Ils avaient toutes les raisons de se réjouir et puis… patatras. Après un mois de grèves à la SNCF et à Air France, les acteurs du tourisme français constatent un fléchissement de leur activité en avril, notamment en province, et s'inquiètent des répercussions du mouvement de protestation sur la saison estivale.
Le cabinet d'études et de conseil MKG alerte ainsi sur "un coup d'arrêt à la bonne dynamique du début d'année dans l'hôtellerie", alors que les trois premiers mois de 2018 avaient montré une hausse de plus de deux points du taux d'occupation moyen par rapport à l’année dernière, déjà marquée par une nette embellie après un climat d’angoisse en 2016 face à la menace terroriste. Ce "ralentissement est clairement observé sur la première quinzaine d'avril", selon un communiqué du cabinet, qui indique que "les hôteliers français enregistrent de nombreuses annulations ou des reports liés aux différents épisodes de grève".
L’optimise du patron de la SNCF, Guillaume Pépy, qui a assuré dimanche sur RTL qu’il n’y aurait pas de grève cet été parce que "les cheminots sont des gens responsables", ne suffira certainement pas à rassurer les professionnels du secteur, déjà perdants au vu des premiers chiffres. Laurent Duc, président de la branche hôtellerie de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), évoque ainsi une "perte d'activité [qui] atteint 10% à 20% selon les régions". Et la situation pourrait ne pas s’améliorer de sitôt, dans la mesure où les nouveaux arrêts de travail prévus lundi et mardi chez Air France et la SNCF ne seront pas les derniers. Les cheminots ont ainsi programmé des épisodes de grève jusqu'à fin juin, avec la menace d’une prolongation du mouvement en juillet et août, selon Le Parisien.
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La façade atlantique particulièrement touchée
"Paris s'en sort mais la province souffre, et plus particulièrement la façade atlantique qui enregistre une baisse d'activité de l'ordre de 25% sur un an", observe Didier Chenet, président du groupement patronal de l'hôtellerie-restauration GNI et ce, alors même que le beau temps est en train de faire son grand retour.
"Le week-end dernier, nous avons fermé parce qu'il y a eu des annulations. Le parking était complètement vide et il n'y avait pas de demandes du tout", rapporte notamment auprès de franceinfo Catherine Letard, hôtelière aux Sables d’Olonne. À Vannes, dans le sud de la Bretagne, Dominique Lecomte constate que les ponts du 1er et du 8 mai "ne sont pas remplis" dans son hôtel de douze chambres "Le Bretagne", situé près de la gare SNCF. "L'an dernier, c'était le cas à cette époque", regrette-t-il. "Et nous avons déjà eu des annulations pour cet été, c'est le cas d'une Japonaise qui vient de m'annuler ses deux nuits."
Le secteur de la restauration souffre lui aussi. "On enregistre des baisses jusqu'à -50% les jours de grèves dans certains établissements parisiens du fait du télétravail et des journées plus courtes qui font sauter le restaurant à midi", note le GNI. Un constat partagé par Stéphane Rosiers, gérant du restaurant éponyme à Biarritz, dans les Pyrénées-Atlantiques. "L'activité est beaucoup moins bonne que l'an dernier à la même date, on a enregistré des annulations en raison des grèves", raconte-t-il, craignant également "des répercussions sur la saison estivale".
Une aubaine pour les autres destinations touristiques
L’impact à plus long terme de ces grèves se fait déjà sentir, à en croire les chiffres des réservations pour le mois de juin, traditionnellement très important dans le secteur. "Elles sont déjà en retrait par rapport à la même date l'an dernier, jusqu'à -15% pour certains, en province et à Paris", déplore encore Didier Chene. Mais le malheur des uns fait aussi le bonheur des autres. Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme, évoque ainsi "un risque que cette consommation touristique potentielle profite à d'autres pays". "Les enquêtes d'intention montrent que les Français veulent partir, qu'ils ont envie de soleil pour les vacances d'été. L'offre aérienne est conséquente et pas seulement sur les aéroports parisiens, elle existe aussi en province", prévient-il. "Il est évident que l'on fragilise l'économie touristique. L'image de la France va en prendre un coup avec la multiplication des grèves", avertit également auprès des Échos Roland Héguy, le président de l'Umih, la première organisation patronale de l'hôtellerie.
Certains opérateurs tirent néanmoins leur épingle du jeu : le géant hôtelier AccorHotels, fort de 1.578 hôtels en France, assure "ne pas voir de répercussion à ce stade sur l'activité", tant pour les taux d'occupation que pour les réservations. Le groupe Pierre & Vacances-Center Parcs, leader du marché européen des résidences touristiques, a de son côté indiqué aux Échos que la conséquence des grèves sur la fréquentation de ses établissements n’étaient, à ce stade, pas vraiment mesurables.