Secret des affaires : après la France, l’Europe s’inquiète

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Le Parlement européen examine en commission une directive controversée sur le secret des affaires. © FREDERICK FLORIN / AFP
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Le Parlement européen examine une proposition de directive sur le secret des affaires, au grand dam des associations de journalistes et de plusieurs ONG, qui dénoncent un texte liberticide.

Le "secret des affaires", sorti par la porte en France en janvier dernier, va-t-il revenir par la fenêtre en Europe ? Le Parlement européen examine à partir de mardi, en commission, une proposition de directive européenne "sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l’obtention, l'utilisation et la divulgation illicites". Jugé liberticide par ses détracteurs, dont plusieurs ONG et des journalistes, le texte a fédéré plus de 270.000 signatures contre lui, dans le cadre d'une pétition lancée par Elise Lucet, présentatrice du JT de 13h sur France 2 et rédactrice en chef de l'émission d'enquêtes "Cash Investigation". Europe 1 vous explique les raisons de cette polémique.

Que dit le texte ? Le site officiel de l’Union européenne, europa.eu, définit les secrets d’affaires comme des "informations clés dont les entreprises, les chercheurs et les innovateurs veulent généralement préserver le caractère confidentiel au sein de leur organisation ou de réseaux de partenaires afin d'obtenir ou de conserver un avantage concurrentiel."

Le Parlement européen, alarmé par l’augmentation du vol de secret d’affaires - 25% des entreprises européennes sont concernées, selon l’U.E -, a décidé d’y remédier. Une proposition de directive sera donc étudiée afin de poursuivre toute personne qui révèlerait une information confidentielle d’une société concernant, par exemple, un procédé de fabrication, une liste de client ou des données relatives au lancement de produits.

Y’-a-t-il déjà eu un précédent ? Une proposition similaire avait failli voir le jour en France au début de l’année. La loi Macron, anticipant la directive européenne, avait tenté d’adopter une mesure sur le secret des affaires. Un amendement, présenté par le député PS Richard Ferrand, prévoyait que "le fait pour quiconque de prendre connaissance ou de révéler sans autorisation, ou de détourner toute information protégée au titre du secret des affaires (...) est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende."

Une mesure qui a provoqué la colère des syndicats de journalistes et des ONG, inquiets des conséquences sur la liberté d’information. Une tribune intitulée "informer n’est pas un délit", signée par une trentaine de médias dont Europe 1, était parue courant janvier pour dénoncer cet amendement. Face à ce tollé, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron a finalement décidé fin janvier d’écarter le texte pour garantir "la liberté de la presse, la liberté d'information, la liberté d'investigation".

Pourquoi une telle levée de boucliers ? L’article 4 de la proposition prévoit d’interdire les poursuites judiciaires en cas d’"usage légitime du droit à la liberté d'expression et d'information". Mais cette exception n’a pas apaisé la colère d’associations de journalistes et d’ONG, inquiets des conséquences sur la liberté de la presse. En effet, ils craignent que la mesure n’empêche le travail des journalistes d’investigation et serve à poursuivre les "lanceurs d’alerte", ces salariés qui dénoncent les pratiques illicites de leurs entreprises. Une pétition contre le texte, lancée par Elise Lucet, la journaliste de France 2, a ainsi recueilli près de 300.000 signatures sur change.org.

"Avec la directive qui sera bientôt discutée au Parlement, toute entreprise pourra arbitrairement décider si une information ayant pour elle une valeur économique pourra ou non être divulguée. Autrement dit, avec la directive "Secret des Affaires", vous n’auriez jamais entendu parler du scandale financier de Luxleaks, des pesticides de Monsanto, du scandale du vaccin Gardasil... Et j’en passe", soutient la pétition. Un appel contre la directive a aussi été lancé par les syndicats français et européens, l'Association européenne des Droits de l'Homme ainsi que Julian Assange, fondateur de Wikileaks. La version finale de la directive devrait être votée par le Parlement européen d’ici la fin de l’année.