Voitures électriques : y a-t-il assez de bornes de recharges en France ?

Bornes de recharge : le réseau français est-il en retard par rapport aux autres pays ? Faut-il vraiment investir dans l’électrique ? Pour répondre à ces questions que se posent aujoud’hui les automobilistes, Pierre de Vilno reçoit dans le podcast “Tout roule” Xavier Horent, DG de Mobilians. 

Comment se décider entre une voiture électrique et une voiture thermique ? "Je partage totalement votre impression, Monsieur de Vilno. Je suis moi même un automobiliste et je m'interroge, comme des milliers de Français aujourd'hui, sur les futurs choix en terme de location ou d'acquisition de véhicules. Tout le défi de la filière automobile, ça va être de convaincre des clients qui sont effectivement déboussolés par les choix énergétiques qui ont pu être faits au niveau de l'Union européenne à l'horizon 2035. À marche forcée et avec un marché qui doit lui même être converti à un horizon de temps extraordinairement rapide, sans doute trop rapide."

On a demandé assez vite aux constructeurs de construire des voitures électriques. Est ce qu'on n'aurait pas dû d'abord s'occuper de l'infrastructure, en l'occurrence des fameuses bornes de recharge ? "C'est exactement le problème qui se pose aujourd'hui. On a mis probablement la charrue avant les bœufs, même si l'essentiel de la recharge se fera, selon toutes les études, au domicile ou au travail. Il n'en demeure pas moins que les Français ont besoin, et c'est tout à fait normal et tout à fait légitime, d'avoir un réseau de bornes de recharge suffisamment dense, avec un ratio d’environ une borne pour dix véhicules."

Combien y a-t-il de bornes de recharge aujourd'hui en France ? "Ce que je peux vous dire en terme de chiffres, c'est que tout compris, en comptant toutes les installations privées qui ont été effectuées ces dernières années, on est sur 1 million de bornes qui ont été installées en France. En revanche, dans le domaine public, au 31 mars 2023 nous sommes péniblement à 95 755. La France a un retard relatif, beaucoup d'autres pays sont beaucoup plus en retard que nous. Mais avec l'accélération des immatriculations de véhicules électriques ou électrifiés qu'on observe ces derniers mois, il va falloir accélérer de manière très significative la cadence. Et donc l'objectif qui a été rappelé par le Président de la République au début du Mondial, c'est d'arriver à un objectif de 400.000 bornes à installer à l'horizon 2030. En réalité, aujourd'hui, dans les chiffres dont je dispose, nous sommes à environ 500 bornes installées par semaine dans le domaine public. Selon nos propres estimations, il faudrait pouvoir multiplier par trois la cadence d’installation pour être au rendez vous d'un marché électrifié qui est en train de prendre un essor plus rapide que prévu d'ailleurs en France et plus largement en Europe."

Il y a des automobilistes qui ont des mauvaises surprises avec ces fameuses bornes de recharge publiques parce que c'est un peu l'opacité au niveau des tarifs. On peut se recharger sur une borne et payer un tarif tout à fait convenable, et se recharger le lendemain sur une borne B et avoir une facture totalement salée ? "C'est tout à fait exact et souvent, j'ai vu que ça faisait le buzz sur les réseaux sociaux. Donc il y a un effort au niveau des différents opérateurs qui est absolument à effectuer et ça, c'est la vie de tous les jours. Donc on voit bien que les usages, les modalités de recharge, les temps de recharge, la tarification qui va avec, les types d'abonnement, les opérateurs… C'est un maquis dans lequel l'automobiliste ne se retrouve pas. Donc c'est un objectif absolument central pour faire adopter aux Français, au maximum en tout cas des fonds de Français, l'électromobilité. Sinon il y aura un rejet. Et au delà du rejet, il y a déjà de toute façon une inquiétude qui pèse sur les prix de la recharge. Et le président de la République a évoqué la possibilité d'un bouclier tarifaire. Qu'en est-il sur la voie publique? Qu'en est il dans les entreprises? Tout ça, ça pose beaucoup de questions et ne pas y répondre ou esquiver les réponses. Évidemment, ce n'est pas ça qui va faciliter l'essor véritable de l'électromobilité en France."

Est ce qu'un jour on arrivera à avoir tout plein de voitures avec tout plein de bornes qui marchent et tout le monde sera content ? Et est ce que cette électricité sera un jour à 100 % verte ? "L'essentiel de l'enjeu, c'est la décarbonation de l'économie. Donc si c'est pour utiliser l'électricité dont les sources, évidemment, ne sont pas propres entre guillemets, c'est le chien qui se mord la queue. Tout à fait. Et en fait, c'est une transition écologique de façade. Donc il faut repenser l'ensemble de cet écosystème. Le prix, l'électricité et la source de cette électricité sont clés pour vraiment avoir une transition écologique digne de ce nom, globale et cohérente par rapport aux objectifs climatiques."

Êtes-vous optimiste là-dessus ? "Je suis optimiste parce qu’on sort du Mondial et je pense que nos ingénieurs n'ont pas fini de nous surprendre et qu'il est possible demain de tester que les infrastructures par puissent recharger nos véhicules par induction. J'ai vu aussi des véhicules à énergie solaire. Donc faisons confiance à nos ingénieurs. Je suis sûr qu'il y aura un éventail de solutions tout à fait étonnant que l'on ne peut pas aujourd'hui correctement estimer."