Le tribunal de Paris a jugé mardi "irrecevables" les demandes des ONG qui réclamaient la suspension d'un mégaprojet controversé d'oléoduc et de forages pétroliers de TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie mené, selon les associations, au mépris des droits humains et de l'environnement. Le tribunal estime que les associations n'ont pas respecté les étapes de la procédure en présentant à l'audience en décembre des demandes et des griefs "substantiellement différents" de ceux qu'elles avaient reprochés à TotalEnergies dans une mise en demeure de 2019, point de départ de l'affaire.
>> LIRE AUSSI - L'empreinte carbone de TotalEnergies quatre fois plus élevée qu'annoncé, accuse Greenpeace
Les deux chantiers au cœur de l'affaire
Les Amis de la Terre, Survie et quatre associations ougandaises, qui contestent avoir modifié substantiellement leurs demandes, "n'ont fait que les préciser et consolider leur argumentaire avec plus de 200 documents de preuves à l'appui", a réagi Juliette Renaud, une responsable des Amis de la Terre contactée par l'AFP. Les associations, qui peuvent faire appel, "se réservent sur les suites à donner à cette décision, en consultation avec les communautés affectées", a-t-elle ajouté.
Deux chantiers indissociables sont au cœur de cette affaire : le forage Tilenga en Ouganda, dont un tiers dans le parc naturel des Murchison Falls; et le projet EACOP (East African Crude Oil Pipeline), le plus long oléoduc chauffé au monde (1.500 km), à travers la Tanzanie et des aires protégées. Les ONG estiment que TotalEnergies ne respecte pas dans ces projets son "devoir de vigilance", institué par une loi française pionnière de 2017.
Celle-ci impose aux multinationales de "prévenir les atteintes graves envers les droits humains, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement" dans toutes leurs activités mondiales. Cette loi permet aux associations d'adresser une mise en demeure aux entreprises qui ne la respecteraient pas. Ces dernières ont ensuite trois mois pour répondre et se mettre en conformité, avant une éventuelle saisine de la justice.
Une affaire qui nécessite "un examen en profondeur"
Les associations avaient décidé de porter leur assignation devant le juge des référés, une procédure d'urgence. Mais le tribunal estime que l'affaire dépasse ses prérogatives et "nécessite un examen en profondeur (...) relevant du pouvoir du seul juge du fond".
Ce jugement est le premier rendu sur le fondement de la loi de 2017, très scruté par le monde économique et par les ONG impliquées dans la régulation des multinationales qui ont multiplié récemment ce type de procédures contre des grands groupes. Dans sa décision, le tribunal de Paris estime que les "mesures de vigilance" instaurées par cette loi sont "générales et sans contours précis", faute de publication d'un décret attendu.