Avec toujours près de 25% de grévistes et un trafic très perturbé, le personnel de la SNCF ne lâche rien au quatrième jour de grève contre la réforme ferroviaire. Alors que les usagers continuent de galérer, en coulisses les négociations sont toujours ouvertes entre le gouvernement et les syndicats. D’un côté, un exécutif intraitable ; de l’autre, des salariés toujours déterminés. Résultat, une semaine après le début de la grève, les discussions peinent à aboutir à des compromis.
Le gouvernement monte au front
Édouard Philippe, Élisabeth Borne, Nicolas Hulot : le gouvernement a mis les bouchées doubles dans les médias au cours du week-end pour convaincre l’opinion publique du bien-fondé de sa réforme ferroviaire. L'exécutif ira "jusqu'au bout" de son projet, a ainsi assuré Édouard Philippe au Parisien Dimanche, estimant que les grandes lignes de la réforme n'étaient "pas négociables" et que la discussion n'était possible que sur ses "modalités".
Les Français derrière le gouvernement. La dégradation du service public assuré par la SNCF "donne le droit de poser des questions et nous donne le devoir de remettre l'entreprise sur des rails soutenables", a renchéri le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot dans une tribune au JDD. Il souligne notamment que "l'objectif de cette réforme, c'est de faire mieux avec l'argent que nous consacrons au train".
De son côté, Élisabeth Borne a estimé avoir déjà fait des concessions, notamment concernant les cheminots qui changeraient d'employeur en cas de perte d'un marché par la SNCF. Ils conserveraient "la garantie de l'emploi, la retraite, la rémunération…", a-t-elle expliqué dans Sud-Ouest. Une offensive qui semble porter ses fruits : 62% des Français souhaitent que le gouvernement aille jusqu'au bout de la réforme, en dépit du mouvement de grève, selon un sondage Ifop pour le Journal du Dimanche.
De Rugy à l'attaque. Fort de ce soutien, l’exécutif reste donc ferme et répète que le cœur de la réforme, notamment la suppression du statut de cheminot, est intouchable. Un discours qui prévaut également à l’Assemblée nationale alors que le projet de loi ferroviaire arrive dans l’hémicycle. "Pour mener une réforme comme celle-là, on ne peut pas compter sur la négociation", a appuyé le président de l'Assemblée nationale, François de Rugy (LREM), en visant une CGT qui "a toujours refusé de négocier". Le ton est donné.
Pour les syndicats, "aucun" autre choix que la grève
Du côté des syndicats, on plaide la légitime défense : face à un gouvernement qui laisse peu de place à la négociation, la grève est la seule solution possible. "Personne ne veut d'un conflit dur qui dure mais pour l'instant, on est face à un mur", a martelé Philippe Martinez lundi sur Europe 1. Pour le patron de la CGT, les cheminots n'ont "aucun" autre choix que la grève, "c'est le gouvernement qui contraint à cette forme d'action".
Des petites avancées. "L'idée de la CFDT n'est pas de mener un conflit dur, qui dure", avait déjà affirmé Laurent Berger sur Europe 1 la veille. Le secrétaire général indique que la CFDT a mis des propositions sur la table. "Nous disons par exemple que la dette doit être reprise par l'État et qu'il n'y a pas d'autres possibilités" mais "quoiqu'il arrive à la SNCF demain, il faudra des cheminots pour faire rouler les trains et accueillir les usagers. On ne le fera pas correctement s'ils ont le sentiment que cette transformation se fait contre eux", prévient Laurent Berger.
Pour autant, les négociations sont toujours ouvertes. A côté des réunions officielles, des discussions plus informelles se sont tenues tout au long du week-end entre le gouvernement et les syndicats plus réformistes comme l'UNSA. Le "sac à dos social", ensemble de conditions de transfert des cheminots à une autre entreprise quand la SNCF perdra des appels d'offres, est considéré comme un terrain d’entente possible.
Guillaume Pepy s'agace. Jusque-là ce transfert devait être obligatoire pour les salariés mais après les premiers jours de grève, le gouvernement a fait une concession : le transfert se fera finalement sur la base du volontariat. Il faut donc organiser, encadrer et surtout susciter ce volontariat. Un point sur lequel les syndicats ont de la marge de manœuvre pour réclamer des conditions de départ confortables, en conservant les avantages acquis au fil des ans à la SNCF. Ils se battent aussi pour faire en sorte que les salariés puissent être réintégrés automatiquement à la SNCF en cas de faillite du nouvel opérateur de la ligne.
Des avancées notables mais pas encore de nature à faire plier les syndicats. Les négociations stagnent et ça a le don d’énerver Guillaume Pepy. La grève a déjà coûté "une centaine de millions d'euros" à la SNCF, a déclaré lundi le patron de la SNCF, sur BFMTV. Un coût qui risque de continuer à grimper encore quelques temps…
Borne devant les députés
La ministre des Transports, Élisabeth Borne, a défendu lundi à l'Assemblée nationale une réforme "impérative" du système ferroviaire, plaidant pour un débat "délesté des fantasmes et des contre-vérités qui le polluent". "Si nous proposons à la nation un nouveau pacte ferroviaire, c'est parce qu'une réforme du rail est impérative", a déclaré la ministre à l'ouverture des débats en première lecture sur le projet de réforme et au quatrième jour d'une grève des cheminots toujours très suivie. Devant un hémicycle peu garni, elle a mis en avant un diagnostic "aussi clair qu'alarmiste", avec un modèle économique qui "n'est plus soutenable, menacé par un endettement vertigineux". La dette est devenue selon elle le "boulet" de la SNCF.