Les actionnaires de TotalEnergies ont largement validé vendredi la stratégie climat du groupe, au cours d'une assemblée générale tenue sous la pression de manifestants, massés à l'extérieur, mais aussi du gouvernement, qui l'appellent à se détourner plus vite des énergies fossiles. Les militants écologistes, qui avaient promis de bloquer l'événement, n'ont pu mener à bien leur projet, tenus à distance par les gaz lacrymogènes lancés par les forces de l'ordre, mais le climat s'est imposé comme le thème central de ce rendez-vous annuel.
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La stratégie climat du groupe adoptée à 88,76%
Au terme de trois heures largement dominées par cette question, les actionnaires, sur place ou en ligne, ont adopté à 88,76% la stratégie climat du groupe. Une autre résolution, consultative, émanant de l'organisation d'actionnaires activistes Follow This, et rejetée par le groupe, a été repoussée mais a tout de même recueilli 30,4% des votes. Elle demandait à TotalEnergies d'aligner ses objectifs de réduction d'émissions sur l'Accord de Paris de 2015, pour limiter le réchauffement planétaire à +1,5 degré par rapport à l'ère pré-industrielle.
"Tant que les investisseurs permettront aux compagnies pétrolières de provoquer un effondrement du climat en votant contre l'alignement avec l'accord de Paris, les majors pétrolières s'accrocheront à leur modèle commercial fossile aussi longtemps que possible", avait auparavant déclaré Tarek Bouhouch, pour Follow This, lors de la séance de questions.
Patrick Pouyanné s'explique sur le plan de TotalEnergies
Parmi les 17 investisseurs activistes de Follow This, qui détiennent près de 1,5% de TotalEnergies, figurent La banque PostaleAM, Edmond de Rotschild AM, La Financière de l'Échiquier. "Vends tes actions !, "Ça va pas durer deux heures !", ont alors réagi quelques actionnaires, Patrick Pouyanné appelant de son côté à "laisser Monsieur s'exprimer". Le PDG de TotalEnergies s'est longuement justifié sur le plan de son groupe, l'une des cinq grandes majors mondiales avec BP, Shell, ExxonMobil et Chevron.
"Notre compagnie a été la major qui a investi le plus pour construire le modèle énergétique de demain qui sera basé sur l'électricité", via les énergies renouvelables, a-t-il déclaré, ajoutant qu'il ne peut pour autant réduire son activité pétrolière. "La demande de pétrole au niveau mondial est en croissance et si ce n'est pas TotalEnergies qui répond à cette demande, d'autres le feront à notre place", a-t-il encore dit, répondant aux "grincheux qui nous accusent de greenwashing".
Une assemblée annuelle sous haute sécurité
Le PDG avait ouvert comme prévu à 10 heures l'assemblée annuelle, tenue avec mille précautions sécuritaires : vigiles, barrières, cars de police... et à l'intérieur des plaques en plexiglas pour séparer la scène du public. Dès l'aube, des dizaines de manifestants ont tenté de pénétrer dans le tronçon de rue devant la salle Pleyel, dans les beaux quartiers parisiens, avant d'être délogés. Les manifestants sont alors restés à proximité, environ une centaine de chaque côté du segment de rue, scandant des slogans, avant de se disperser vers midi.
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"On ne les lâchera pas", assurait Marie Cohuet, porte-parole de l'association Alternatiba, pour qui TotalEnergies "incarne le pire de ce qui se fait en termes d'exploitation des populations et de la planète". Le blocage était organisé avec d'autres associations dont Amis de la Terre, ANV-COP21, Attac, Greenpeace, Scientifiques en rébellion et Extinction Rebellion. Six personnes ont été interpellées, selon la police. La Société des journalistes de LCI a protesté contre le sort réservé à une de ses vidéastes "brutalement écartée puis poussée au sol par la sécurité".
"Les militants du climat sont dans leur rôle d'alerter", estime Élisabeth Borne
Si aucun militant n'a réussi à entrer, une personne parmi les actionnaires a brièvement protesté dans la salle, sans perturber la séance. Dotée d'actions par héritage, a-t-elle expliqué à l'AFP, elle a juste eu le temps de montrer sa pancarte "Total détruit, les banques financent, on résiste". Interrogée sur ces événements, la Première ministre Élisabeth Borne a estimé que "les militants du climat" étaient "dans leur rôle d'alerter et de dire qu'il faut accélérer". La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a elle appelé TotalEnergies à "aller plus vite" sur les énergies renouvelables, ajoutant que les entreprises pétro-gazières "doivent se réinventer, sortir des énergies fossiles".
Cette réunion arrive à la fin d'une saison d'AG houleuses, au cours de laquelle les actions se sont multipliées contre les grands groupes sur fond de profits faramineux: ensemble, BP, Shell, ExxonMobil, Chevron et TotalEnergies affichent plus de 40 milliards de dollars de bénéfices ce trimestre, après une année 2022 grandiose. Même si TotalEnergies n'envisage pas de baisser significativement ses émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre dans la décennie, il entend consacrer un tiers de ses investissements dans les énergies bas carbone et atteindre 100 GW de capacités d'électricité renouvelable d'ici 2030.
Un bénéfice record de 20,5 milliards de dollars
Le groupe français est présent dans de nombreux projets de gaz naturel liquéfié et de pétrole, aux Emirats arabes unis, en Irak, en Papouasie ou encore en Ouganda, avec le projet controversé de l'oléoduc chauffé Eacop devenu un symbole médiatisé de la lutte anti-pétrole.
Cette polémique s'ajoute à bien d'autres pour la major, critiquée pour son bénéfice record de 20,5 milliards de dollars (19,12 milliards d'euros) en 2022, le montant de ses impôts payés en France ou le salaire de son patron. Une hausse de 10% de la rémunération du PDG pour 2023 a d'ailleurs été adoptée par l'AG.