C’est une annonce qui devrait à la fois réjouir les entrepreneurs, et donner du grain à moudre à ceux qui qualifient Emmanuel Macron de "président des riches". Dans un entretien accordé mardi au magazine américain Forbes, le président de la République indique qu’il entend supprimer dès 2019 l’"exit tax" instaurée à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy pour lutter contre la délocalisation de certains contribuables français. "Les gens sont libres d’investir où ils veulent", argue le président de la République. Europe 1 revient sur cet impôt que le locataire de l’Elysée juge "problématique" pour l’attractivité économique de la France :
Qu’est-ce que l’"exit tax" ?
Entrée en vigueur en avril 2012, l’"exit tax" cible les contribuables, et plus particulièrement les entrepreneurs tentés par l’exil fiscal, en imposant par anticipation leurs éventuels plus-values. Cette mesure visait initialement à endiguer la fuite des entreprises vers la Belgique, où de nombreux entrepreneurs fixaient leur domiciliation fiscale afin de pouvoir revendre leur société en dehors des prélèvements prévus par la fiscalité française en cas de cession. Or, avec l'"exit tax", un entrepreneur qui quitte le territoire, et délocalise ainsi son foyer fiscal, doit désormais s’acquitter d’un impôt calculé sur la plus-value qu’il aurait potentiellement pu réaliser en cédant sa société en France.
Depuis sa révision en 2014, dans le cadre de la loi de finance, la mesure concerne les contribuables dont les titres, valeurs et droits sociaux détenus dans l’entreprise délocalisée représentent au moins 50% de la participation, ou un montant supérieur à 800.000 euros. Ils sont taxés sur ces biens au barème progressif de l’impôt sur le revenu, auquel s’ajoutent 15,5% de prélèvements sociaux. Avec cet impôt, l'Etat tablait initialement sur 200 millions de recettes mais n'en aurait récolté que 70 millions en 2017, souffle RTL.
Pourquoi Emmanuel Macron veut-il la supprimer ?
"Je ne veux pas d'’exit tax’. Cela n'a pas de sens. Les gens sont libres d'investir où ils veulent", explique Emmanuel Macron au magazine Forbes. "Si vous êtes capable d'attirer, c’est bon pour vous, mais sinon, on devrait être libre de divorcer", ajoute-t-il. Une manière aussi de tacler implicitement le protectionnisme prôné par Donald Trump, à l’origine d’une véritable bataille commerciale entre l’Union européenne et les Etats-Unis.
Mais surtout, le chef de l’Etat voit dans cette taxe un frein à son rêve de "start-up nation", selon la formule utilisée pendant la campagne présidentielle. "L’'exit tax' envoie un message négatif aux entrepreneurs en France, plus qu’aux investisseurs", précise-t-il. "Pourquoi ? Parce que cela signifie qu’au-delà d’un certain seuil, vous êtes pénalisé si vous partez. […] Mais c’est une grosse erreur pour nos propres start-up car beaucoup d’entre elles, par le passé, lorsqu’elles considéraient que la France était moins attractive, ont choisi de repartir de zéro depuis l’étranger afin d’échapper à cette taxe", assure Emmanuel Macron. "Beaucoup des réformes que notre gouvernement à adoptées depuis le début de mon mandat visent à réduire le coût de l’échec. Pour moi, c’est absolument essentiel. L’un des principaux problèmes du pays est que vous avez un coût de l’échec très important, ce qui tue l’investissement. Désormais, il est plus facile et cela ne coûte presque rien d’échouer, ce qui est le meilleur moyen d’encourager les entrepreneurs", se félicite encore le chef de l’Etat.
Quelles réactions à cette annonce ?
Sur les réseaux sociaux, la gauche n’a pas manqué de manifester sa désapprobation, à commencer par la France Insoumise qui a de nouveau égrené la rengaine du "président des riches". "La fraude et l'évasion fiscale dépassent 60 milliards d'euros. C'est chaque année plus que la dette de la SNCF avec laquelle on nous rebat les oreilles. Plutôt que de lutter contre pour financer l'intérêt général, Macron veut supprimer l'’exit tax’. C'est le président des riches", a ainsi taclé sur Twitter Manuel Bompard, proche de Jean-Luc Mélenchon et directeur de campagne de la France insoumise.
La fraude et l'évasion fiscale dépassent 60 milliards d'euros. C'est chaque année plus que la dette de la SNCF avec laquelle on nous rebat les oreilles. Plutôt que de lutter contre pour financer l'intérêt général, #Macron veut supprimer l'exit tax. C'est le président des riches.
— Manuel Bompard (@mbompard) 2 mai 2018
Génération.s, le mouvement de Benoît Hamon, rapproche dans un tweet la suppression de l’"exit tax" de la réforme de L’ISF : "De l'"argent magique" pour les plus riches alors qu'il strangule les services publics et les "derniers de cordée". Indécent". Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, remet quant à lui en question l’argumentaire du président de la République sur la relance de l’investissement par la défiscalisation: "Qui croira encore à cette fable ? Même l’évasion fiscale n’est plus découragée !", s’agace-t-il.
En décembre la fin de l’ISF et la flat tax devaient servir l’investissement en France. Qui croira encore à cette fable? Même l’évasion fiscale n’est plus découragée !
— Olivier Faure (@faureolivier) 2 mai 2018
Macron veut supprimer "l'exit tax" créée pour limiter l'évasion fiscale https://t.co/jUoLrwmlPD
Le Président des très riches annonce en anglais dans le magazine Forbes qu’il leur supprime l’Exit tax ... les retraités modestes n’acceptent pas votre Merci ...https://t.co/fvGGdROkBm
— Nadine Morano (@nadine__morano) 2 mai 2018
Autre voix, celle d’une figure du sarkozysme, Nadine Morano qui rappelle un tweet l’effort demandé par le président de la République aux retraités via la hausse de la CSG : "Le Président des très riches annonce en anglais dans le magazine Forbes qu’il leur supprime l’Exit tax ... les retraités modestes n’acceptent pas votre Merci".