L'entreprise agroalimentaire belge Agristo a racheté lundi au groupe Tereos sa sucrerie d'Escaudœuvres dans le Nord, fermée en mars, pour y ouvrir en 2027 une usine de transformation de pommes de terre prévoyant à terme quelque 350 emplois. "C'est une victoire teintée d'amertume, mais il faut regarder vers l'avenir" a souligné le ministre délégué à l'Industrie, Roland Lescure, lors de la signature de l'accord sur le site, qui employait 123 personnes.
Un investissement de 350 millions d'euros
Ce projet de réindustrialisation rassure le maire de la commune, Thierry Bouteman. "La nouvelle odeur à laquelle il va falloir être habitué, puisqu'avant on avait l'odeur du sucre de la betterave cuite. Maintenant, ça va être la frite. C'est une nouvelle aventure qui s'annonce, avec 350 millions d'euros d'investissements, 350 emplois... C'est une belle opportunité pour le territoire", salue le maire de cette commune qui jouxte Cambrai.
Agristo a effectivement indiqué prévoir un investissement de 350 millions d'euros pour construire une usine neuve et y produire d'ici le second semestre 2027 des frites, röstis et autres galettes congelées, en créant à terme 350 emplois directs. Tereos, propriétaire des marques Béghin Say et La Perruche, doit prendre en charge le démantèlement de la sucrerie, vieille de près de 150 ans. Fondé en 1986, Agristo emploie environ 1.200 salariés en Belgique et aux Pays-Bas et réalise un chiffre d'affaires de quelque 900 millions d'euros.
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Il envisage de transformer à Escaudœuvres 500.000 tonnes de pommes de terres par an, fournies par "200 à 250 agriculteurs, tous situés à moins de 150 km de l'usine". Son directeur général Kritof Wallay a notamment mis en avant les bonnes connexions logistiques du site. L'Etat va "continuer à accompagner" la mise en œuvre de ce projet, selon le ministère. Agristo n'envisage la reprise d'aucun des salariés de la sucrerie, auxquels le PSE conclu en juin prévoit qu'un reclassement interne soit proposé en septembre. "Au total une vingtaine de licenciements secs" sont anticipés, selon le ministère. Tereos doit par ailleurs maintenir sur une partie du site des activités logistiques, employant 40 des 123 salariés de départ.
Mais tout cela n'efface pas l'amertume des salariés de Tereos, en partie reclassés sur d'autres usines du groupe ou affectés à ce qui ne sera plus ici qu'un site de conditionnement du sucre. "On est content, c'est très bien. Nous, à titre personnel, il y a une petite amertume quand même parce qu'on voulait garder notre site", confie un employé à Europe 1.
"Réorganisation industrielle"
Deuxième groupe sucrier mondial, derrière l'allemand Südzucker, Tereos avait annoncé début mars la fermeture de cette sucrerie, ainsi que de sa distillerie de Morains dans la Marne, dans le cadre d'une "réorganisation industrielle". Le site souffrait selon le groupe d'une "baisse de volumes de betteraves engagés", s'expliquant "majoritairement par des raisons agronomiques (rotation culturale, sécheresse, jaunisse)".
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Tereos a annoncé en juin avoir tourné la page d'une "crise sans précédent" et réalisé sur l'exercice 2022-23 un bénéfice opérationnel "record" dopé par les cours du sucre. Roland Lescure avait estimé qu'il n'était pas "normal" qu'une entreprise bénéficiaire ferme une usine, lors d'une visite en mars dans le Cambrésis. Il avait alors aussi sommé Nestlé de trouver un repreneur pour une autre usine fermée dans la zone, le site Buitoni de Caudry au cœur du scandale des pizzas surgelées contaminées par la bactérie Escherichia coli. Sur ce dossier, "il y a des pistes mais il est trop tôt pour parler de solutions", a-t-il affirmé lundi.
Il a indiqué que 87 projets de nouveaux investissements avaient été identifiés dans le cadre d'un projet d'aides au rebond industriel de la zone, totalisant jusqu'à 287 millions d'euros d'investissements possibles, éligibles à ces aides.