Les salariés de Tati montent au créneau. Inquiets de la procédure de cession de la célèbre marque de vêtements à petits prix, ils ont écrit une lettre à Xavier Bottieau, le patron du groupe Eram, maison-mère de Tati. Ils regrettent qu’"aucune garantie n’ait été donnée pour la sauvegarde des 1.700 emplois partout en France" et demandent à ce que "la sauvegarde de l’emploi soit une des conditions de la reprise". Sur Twitter, ils interpellent également François Hollande.
Pertes colossales. Agora distribution, filiale d’Eram qui regroupe Tati, Giga Store, Degrif'Mania et Fabio Lucci, aurait perdu 54 millions d’euros en 2016, après 35 millions en 2015. Pour tenter de sauver Tati, Eram a misé sur l’expansion avec une centaine de magasins ouverts en dix ans, jusqu’en Arabie Saoudite et à Bahreïn. La chaîne a même lancé ses propres lignes de vêtements alors qu’elle misait auparavant uniquement sur le déstockage. Mais rien n’y fait et les pertes s’accumulent.
Crise globale. La situation de Tati n’est pas isolée. Mim, autre enseigne de mode à petits prix est menacée de liquidation. Une partie des employés s’activent pour tenter de reprendre l’activité en formant une Société coopérative de production (Scop) et ainsi sauver 650 emplois. Le tribunal de commerce de Bobigny doit statuer sur ce dossier le 26 avril. Avant cela, c’est Vivarte, groupe spécialisé dans l'habillement et les chaussures, victime de fonds d’investissement, qui avait annoncé son intention de se séparer de Naf-Naf et du chausseur André. La Halle aux vêtements, autre enseigne phare du groupe a vu ses effectifs allégés de 1.600 personnes en deux ans et des fusions de magasins avec la Halle aux chaussures sont à prévoir.
La crise du textile bon marché s’inscrit dans une période difficile pour le marché global de l’habillement qui a perdu 12% de sa valeur de 2007 à 2015. La tendance ne semble pas prête de s’inverser : l’Institut français de la mode prévoit des baisses de 1,8% en 2016 et 1,4% en 2017. "On revient à notre niveau de consommation d’il y a vingt-cinq ans. On accuse la météo ou l’absence de touristes mais personne ne peut nier que pendant ce temps les enseignes étrangères comme Primark, H&M et Zara avancent", souligne Pierre-François Le Louët, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, dans Le Monde.
Concurrence étrangère performante. Les marques historiques françaises n’ont pas su s’adapter à la nouvelle concurrence qui a pris d’assaut le marché. Le contraste est saisissant. Pendant que La Halle aux vêtements et Tati s’enfonçaient dans la crise, H&M et Zara s’imposaient, grâce à leurs collections plus proches de la mode, comme une référence pour les jeunes générations. Plus récemment encore, Primark, a ouvert dix magasins en France depuis fin 2013. En six mois, elle faisait partie des 25 plus grosses enseignes en volume, au niveau de La Redoute.
Un succès fulgurant qui repose sur des vêtements originaux vendus à des prix cassés (baskets à dix euros, t-shirts à cinq) et renouvelés très régulièrement. En trois ans, le chiffre d’affaires de Primark en France est passé de 126 à 406 millions d’euros et affiche des bénéfices annuels de plus de six millions d’euros. Les effectifs dans les magasins ont doublé en deux ans.
Marques vieillissantes. Ce qui fait dire à Pierre-François Le Louët que "l’audace manque globalement aux grands acteurs de l’habillement français qui inéluctablement vieillissent". "Ils doivent pourtant mieux répondre aux attentes des millenials qui n’ont jamais connu le monde sans Internet ni sans crise et qui ont un autre rapport à la consommation", ajoute le président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, dans Le Monde.
L’estocade du e-commerce. Outre la concurrence des marques étrangères, le e-commerce a frappé de plein fouet les enseignes françaises. L’habillement est le premier secteur en volume pour les ventes en ligne : en 2015, 45% des internautes ont acheté des vêtements sur Internet. Cela représente 5,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 16,7% de l’ensemble des dépenses d’habillement des Français contre moins de 2% en 2006. Marché global du textile en baisse, essor continu du e-commerce : logiquement les magasins sont les perdants de l’équation. Et face à la concurrence accrue de grands groupes internationaux, les marques françaises sont aujourd’hui en souffrance.