Angela Merkel a finalement craqué. Après plus d’un an de tentatives infructueuses, la chancelière allemande, fragilisée dans son pays, a consenti mardi à la mise en place d’un budget de la zone euro. Souhaitée par Emmanuel Macron depuis la campagne présidentielle, cette avancée dans la construction économique européenne, se heurtait au refus systématique de Berlin. Reste désormais à convaincre les autres pays de la zone euro et fixer le montant de ce budget. Quel qu’il soit, il servira à protéger les pays membres en cas de crise économique et permettre de combler les écarts de niveau de vie d’un pays à l’autre.
Pour une zone euro plus compétitive. La route est encore longue avant de voir se concrétiser ce budget commun aux 19 pays membres de la zone euro. Mais les contours de ses fonctions sont déjà délimités puisqu’il devra "promouvoir la compétitivité, la convergence et la stabilisation dans la zone euro", selon les termes du communiqué commun de la France et de l’Allemagne. De grands principes qui devraient aboutir à des applications concrètes afin de pallier à ce que l’euro n’a pas réussi à achever : le rapprochement entre les économies des pays utilisant la monnaie unique.
L’objectif du budget de la zone euro est donc double. D’un côté, il devra renforcer la puissance économique de l’ensemble des pays membres. "La compétitivité et la convergence seraient assurées à travers des investissements dans l’innovation et le capital humain", expliquent d’une même voix la France et l’Allemagne. Elles précisent que le budget commun "pourrait financer de nouveaux investissements et venir en substitution de dépenses nationales". Entre les lignes, le couple franco-allemand entend favoriser l’émergence d’un savoir-faire global à l’échelle de la zone euro et aboutir à la création d’entreprises capables de concurrencer les géants américains et asiatiques.
Venir en aide aux pays en difficulté. Le second objectif, la stabilisation économique de la zone, est plus sensible puisqu’il implique des "transferts" des pays les plus avancés vers les pays en difficulté. L’Allemagne est par nature opposée à l’idée de financer directement des voisins comme la Grèce ou l’Italie, plus à la peine sur le plan économique. Sur ce point, Angela Merkel a obtenu gain de cause. "Nous reconnaissons que la zone euro a besoin d’une véritable fonction de stabilisation macroéconomique, sans transferts", écrivent l’Allemagne et la France.
Pour faire de la zone euro une union monétaire stable et plus résistante aux crises, "deux options ont déjà été identifiées". D’une part, la possibilité pour les pays "touchés par un choc significatif" de suspendre temporairement leur contribution au budget commun, leur permettant ainsi de ne pas couper dans les aides sociales. Les fonds non-versés seraient remboursés progressivement quand le pays touché sera en meilleure santé. Deuxième option : créer un "fonds européen de stabilisation du chômage". Par le biais de ce mécanisme, les pays de la zone euro pourraient voler un secours d’un voisin dont le système d’assurance chômage sombre en période de crise.
Budget à définir. Reste que les ambitions du budget de la zone euro seront évidemment corrélées à l’enveloppe accordée par les pays membres. Emmanuel Macron avait plaidé à l'origine pour un budget "à plusieurs points de PIB", soit plusieurs centaines de milliards d'euros, tandis que la chancelière n'a évoqué que quelques dizaines de milliards. L'enveloppe pourrait être alimentée par des contributions nationales ou par des transferts depuis le budget de l'Union européenne, ainsi que par des ressources propres comme une taxe sur les transactions financières, selon Angela Merkel. Les décisions sur les dépenses reviendraient aux pays de la zone euro, son exécution à la Commission européenne.
Le budget de la zone euro, deuxième étape "dans la vie de notre monnaie commune", selon les mots de la chancelière, pourrait être mis en place en 2021, à condition qu'il reçoive aussi le feu vert des 17 autres pays de la zone euro. Le couple franco-allemand devra se montrer persuasif : huit États du nord de l'Europe, dont les Pays-Bas, l'Irlande, la Finlande et les pays baltes se sont récemment exprimés contre ce projet dans un document commun.