Marco Polo a voyagé jusqu’aux confins du continent asiatique, à la découverte de civilisations encore mal connues de l’Occident au Moyen-Age. Le récit de son périple, Le Devisement du monde ou Le Livre des Merveilles, influencera des générations d’explorateurs après lui. À l'occasion du 700ème anniversaire de la mort de Marco Polo, Virginie Girod vous fait voyager le long des Routes de la Soie dans un récit inédit en deux parties.
Les Polo sont une grande famille marchande de Venise, puissante cité commerçante qui étend son influence en Méditerranée grâce à l’ouverture de nombreux comptoirs. Soie, épices, pierres précieuses : les produits de luxe venus du Proche Orient font la richesse des négociants vénitiens. En 1254, à la naissance de Marco Polo, son père et son oncle sont justement partis vers l’Orient pour faire prospérer leur commerce. Il les verra pour la première fois à leur retour, quinze ans plus tard ! Le récit des deux voyageurs est extraordinaire : ils auraient même rencontré Kubilaï Khan, le grand empereur mongol ! Ce dernier a confié aux Polo une mission : rentrer à Venise, aller voir le pape en son nom et lui demander de lui envoyer 100 théologiens et savants pour lui expliquer la culture occidentale et le christianisme. Sauf qu’à cette époque, il n’y a plus de Pape ! Depuis la mort de Clément IV, les prélats n’arrivent pas à se mettre d’accord pour désigner un nouveau souverain pontife. Après deux ans sans Pape, Grégoire X est finalement élu. Impatients, les frères Polo et le jeune Marco sont cependant déjà repartis en voyage.
Marco Polo - Un explorateur vénitien
- Episode 1 - Une famille de marchands vénitiens
- Episode 2 - Les merveilles du monde
"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio
- Auteure et Présentatrice : Virginie Girod
- Production : Camille Bichler
- Réalisation : Pierre Cazalot
- Direction artistique : Julien Tharaud
- Composition de la musique originale : Julien Tharaud et Sébastien Guidis
- Edition et Diffusion : Nathan Laporte
- Visuel : Sidonie Mangin
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Nous sommes en République de Gènes, au nord de l’Italie, en 1298.
Cette cité est l’une des plus puissantes de son temps grâce à ses comptoirs commerciaux disséminés en Méditerranée jusqu’en mer noire. Sa rivale commerciale pour l’hégémonie sur les mers est Venise. C’est dans le cadre de cette rivalité que l’explorateur et marchand Marco Polo a été fait prisonnier par les Génois.
Mais pour le vénitien de 44 ans, ce séjour dans une geôle ressemble presque à des vacances studieuses. Pas question de croupir dans un cul-de-basse fosse. Il a les moyens de se payer une belle cellule avec un certain confort, peut-être même un appartement complet. Et il n’est pas seul dans sa vaste cellule, du moins pas tout le temps.
Avec l’écrivain Rustichello de Pise, il s’est lancé dans de vastes travaux d’écriture pour décrire le monde. Sous la dictée du Vénitien, il écrit les mémoires de son voyage en Asie en y ajoutant çà et là une petite touche lyrique, une exagération poétique, un détail fantastique… Pendant que Rustichello laisse courir sa plume sur le parchemin, Marco Polo replonge dans ses notes. C’est dans ces petits papiers que ses geôliers génois lui ont fait venir de Venise qu’il a noté toutes les marchandises qui transitent dans les villes qu’il a visitées, l’épaisseur des murailles quand il y en avait et tout ce qui peut être utile à des marchands italiens désireux d’étendre leurs zones de négoce. Le deuxième livre est entièrement consacré à la grandeur de Kubilaï Khan, l’empereur Mongol auprès duquel Marco Polo a passé plusieurs années.
Rustichello et le Vénitien relisent les pages du jour. Ils sont satisfaits du résultat. Ont-ils alors conscience qu’ils travaillent sur un livre qui va changer le monde ?
L'histoire de Venise et de son expansion
Les Polo forment une grande famille marchande de la Sérénissime. Ah… Venise ! Sans doute l'une des plus belles villes du monde. Pas un coin de cette ville construite sur la lagune qui ne soit une merveille ou un chef d’œuvre !
Mais revenons à ses origines. Elle est bâtie sur la côte est de l’Italie, sur la mer Adriatique. Au départ, il y avait quelques îlots dans les eaux saumâtres d’une lagune qui hésitait entre eau salée et eau douce. Entre le VIe et le VIIe siècle, les populations locales commencent à remblayer, drainer, assécher, aménager la zone autour du Rialto. C’est comme ça que le centre-ville de Venise apparaît, construit en grande partie sur pilotis.
Au IXe siècle, les reliques de Saint-Marc volées en Égypte sont déposées dans la cité des Doges. A cette époque, avoir des saintes reliques, surtout si elles viennent d’un des auteurs des Évangiles, donne un immense prestige à votre ville. Saint-Marc en devient le saint patron, d’où la fameuse place San Marco, cette beauté architecturale ouverte sur la lagune.
Au Xe siècle, Venise devient une cité de puissants commerçants grâce à ses habitants habitués à sillonner les mers. Un marché international se développe près du fameux pont du Rialto. Cette zone est d’ailleurs toujours très commerçante aujourd’hui, mais elle sert surtout à faire dépenser de l’argent aux touristes !
La Venise du Moyen Âge n’est pas un royaume. Son régime est une république avec à sa tête un doge, un magistrat élu à vie. La politique de Venise se concentre sur l’expansion territoriale en Méditerranée pour développer son commerce et donc sa richesse qui permet d’y élever des palais toujours plus beaux. Sa participation à la quatrième croisade lui vaut l’acquisition de plusieurs îles grecques et du Péloponnèse, la presqu’île qui forme le sud de la Grèce continentale.
Les marchands de Venise participent à l’expansion commerciale de la cité en ouvrant des comptoirs un peu partout en Méditerranée. L’un des membres de la famille de Marco Polo, Marco Vecchio, possède notamment un comptoir à Constantinople, la capitale de l’empire Byzantin, zone en déclin à cause de l’expansion du monde arabe mais qui reste au cœur des chemins vers l’Orient. Or, ce qui fait la richesse des commerçants vénitiens, se sont ces artefacts de luxe qui viennent du Proche Orient. Parmi eux, il y a la soie bien sûr, mais aussi les épices et les pierres précieuses. Voilà pourquoi avec de telles marchandises, les Vénitiens sont riches.
Il s’avère que depuis le début des Croisades, l’accès au Proche Orient et à l’Extrême Orient est de plus en plus compliqué, en raison de la politique expansionniste de l’empire arabo-musulman qui s’étend de la péninsule arabique à la rive sud de la Méditerranée et même jusqu’à l’Espagne et au Portugal.
Cette expansion rapide commence à connaître des revers de fortune au XIIIe siècle avec la Reconquista au Sud de l’Europe et avec les conquêtes de Gengis Khan et de son descendant Kubilaï Khan en Asie Mineure… C’est donc le moment idéal pour les Vénitiens pour ouvrir de nouvelles routes commerciales vers l’Extrême Orient et faire ami-ami avec le Khan.
Le retour du père explorateur
Nous voilà donc en 1254. Niccolo Polo et son frère Mattéo décident de faire un voyage vers l’Orient pour faire prospérer leur commerce. Niccolo laisse à Venise son épouse enceinte, il n’est donc pas présent quand elle accouche d’un petit garçon prénommé Marco, celui qui deviendra le fameux Marco Polo !
Marco grandit sans père dans la Sérénissime. Les années passent et ni Niccolo ni Mattéo ne donnent de nouvelles. Petit à petit, dans la tête de Marco, l’idée d’un père voyageur cède la place à celle d’un deuil résigné. Son père est mort. C’est sûr. Mais en 1269, alors qu’il a une quinzaine d’année et se croit orphelin, deux hommes arrivent au port de Venise. Ce sont Niccolo et Mattéo Polo ! Ils reviennent d’un incroyable voyage qu’ils racontent par le menu au jeune Marco.
Les frères Polo se sont rendus au Proche-Orient où ils ont rencontré une caravane qui partait pour la cour de Kubilaï Khan, le grand empereur mongol. On a assuré aux deux Vénitiens que l’empereur n’avait jamais vu d’Occidentaux et qu’il serait ravi d’en voir. Ce n’est peut-être pas vrai, mais les frères Polo suivent la caravane. Les paysages de déserts de la péninsule arabique cèdent leur place aux steppes russes, aux contreforts montagneux de l’Inde et enfin, à la Chine.
Ce voyage a pris de nombreux mois. C’est à son terme qu’ils ont rencontré le Khan !
L'empire puissant de Kubilaï Khan
Kubilaï Khan un homme de belle prestance, ni grand ni petit, ni gros ni maigre. Sa peau est blanche et rose, sa physionomie agréable. C’est aussi un guerrier de premier plan et un grand meneur d’hommes, curieux de ce qu’il se passe hors de ses frontières et dans son empire.
Kubilaï Khan est aussi connu pour être le petit-fils du grand conquérant des steppes, Gengis Khan. Lorsque celui-ci meurt, son empire comprend déjà la Mongolie et une partie de la Chine ainsi que la Bactriane, une zone géographique entre les portes de l’Inde et le Pakistan. Kubilaï va continuer à agrandir l’empire légué par son aïeul. D’abord, il s’étend dans les vastes plaines de Russie. Puis il s’attaque aux frontières du monde arabo-musulman et prend le contrôle de la Perse et de l’Iraq. Les Mongols s’arrêtent au nord de l’Égypte où ils sont mis en déroute par les Mamelouks suite à la mort d’un de leurs généraux. La nouvelle frontière mongole au Proche Orient s’arrête donc au sud de la Syrie, ce qui implique Bagdad, dont l’importance est centrale sur les axes commerciaux.
Cela signifie concrètement que Kubilaï Khan maîtrise les routes qui vont de l’Europe à l’Extrême-Orient, ce qu’on appellera plus tard « la route de la Soie ». Et ces routes vont jusqu’à l’Annam, le Viet Nam actuel, et la très lointaine Chine. En 1271, Kubilaï Khan installe même sa cour impériale à Pékin.
L’administration de ce gigantesque empire s’appuie sur les familles aristocratiques locales en plus de l’élite mongole et des systèmes de circulation de l’information, particulièrement efficaces. Il y a par exemple des relais de poste qui permettent aux messagers de changer fréquemment de chevaux et de parcourir les routes principales puis les routes secondaires. On est alors très loin de cette efficacité en Europe.
Une fois son empire bien établi, Kubilaï Khan agit en souverain éclairé, mène des politiques de grands travaux et s’intéresse à la diplomatie. Voilà pourquoi il est ravi de voir arriver à sa cour les frères Polo.
Sur le plan religieux, il semblerait que Kubilaï Khan soit bouddhiste. Mais il s’intéresse à la religion des deux vénitiens. Il leur dit même que si cette religion est intéressante, il pourrait s’y convertir. Il confie donc une mission à Niccolo et Mattéo Polo : rentrer à Venise, aller voir le pape en son nom et lui demander de lui envoyer 100 théologiens et savants pour lui expliquer la culture occidentale et le christianisme. Les frères Polo escorteront ces intellectuels jusqu’à lui.
Voici comment les frères Polo entreprennent le voyage dans l’autre sens pour retrouver la Sérénissime qui leur a tant manqué.
Une chrétienté sans pape
Marco est émerveillé par le récit de voyage de son père et de son oncle. Les voilà ambassadeurs pour le Khan ! Il va maintenant les aider à accomplir leur mission. Mais rien n’est simple. En cette année 1269, il est très difficile de rencontrer le pape. Tout simplement parce qu'à cette date, il n’y a pas de pape !
Les problèmes ont commencé l’année précédente avec la mort du pape Clément IV. Proche de Saint-Thomas d’Aquin, Clément IV, connu pour son ascétisme, a tenté d’assainir les pratiques de l’église en luttant contre le népotisme et la corruption. Dans ces conditions, il n’allait pas imposer son propre successeur en jouant du trafic d’influence et de tractations variées ! Très vite après sa mort, le conclave se réunit. Les prélats doivent choisir le nouveau pape mais tout est compliqué en ces temps troublés où Venise et Gènes sont en guerre. Les prélats italiens sont divisés. Et en plus, la France et l’Angleterre sont aussi en conflit et chacun de ces royaumes souhaite un pape qui sera leur ami.
Toutes ces divisions font que chaque vote échoue et on n’arrive pas à élire un pape. Alors en 1271, après deux ans sans pape, les cardinaux se font enfermer à clef dans la salle du conclave du palais des papes. Ils n’ont pour se restaurer que du pain et de l’eau. Ça leur permettra peut-être d’être touchés par la grâce ! Cette séquestration fut très efficace. En quelques heures, il se mettent d’accord sur le nouveau pape : Tebaldo Visconti. Cet homme austère, proche du souverain anglais, prend alors le nom de Grégoire X.
Habemus papam !Sauf que les frères Polo et le jeune Marco en ont eu marre d’attendre. Ils sont déjà repartis vers le Proche-Orient. Néanmoins, Grégoire X connaît leur demande et la trouve intéressante. Il envoie donc un bateau récupérer les trois marchands explorateurs pour leur faire une proposition.
Découvrez la suite dans la deuxième partie de l'épisode consacré à Marco Polo.
Références bibliographiques et ressources en ligne
Chaix Paul. Marco Polo. In: Le Globe. Revue genevoise de géographie, tome 39, 1900. pp. 84-94
Cordier Henri. L'Itinéraire de Marco Polo en Perse. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 55ᵉ année, N. 4, 1911. pp. 298-309.
Germain-Thomas Olivier, Marco Polo, folio biographie, 2010.
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Devisement_du_monde_(français_moderne)/Livre_1/Chapitre_3
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