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Élise Denjean , modifié à
C'est un marché que la France a perdu depuis longtemps et qu'elle va tenter de récupérer. Quasiment tous les écrans que nous utilisons sont produits en Asie. Mais la start-up française Aledia veut changer la donne grâce à la création d'un nouveau site de production. Un projet d'ampleur car c'est tout un écosystème à reconstruire.
REPORTAGE

Ils sont partout : télévisions, ordinateurs, smartphones ou encore montres connectées. Les écrans se sont imposés dans nos vies et nous sont devenus indispensables. En moyenne, chaque foyer français en compte 5,5. Le marché économique est donc énorme - il représente 120 millions de dollars - mais sa production a complètement déserté l’Europe depuis plusieurs décennies. Désormais, la quasi-totalité des écrans est fabriquée en Asie.

Face à ce constat, et alors que l’écran va prendre de plus en plus de place dans nos usages, l’entreprise Aledia se rêve en géant de la future Display Valley, implantée près de Grenoble. Un site énorme où elle est en train de construire son usine de trois bâtiments répartis sur plus de 50.000 m². C’est là que, d’ici un an, elle commencera à produire ses premiers micro-LED 3D qui équiperont les écrans nouvelle génération. Une "technologie de rupture", affirme la direction, qui va permettre de créer des écrans d’un tout nouveau type et même d’en intégrer à des lunettes. Des écrans qui consommeront moins d’énergie et permettront une meilleure qualité d’image.

Le défi de trouver des fonds importants

À cause de la désindustrialisation, impossible pour la start-up d’utiliser des infrastructures existantes. Il a fallu partir d’une page blanche. "Pour la technologie des semi-conducteurs, on a vraiment besoin de salles blanches mais comme cette industrie des semi-conducteurs a fui l’Europe depuis un peu plus de 20 ans, il n'y en a plus", explique Nathalie Gambade, la directrice financière d’Aledia. Il faut donc en reconstruire. Il y aura 16.000 m² de salle blanche sur son futur site de production. Même constat pour les équipements. "On doit les importer, principalement des Etats-Unis, car il n'y a plus d'équipementiers en Europe."

Et tout cela a un coût, très élevé. Pour son usine, Aledia va devoir dépenser plus de 500 millions d’euros. Une somme que l’entreprise doit aller chercher chez des investisseurs étrangers pour pallier la frilosité des banquiers et actionnaires européens qui ne sont pas ou plus habitués à de tels projets. D’autant que la production n’a toujours pas débuté. L’usine commencera à produire d’ici un an et tournera à plein régime à partir de 2025. Pour ce faire, Aledia bénéficie de 5 millions d’euros d’aides de l’Etat dans le cadre du plan de relance.

Une occasion "unique" pour l'Europe de redevenir leader

Des infrastructures aux financements, c'est donc tout un écosystème à reconstruire. Autre enjeu majeur : la formation. "Vous avez des corps de métiers qui sont aujourd'hui très pauvres", explique Francis Taroni, directeur industriel d’Aledia. C’est le cas de la maintenance par exemple. "On a besoin de chimistes, d’électroniciens, d’opticiens mais ce sont des métiers qui manquent beaucoup aujourd'hui." Pour son usine, l'entreprise va recruter 500 salariés et générer le triple d'emplois indirects. Elle réfléchit donc déjà à créer son propre centre de formation. "On ne peut pas réindustrialiser sans former", conclut le directeur industriel.

Car il faut aller vite. Les géants de la tech sont déjà sur le coup et disposent de moyens colossaux. Il ne s’agirait pas de se faire doubler. "C’est une occasion unique pour l’Europe de redevenir leader dans la technologie et de fournir de grandes entreprises à la pointe", affirme Nathalie Gambade. Selon la directrice financière d’Aledia, le projet porté par l’entreprise pourrait même inciter un grand du semi-conducteur, comme Intel, à recréer des emplois dans la région. "Et là on est vraiment dans le cercle vertueux."