Le fait qu’il soit loin et en mauvaise posture devrait conduire à ce que les syndicats qui hurlent déjà au scandale soient entendus par l’État et la nouvelle direction", estime Bernard Jullien, directeur du Groupe d'étude et de recherche permanent sur l'industrie et les salariés de l'automobile (GERPISA), invité d’Europe 1 mercredi.
Une coûteuse clause de non-concurrence. Le document de référence de Renault stipule en revanche que Carlos Ghosn ne doit pas toucher d’indemnités de départ. Mais il possède une clause de non-concurrence de deux ans, destinée à l’empêcher d’aller offrir ses services et un concurrent, avec le risque d’exposer les secrets du Losange. Le montant de cette clause peut atteindre deux ans de rémunération brute mais est soumis au vote de l’assemblée générale. En l’état, les chances que la clause soit versée à Carlos Ghosn sont minces.
Enfin, il y a la retraite de l’ex-PDG de Renault, qui va avoir 65 ans en mars. Il peut faire valoir son droit mais celui-ci est assorti à une condition de présence dans l’entreprise. La définition de la notion de présence étant assez floue, difficile de dire s’il pourra bénéficier des 800.000 euros annuels qui lui étaient normalement acquis.
Bercy veille au grain. Tous ces éléments de rémunération (hors retraite) devront être validés par l’assemblée générale des actionnaires, qui se tiendra en juin. En cas de refus de la rémunération 2018 de Carlos Ghosn, le salaire fixe lui serait versé mais pas les éléments variables. Au ministère de l’Économie, on est bien conscient du scandale que le versement de tels émoluments pourrait provoquer, d’autant que l’État est actionnaire majoritaire de Renault. De fait, mercredi soir encore, Bercy était en lien avec la direction du constructeur pour trouver des solutions acceptables.