[1/2] Robert Oppenheimer, le père de la bombe atomique
Écoutez l’histoire inédite de Robert Oppenheimer, père de la bombe atomique, racontée par Virginie Girod dans un épisode en deux parties. Difficile de ne pas être tourmenté quand on est le père de la bombe atomique et qu’on est pacifiste. Robert Oppenheimer est l’un des génies de la science du XXe siècle. Malgré ses affinités avec le communisme, il est placé à la tête du “projet Manhattan”,nom de code de la mission de recherches qui a mené à la création de la première arme atomique pendant la Seconde guerre mondiale.Constamment surveillé par le FBI, entouré d’espions soviétiques, Oppenheimer est tiraillé entre ses désirs de gloire, sa volonté de maîtriser une nouvelle technique et sa détermination à mettre fin à la guerre… Mais rien ne se passera comme il l’imaginait. Tel Faust qui signe un pacte avec le Diable pour la gloire, Oppenheimer payera cher le prix de ses ambitions.Sujets abordés : bombe atomique - Etats-Unis - URSS - Seconde Guerre Mondiale - Guerre Froide - Physique - Chimie - Projet Manhattan - FBI – communisme – Harry Truman – Hiroshima – NagasakiNous sommes au milieu du désert du Nouveau Mexique, dans la vallée de la Jornada Del Muerto, le 16 juillet 1945. Le jour n’est pas encore levé. Robert Oppenheimer attend fébrilement que tout soit prêt pour l'essai Trinity : l’explosion de la première bombe atomique de l’histoire conçue par son équipe au laboratoire de Los Alamos. Il fume cigarette sur cigarette en lisant Baudelaire. La bombe surnommée Gadget est hissée au sommet d’une tour de 30 mètres. À 5h29 du matin, elle est activée.Une explosion incroyable comparable à vingt kilotonnes de TNT crée une déflagration si puissante que l’onde de choc parcourt 160 km à la ronde. Une lumière blanche illumine le paysage comme en plein jour. Un champignon haut de douze kilomètres s’élève dans le ciel. Voilà ce que peut donner une explosion contenant 6,19 kg de plutonium quand on applique la célèbre équation d’Einstein : E=mc2.Depuis l’enceinte de confinement, les yeux protégés par des lunettes spéciales, Oppenheimer a observé l’essai qu’il attend depuis 5 ans. Il murmure : "It worked", ça a marché. Mais en son for intérieur, ce passionné de sagesse hindouiste se remémore les mots du Bhagavad-Gita, un poème en sanskrit qui raconte l’histoire de la divinité Krishna : « Je suis devenue la mort, le destructeur des mondes. »Un élève et scientifique brillantLe 22 avril 1904, Julius Oppenheimer accueille le fils que sa femme Ella vient de lui donner. Cet immigré allemand a fait fortune en quelques années grâce à son travail acharné. Son premier né est prénommé Julius Robert. On l’appellera Robert. L’enfant a hérité de la détermination de son père et de la beauté délicate de sa mère : à cette époque, ce sont les hommes qui font la conquête du monde et on attend des mères qu’elles transmettent beauté et douceur. Choyé par ses parents, Robert est initié aux arts et aux lettres, loin des enfants de son âge.Lorsqu’il entre à l’école, ses camarades voient en lui un petit garçon arrogant et ses professeurs, un singe savant. Il est parfois renvoyé des cours non parce qu’il s’est mal comporté mais parce qu’il en sait plus que ses enseignants.Robert est brillant. Il s’intéresse autant aux sciences qu’à la philosophie, à la poésie et à la spiritualité. Il parle plusieurs langues et il rêve de devenir célèbre grâce à cet intellect qui le singularise et le fait se sentir isolé du monde. Ce que les autres prennent pour de l’arrogance n’est souvent qu’un moyen de cacher son mal-être face aux gens.En 1922, À 18 ans, il intègre Harvard où il suit simultanément plusieurs cursus de sciences et de lettres. La vie sur le campus le stimule intellectuellement mais renforce sa solitude. Robert flirte avec la dépression.Trois ans plus tard, alors qu’il se trouve au Cavendish Laboratory de Cambridge, il publie plusieurs articles reconnus pour leur qualité en astrophysique. Malgré cela, il doute cruellement de son talent. Il achève ses études aux Pays-Bas où il se forme à une toute nouvelle discipline, la physique quantique : un ensemble de théories qui visent à expliquer les comportements de l’infiniment petit, ceux des atomes et des particules qui les constituent.La découverte du communismeDe retour aux États-Unis en 1929, Robert Oppenheimer, désormais docteur en physique, est le seul scientifique américain formé dans ce domaine de pointe. Il fonde alors une école de Physique théorique à l’université de Berkeley, près de San Francisco.Sur l’estrade de sa salle de cours, Oppenheimer, bel homme mince au regard bleu perçant, orateur de génie, subjugue ses étudiants... qui ne comprennent rien, tant le cours est complexe. Le professeur écrit des équations à toute vitesse sur son tableau noir tout en fumant des cigarettes. Bien que déconcertés, les élèves l’idolâtrent. Oppenheimer est doté d’un charisme hors du commun.Occupé à ses équations, le physicien ignore pendant plusieurs années les conséquences du krach boursier de 1929, qui mine pourtant le moral de ses élèves. C’est une femme qui va lui ouvrir les yeux sur la misère d’une partie des Américains.En 1936, Oppenheimer rencontre Jean Tatlock par l’intermédiaire d’amis communs. Cette femme passionnée et sensible est psychologue et militante communiste. Robert, qui n’avait jamais vraiment osé approcher les femmes, alors qu’il charme toutes les personnes qu’il rencontre, tombe amoureux pour la première fois. Jean lui fait découvrir le communisme. Robert s’y intéresse parce que certaines idées sur la justice sociale le touchent, mais il est trop indépendant d’esprit pour suivre une idéologie à la lettre.Jean est une femme brillante mais tourmentée. On raconte qu’elle n’assumerait pas son homosexualité, ce qui la rendrait dépressive. L’homosexualité n’était pas tolérable dans les États-Unis des années 30. Auprès d’elle, Robert se voit en chevalier blanc mais Jean refuse d’être sauvée de son mal-être. Elle quitte Robert après trois ans de relation et lui brise le cœur. Le physicien se console dans les bras de Kitty Harrisson, une autre communiste passionnée et fragile, qui quitte son mari pour l’épouser. Oppenheimer a 36 ans et il est le quatrième mari de sa femme !La course au nucléaireFin 1938, en Allemagne, le physicien Otto Hahn publie un article sur la fission nucléaire. Si on brise un atome, ses fragments libèrent de l’énergie et des neutrons qui casseront à leur tour d’autres atomes à proximité et ainsi de suite. C’est ce qu’on appelle une réaction en chaîne. Les découvertes de Hahn sont à l’origine des recherches sur l’énergie nucléaire. Une énergie… qui pourrait servir à faire une bombe à la puissance dévastatrice.Albert Einstein redoute les mauvaises applications de ces découvertes. Réfugié aux États-Unis depuis la montée du nazisme, il écrit au président Roosevelt qui décide de lancer le comité uranium pour mener une réflexion sur les armes atomiques.Au début de la seconde guerre mondiale, plusieurs pays se livrent une course funeste pour créer une arme nucléaire et prendre un avantage décisif sur leurs ennemis. Malgré l’urgence, les réflexions de ce comité ne sont pas très fécondes… du moins, jusqu’à un épisode tragique.Oppenheimer et le projet ManhattanLe 7 décembre 1941, les Japonais attaquent la base américaine de Pearl Harbor dans le Pacifique. Dès Le lendemain, les États-Unis s’engagent dans la seconde guerre mondiale. Le général Leslie Groves est alors chargé de recruter une équipe pour travailler sur le développement de la bombe atomique : c’est le projet Manhattan. En tant que militaire, il coordonne cette mission pour le compte du ministère de la Défense. Groves est un ingénieur. Il a notamment supervisé la construction du Pentagone, le quartier général du ministère de la Défense américain. Il souhaite mettre à la tête de son projet un directeur scientifique capable de lui expliquer simplement l’avancement de ses recherches. Il mise sur Robert Oppenheimer, le génie de Berkeley. Leur rencontre a lieu dans un train qui roule vers New York.Lors de cet entretien, Oppenheimer subjugue Groves. Il lui explique en des termes clairs des concepts de physique. La maîtrise de la fission nucléaire pourrait conduire à la création de bombe en application de l’équation de Einstein E=mc2 . L’énergie disponible dans une masse est égale à la vitesse de la lumière au carré. C’est colossal. Pour faire simple, on peut convertir une toute petite quantité de matière en une très grande énergie. C’est ce qu’il se passe à l’intérieur d’une étoile qui fonctionne comme un réacteur nucléaire et produit de la lumière et de la chaleurOppenheimer est capable de rendre ses recherches accessibles et il rêve de reconnaissance et de gloire. En dirigeant le projet Manhattan, il entrerait dans l’histoire. Groves comprend qu’il a trouvé le candidat idéal. Un homme prêt à tout pour briller, qui ne comptera pas son temps et lui fera des rapports limpides.Oppenheimer ne sait pas qu’il est un train d’accepter un pacte Faustien : vendre son âme au Diable pour la gloire. En effet, Robert est profondément pacifiste, comme la très grande majorité des physiciens de son époque. Seule la recherche fondamentale - c’est-à-dire la recherche théorique sans application concrète - les intéresse car tout est à découvrir.Le monde scientifique se livre donc à une course effrénée pour percer les mystères de la physique nucléaire. Chaque physicien rêve d’un prix Nobel . Et Oppenheimer aussi. Il se dit que s’il fabrique la bombe atomique, il créera une force d’intimidation qui mettra nécessairement fin à la guerre. Il veut y croire et il négocie avec sa conscience. Il ne sait pas que ses conflits internes se lisent sur son visage et que le FBI surveille chacun de ses mouvements.La base militaire de Los AlamosLe renseignement américain s’oppose d’abord à la nomination d’Oppenheimer à la tête du département scientifique du projet Manhattan. Le professeur de Berkeley est perçu comme un communiste, un rouge inféodé à l’URSS et il est peut-être même un agent secret ! Mais Groves n’en démord pas. Il veut Oppenheimer.Une fois officiellement nommé lieutenant par l’armée en charge du projet Manhattan, Oppenheimer sillonne les États-Unis pour embaucher les plus grands scientifiques résidant sur le territoire américain. Beaucoup sont des juifs qui ont fui l’Allemagne nazie ou des Italiens dégoûtés par le fascisme. Parmi eux, il y a Richard Feynman, juif du Queens, spécialiste de physique quantique et futur Nobel ; l’italien Enrico Fermi, créateur de la première pile atomique (qui démontre que l’on peut maîtriser la fission nucléaire en chaîne dans une expérience) et nobélisé en 1938 pour ses travaux ; Hans Bethe, lui aussi futur Nobel qui travaille sur l’uranium ou encore Edward Teller, un juif autrichien exilé, sans doute le moins pacifiste de tous, qui travaille sur la fission nucléaire.Oppenheimer leur fait à tous la même promesse : travailler dans un endroit fantastique pour un projet top secret à la pointe de la recherche en physique. Impossible de résister. Cependant, les membres du projet Manhattan refusent de travailler chacun de leur côté en cloisonnant leurs recherches. Bien que l’armée rêve de les isoler les uns des autres pour des questions de sécurité, elle ne peut pas lutter contre les us et coutumes des scientifiques. Alors Groves décide de les réunir dans une base militaire sécurisée.C’est Oppenheimer qui trouve l’endroit idéal. Enfant, il partait en cure au Nouveau Mexique près de Los Alamos. Décor de Western dans les vallées couverte de poussière rouge, loin de tout… Groves est conquis. La base militaire de Los Alamos sort de terre en quelques semaines avec ses laboratoires ultra modernes, ses quartiers résidentiels pour les chercheurs et les militaires, ses guérites, ses check points…La rencontre avec Elisabeth Zaroubina Cette vie sous le sceau du Secret Défense semble très exotique aux chercheurs qui ont un mal fou à s’y plier ! Par exemple, le grand jeu de Richard Feynman est de sortir du camp par un trou dans la clôture et de rentrer par les guérites pour montrer aux soldats qu’il est très facile d’échapper à leur vigilance. Il s’amuse aussi à crocheter les coffres forts pour passer des documents secrets d’un coffre à l’autre.Mais la vie de laboratoire n’est pas simple. Chapeau façon Indiana Jones vissé sur la tête, Oppenheimer gère les esprits les plus brillants du pays, des esprits qui, loin d’être purs, ont des ego démesurés. Il se fait de Edward Teller un ennemi mortel quand il lui préfère Hans Bethe comme chef de département. Mais Oppenheimer n’y prête pas attention. Il y a tant de chercheurs à superviser. Et puis, il se sait surveillé constamment. Le FBI doute toujours de sa loyauté. Il en plaisante parfois avec sa femme Kitty quand ils se téléphonent car ils se savent sur écoute. Et de fait, il n’a pas souvent l’occasion de plaisanter car Kitty est alcoolique depuis la naissance de leur deuxième enfant.Parfois, le soir, Kitty invite à dîner l’une de ses amies, Élisabeth Zaroubina. Cette belle brune au regard de braise est la femme d’un diplomate russe. Kitty aime parler de communisme avec elle. Pendant leurs dîners, Élisabeth Zaroubina incite Oppenheimer à se montrer prudent dans l’expression de ses idées politiques. Plus il se tiendra à distance des idées communistes, mieux ce sera. Oppenheimer l’écoute avec attention. Zaroubina, bien que mariée à un Russe orthodoxe, est elle-même juive. Elle a aidé beaucoup de ses coreligionnaires à fuir l’Allemagne nazie vers l’Amérique. À ce titre, elle connaît de nombreux physiciens et invite Oppenheimer à recruter certains d’entre eux comme Klaus Fuchs ou Theodore Hall. Le directeur du projet Manhattan écoute les conseils avisés de Zaroubina et intègre ces chercheurs au laboratoire de Los Alamos.Sait-il que Zaroubina est une espionne soviétique à la tête d’un énorme réseau qui comprend même la dernière maîtresse de Einstein, Margarita Konenkova ? A-t-il conscience que les chercheurs qu’elle lui a fait embaucher sortent des dossiers top secret de Los Alamos qui partent en valises diplomatiques vers l’URSS ? Oppenheimer est peut-être naïf... ou alors il sait qu’une seule nation ne peut pas posséder la bombe atomique sans quoi elle pourrait imposer violemment son hégémonie aux autres. Alors pour empêcher son pays de devenir tout puissant sans le trahir, le plus simple est d’espérer que des loups entrent dans la bergerie par la porte qu’il a lui-même ouverte.La bombe HAu laboratoire, les tensions s’accentuent. Edward Teller souhaite mener des recherches sur la bombe H, la bombe à hydrogène encore plus puissante et destructrice que la bombe A (qui occupe tous les chercheurs de Los Alamos). Oppenheimer met un frein à ses velléités et lui rappelle l’objectif du projet Manhattan. En réalité, l’émulation scientifique grise Oppenheimer, mais au fond de lui, il est angoissé par l’idée que ses découvertes puissent avoir des conséquences meurtrières. Voilà pourquoi rechercher la technologie de la bombe H lui semble dangereux et hors de propos.En 1943, Oppenheimer reçoit un message d’une vieille connaissance qui va lui offrir l’occasion de quitter quelques jours le climat pesant de Los Alamos. Jean Tatlock, son premier amour, souhaite le revoir. Pour découvrir la suite de ce récit consacré à Robert Oppenheimer, vous pouvez lire la deuxième partie . Vous voulez écouter les autres épisodes de ce podcast ?>> Retrouvez-les sur notre site Europe1.fr et sur Apple Podcasts , Spotify , Deezer , Amazon music , Dailymotion et YouTube , ou vos plateformes habituelles d’écoute.>> Retrouvez ici le mode d'emploi pour écouter tous les podcasts d'Europe 1 "Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio. Ecriture et présentation : Virginie Girod- Production : Europe 1 Studio- Direction artistique : Adèle Humbert et Julien Tharaud- Réalisation : Clément Ibrahim- Musique originale : Julien Tharaud- Musiques additionnelles : Julien Tharaud et Sébastien Guidis- Communication : Kelly Decroix- Diffusion et rédaction : Romain Vintillas- Visuel : Sidonie Mangin
En savoir plusIsabelle d’Angoulême, reine-comtesse par-delà les mers
Isabelle d’Angoulême est une figure marquante du Moyen-Âge. Une comtesse ambitieuse et influente qui a accédé au trône d’Angleterre grâce à son mariage avec Jean sans Terre. Mais à la mort de ce dernier, elle ne s’est pas résignée à abandonner le pouvoir. De retour sur ses terres natales, elle a géré le comté d’Angoulême avec une poigne de fer se faisant appeler « reine-comtesse ». Mère du roi Henri III d’Angleterre, elle a aussi su jouer un rôle clé dans les conflits entre l’Angleterre et la France.<br />
30 janvier 2025 - 15 min
ENTRETIEN - Pourquoi Henri IV était-il surnommé le Vert-Galant ? Avec Flavie Leroux
Face à la gent féminine, Henri IV, a, semble-t-il, toujours fait preuve d’une certaine faiblesse. Marié à Marguerite de Valois, puis à Marie de Médicis pour des raisons politiques, celui que l’on surnomme le Vert-Galant a vécu des passions ardentes avec de nombreuses maîtresses, Gabrielle d’Estrées et Henriette d’Entragues en premier lieu.<br /> <br /> Ces femmes ont été plus que des amantes. Elles étaient des « presque reines », et bien souvent les mères de bâtards royaux.<br /> <br /> Pour évoquer ces femmes souvent détestées à leur époque, Virginie Girod reçoit l'historienne Flavie Leroux. Spécialiste d’histoire de la cour et des femmes en France à l’époque moderne, en particulier des maîtresses royales, elle est l’auteure de plusieurs livres à ce sujet, dont "L’autre famille royale", disponible aux éditions Passés Composés.
29 janvier 2025 - 20 min
[2/2] Marie de Médicis, reine de France, régente et mère indigne
Virginie Girod raconte la reine Marie de Médicis (1575-1642), régente avide de pouvoir.<br /> <br /> Dans le second épisode de ce double récit inédit d'Au coeur de l'Histoire, Henri IV, roi de France et fondateur de la dynastie des Bourbons, meurt assassiné par Ravaillac. Son épouse, Marie de Médicis, devient alors régente du royaume, rôle qu'elle devra assurer jusqu'à la majorité de Louis XIII...
27 janvier 2025 - 13 min
[1/2] Marie de Médicis, reine de France, régente et mère indigne
Virginie Girod raconte la reine Marie de Médicis (1575-1642), héritière florentine devenue la seconde épouse du roi Henri IV. <br /> <br /> Dans le premier épisode de ce double récit inédit d'Au coeur de l'Histoire, Marie de Médicis , fille du grand duc de Toscane, naît en 1575, à Florence. Héritière la plus riche d'Europe, la jeune femme est très convoitée et épouse le roi de France, Henri IV, en 1600, à l'âge de 25 ans. Neuf mois après les noces, elle donne naissance à l'héritier du trône, le futur Louis XIII.
27 janvier 2025 - 14 min
TEASER - Qui est le Vert-Galant ?
Quel roi de France surnomme-t-on le Vert Galant ? Henri IV, bien sûr ! Tout au long de sa vie, celui qui hérite de la couronne en 1589 multiplie les liaisons amoureuses… et charnelles ! Plusieurs dizaines de maîtresses auraient reçu ses faveurs parmi lesquelles Gabrielle d’Estrées ou Henriette d’Entragues. <br /> <br /> La semaine prochaine, dans Au cœur de l’Histoire, découvrez un entretien inédit dans lequel Virginie Girod recevra l’historienne Flavie Leroux afin de s'intéresser aux amours du bon roi Henri et à l’influence réelle ou fantasmée de ses favorites.
26 janvier 2025 - 01 min
ENTRETIEN - La vie dans une maison close au XIXe siècle.
En 1946, la loi Marthe Richard abolit le système de prostitution réglementé et entraine la fermeture des maisons closes en France. Depuis un siècle, la fréquentation de ces maisons de tolérance était une pratique masculine courante. Mais quelle était la réalité du quotidien de celles que l’on appelle les filles de joie dans les bordels ? Ces femmes, immortalisées par des artistes comme Henri de Toulouse-Lautrec ou Edgar Degas avait-elle la possibilité de sortir de la prostitution ?<br /> <br /> Pour en parler Virginie Girod reçoit l’historienne Catherine Menciassi-Authier. Spécialiste de l’histoire des femmes au XIXe siècle, elle est notamment l’auteure de l’ouvrage "Femmes d'exception, femmes d'influence, une histoire des courtisanes au XIXe siècle", paru aux éditions Armand Colin.
25 janvier 2025 - 22 min
[1/2] Valtesse de la Bigne, une courtisane de la Belle Époque
Virginie Girod raconte Valtesse de la Bigne (1848-1910), jeune cousette devenue courtisane influente du Tout-Paris.<br /> <br /> Dans le premier épisode de ce double-récit inédit d'Au cœur de l'Histoire, Émilie-Louise Delabigne naît en 1848 dans la quartier Poissonnière, à Paris. Issue d'une fratrie de 7, elle mène une enfance misérable et travaille très tôt comme cousette. Dans le Paris du XIXe siècle, hormis les bourgeoises et les aristocrates, toutes les femmes travaillent, exerçant des métiers difficiles et mal payés dans les ateliers, les usines ou les marchés. Certaines n'ont alors d'autres choix que de s'adonner à la prostitution. Bientôt, celle qui se fait désormais appeler Valtesse de la Bigne fait ses débuts dans le demi-monde.
23 janvier 2025 - 14 min
2/2] Valtesse de la Bigne, une courtisane de la Belle Époque
Virginie Girod raconte Valtesse de la Bigne (1848-1910), demi-mondaine ayant inspiré le personnage de Nana, dans le roman éponyme d'Émile Zola.<br /> <br /> Dans le second épisode de ce double-récit d'Au cœur de l'Histoire, Valtesse de la Bigne commence une carrière sur les planches des théâtres parisiens et se fait une place dans le milieu des courtisanes, prostituées de haut vol. Fréquentant les jeunes auteurs à la mode et les cafés parisiens où se retrouve la bonne société, elle perfectionne ses connaissances et apprend l’art de converser. A la fin des années 1870, Valtesse de la Bigne est devenue l’une de ces grandes horizontales les plus recherchée par l’élite parisienne.
23 janvier 2025 - 14 min
ENTRETIEN - Quand le spiritisme passionne l'Europe.
Esprit, es-tu là ? Dans la seconde partie du XIXe siècle, un phénomène venu des Etats-Unis déferle sur l’Europe. Au spiritualisme incarnée par les mystérieuses sœurs Fox - entrées en communication avec un fantôme - succède le spiritisme, une philosophie inventée par Allan Kardec, figure française de la communication avec l’au-delà. Des médiums et des photographes spirites se font alors un nom, quand les salons accueillent séances de tables tournantes et de lévitation.<br /> <br /> Mais comment expliquer l’ampleur de ce phénomène ? Le spiritisme est-il synonyme de science, comme le pensait l’astronome Camille Flammarion, ou de charlatanisme ? <br /> <br /> Pour en parler, Virginie Girod reçoit Philippe Baudouin. Maître de conférences en histoire des médias à l’Université Paris-Saclay, il a consacré de nombreux ouvrages à l’histoire de l’occultisme, dont "Apparitions" aux éditions Hoëbeke.
22 janvier 2025 - 20 min
Victor Hugo et le spiritisme, quand le poète fait tourner les tables
Virginie Girod raconte les séances de spiritisme organisées à Marine Terrace, sur l'île de Jersey, lieu d'exil de Victor Hugo, dans les années 1850.<br /> <br /> Le 4 septembre 1843, Léopoldine, la fille de Victor Hugo, se noie dans les eaux de la Seine, à Villequier, en Normandie. Dévasté, le poète lui dédiera l'un de ses plus beaux poèmes, "Demain, dès l'aube". Dans les années 1850, en exil dans les îles Anglo-Normandes, Hugo et sa famille trompent l'ennui et s'essaient au spiritisme, philosophie en vogue. Alors qu'ils font tourner les tables, ils tentent d'entrer en communication avec des êtres chers disparus.
21 janvier 2025 - 14 min
Écoutez l’histoire inédite de Robert Oppenheimer, père de la bombe atomique, racontée par Virginie Girod dans un épisode en deux parties.
Difficile de ne pas être tourmenté quand on est le père de la bombe atomique et qu’on est pacifiste. Robert Oppenheimer est l’un des génies de la science du XXe siècle. Malgré ses affinités avec le communisme, il est placé à la tête du “projet Manhattan”,nom de code de la mission de recherches qui a mené à la création de la première arme atomique pendant la Seconde guerre mondiale.
Constamment surveillé par le FBI, entouré d’espions soviétiques, Oppenheimer est tiraillé entre ses désirs de gloire, sa volonté de maîtriser une nouvelle technique et sa détermination à mettre fin à la guerre… Mais rien ne se passera comme il l’imaginait. Tel Faust qui signe un pacte avec le Diable pour la gloire, Oppenheimer payera cher le prix de ses ambitions.
Sujets abordés : bombe atomique - Etats-Unis - URSS - Seconde Guerre Mondiale - Guerre Froide - Physique - Chimie - Projet Manhattan - FBI – communisme – Harry Truman – Hiroshima – Nagasaki
Nous sommes au milieu du désert du Nouveau Mexique, dans la vallée de la Jornada Del Muerto, le 16 juillet 1945. Le jour n’est pas encore levé. Robert Oppenheimer attend fébrilement que tout soit prêt pour l'essai Trinity : l’explosion de la première bombe atomique de l’histoire conçue par son équipe au laboratoire de Los Alamos. Il fume cigarette sur cigarette en lisant Baudelaire. La bombe surnommée Gadget est hissée au sommet d’une tour de 30 mètres. À 5h29 du matin, elle est activée.
Une explosion incroyable comparable à vingt kilotonnes de TNT crée une déflagration si puissante que l’onde de choc parcourt 160 km à la ronde. Une lumière blanche illumine le paysage comme en plein jour. Un champignon haut de douze kilomètres s’élève dans le ciel. Voilà ce que peut donner une explosion contenant 6,19 kg de plutonium quand on applique la célèbre équation d’Einstein : E=mc2.
Depuis l’enceinte de confinement, les yeux protégés par des lunettes spéciales, Oppenheimer a observé l’essai qu’il attend depuis 5 ans. Il murmure : "It worked", ça a marché. Mais en son for intérieur, ce passionné de sagesse hindouiste se remémore les mots du Bhagavad-Gita, un poème en sanskrit qui raconte l’histoire de la divinité Krishna : « Je suis devenue la mort, le destructeur des mondes. »
Un élève et scientifique brillant
Le 22 avril 1904, Julius Oppenheimer accueille le fils que sa femme Ella vient de lui donner. Cet immigré allemand a fait fortune en quelques années grâce à son travail acharné. Son premier né est prénommé Julius Robert. On l’appellera Robert. L’enfant a hérité de la détermination de son père et de la beauté délicate de sa mère : à cette époque, ce sont les hommes qui font la conquête du monde et on attend des mères qu’elles transmettent beauté et douceur. Choyé par ses parents, Robert est initié aux arts et aux lettres, loin des enfants de son âge.
Lorsqu’il entre à l’école, ses camarades voient en lui un petit garçon arrogant et ses professeurs, un singe savant. Il est parfois renvoyé des cours non parce qu’il s’est mal comporté mais parce qu’il en sait plus que ses enseignants.
Robert est brillant. Il s’intéresse autant aux sciences qu’à la philosophie, à la poésie et à la spiritualité. Il parle plusieurs langues et il rêve de devenir célèbre grâce à cet intellect qui le singularise et le fait se sentir isolé du monde. Ce que les autres prennent pour de l’arrogance n’est souvent qu’un moyen de cacher son mal-être face aux gens.
En 1922, À 18 ans, il intègre Harvard où il suit simultanément plusieurs cursus de sciences et de lettres. La vie sur le campus le stimule intellectuellement mais renforce sa solitude. Robert flirte avec la dépression.
Trois ans plus tard, alors qu’il se trouve au Cavendish Laboratory de Cambridge, il publie plusieurs articles reconnus pour leur qualité en astrophysique. Malgré cela, il doute cruellement de son talent. Il achève ses études aux Pays-Bas où il se forme à une toute nouvelle discipline, la physique quantique : un ensemble de théories qui visent à expliquer les comportements de l’infiniment petit, ceux des atomes et des particules qui les constituent.
La découverte du communisme
De retour aux États-Unis en 1929, Robert Oppenheimer, désormais docteur en physique, est le seul scientifique américain formé dans ce domaine de pointe. Il fonde alors une école de Physique théorique à l’université de Berkeley, près de San Francisco.
Sur l’estrade de sa salle de cours, Oppenheimer, bel homme mince au regard bleu perçant, orateur de génie, subjugue ses étudiants... qui ne comprennent rien, tant le cours est complexe. Le professeur écrit des équations à toute vitesse sur son tableau noir tout en fumant des cigarettes. Bien que déconcertés, les élèves l’idolâtrent. Oppenheimer est doté d’un charisme hors du commun.
Occupé à ses équations, le physicien ignore pendant plusieurs années les conséquences du krach boursier de 1929, qui mine pourtant le moral de ses élèves. C’est une femme qui va lui ouvrir les yeux sur la misère d’une partie des Américains.
En 1936, Oppenheimer rencontre Jean Tatlock par l’intermédiaire d’amis communs. Cette femme passionnée et sensible est psychologue et militante communiste. Robert, qui n’avait jamais vraiment osé approcher les femmes, alors qu’il charme toutes les personnes qu’il rencontre, tombe amoureux pour la première fois. Jean lui fait découvrir le communisme. Robert s’y intéresse parce que certaines idées sur la justice sociale le touchent, mais il est trop indépendant d’esprit pour suivre une idéologie à la lettre.
Jean est une femme brillante mais tourmentée. On raconte qu’elle n’assumerait pas son homosexualité, ce qui la rendrait dépressive. L’homosexualité n’était pas tolérable dans les États-Unis des années 30. Auprès d’elle, Robert se voit en chevalier blanc mais Jean refuse d’être sauvée de son mal-être. Elle quitte Robert après trois ans de relation et lui brise le cœur. Le physicien se console dans les bras de Kitty Harrisson, une autre communiste passionnée et fragile, qui quitte son mari pour l’épouser. Oppenheimer a 36 ans et il est le quatrième mari de sa femme !
La course au nucléaire
Fin 1938, en Allemagne, le physicien Otto Hahn publie un article sur la fission nucléaire. Si on brise un atome, ses fragments libèrent de l’énergie et des neutrons qui casseront à leur tour d’autres atomes à proximité et ainsi de suite. C’est ce qu’on appelle une réaction en chaîne. Les découvertes de Hahn sont à l’origine des recherches sur l’énergie nucléaire. Une énergie… qui pourrait servir à faire une bombe à la puissance dévastatrice.
Albert Einstein redoute les mauvaises applications de ces découvertes. Réfugié aux États-Unis depuis la montée du nazisme, il écrit au président Roosevelt qui décide de lancer le comité uranium pour mener une réflexion sur les armes atomiques.
Au début de la seconde guerre mondiale, plusieurs pays se livrent une course funeste pour créer une arme nucléaire et prendre un avantage décisif sur leurs ennemis. Malgré l’urgence, les réflexions de ce comité ne sont pas très fécondes… du moins, jusqu’à un épisode tragique.
Oppenheimer et le projet Manhattan
Le 7 décembre 1941, les Japonais attaquent la base américaine de Pearl Harbor dans le Pacifique. Dès Le lendemain, les États-Unis s’engagent dans la seconde guerre mondiale. Le général Leslie Groves est alors chargé de recruter une équipe pour travailler sur le développement de la bombe atomique : c’est le projet Manhattan. En tant que militaire, il coordonne cette mission pour le compte du ministère de la Défense. Groves est un ingénieur. Il a notamment supervisé la construction du Pentagone, le quartier général du ministère de la Défense américain. Il souhaite mettre à la tête de son projet un directeur scientifique capable de lui expliquer simplement l’avancement de ses recherches. Il mise sur Robert Oppenheimer, le génie de Berkeley. Leur rencontre a lieu dans un train qui roule vers New York.
Lors de cet entretien, Oppenheimer subjugue Groves. Il lui explique en des termes clairs des concepts de physique. La maîtrise de la fission nucléaire pourrait conduire à la création de bombe en application de l’équation de Einstein E=mc2 . L’énergie disponible dans une masse est égale à la vitesse de la lumière au carré. C’est colossal. Pour faire simple, on peut convertir une toute petite quantité de matière en une très grande énergie. C’est ce qu’il se passe à l’intérieur d’une étoile qui fonctionne comme un réacteur nucléaire et produit de la lumière et de la chaleur
Oppenheimer est capable de rendre ses recherches accessibles et il rêve de reconnaissance et de gloire. En dirigeant le projet Manhattan, il entrerait dans l’histoire. Groves comprend qu’il a trouvé le candidat idéal. Un homme prêt à tout pour briller, qui ne comptera pas son temps et lui fera des rapports limpides.
Oppenheimer ne sait pas qu’il est un train d’accepter un pacte Faustien : vendre son âme au Diable pour la gloire. En effet, Robert est profondément pacifiste, comme la très grande majorité des physiciens de son époque. Seule la recherche fondamentale - c’est-à-dire la recherche théorique sans application concrète - les intéresse car tout est à découvrir.
Le monde scientifique se livre donc à une course effrénée pour percer les mystères de la physique nucléaire. Chaque physicien rêve d’un prix Nobel . Et Oppenheimer aussi. Il se dit que s’il fabrique la bombe atomique, il créera une force d’intimidation qui mettra nécessairement fin à la guerre. Il veut y croire et il négocie avec sa conscience. Il ne sait pas que ses conflits internes se lisent sur son visage et que le FBI surveille chacun de ses mouvements.
La base militaire de Los Alamos
Le renseignement américain s’oppose d’abord à la nomination d’Oppenheimer à la tête du département scientifique du projet Manhattan. Le professeur de Berkeley est perçu comme un communiste, un rouge inféodé à l’URSS et il est peut-être même un agent secret ! Mais Groves n’en démord pas. Il veut Oppenheimer.
Une fois officiellement nommé lieutenant par l’armée en charge du projet Manhattan, Oppenheimer sillonne les États-Unis pour embaucher les plus grands scientifiques résidant sur le territoire américain. Beaucoup sont des juifs qui ont fui l’Allemagne nazie ou des Italiens dégoûtés par le fascisme. Parmi eux, il y a Richard Feynman, juif du Queens, spécialiste de physique quantique et futur Nobel ; l’italien Enrico Fermi, créateur de la première pile atomique (qui démontre que l’on peut maîtriser la fission nucléaire en chaîne dans une expérience) et nobélisé en 1938 pour ses travaux ; Hans Bethe, lui aussi futur Nobel qui travaille sur l’uranium ou encore Edward Teller, un juif autrichien exilé, sans doute le moins pacifiste de tous, qui travaille sur la fission nucléaire.
Oppenheimer leur fait à tous la même promesse : travailler dans un endroit fantastique pour un projet top secret à la pointe de la recherche en physique. Impossible de résister. Cependant, les membres du projet Manhattan refusent de travailler chacun de leur côté en cloisonnant leurs recherches. Bien que l’armée rêve de les isoler les uns des autres pour des questions de sécurité, elle ne peut pas lutter contre les us et coutumes des scientifiques. Alors Groves décide de les réunir dans une base militaire sécurisée.
C’est Oppenheimer qui trouve l’endroit idéal. Enfant, il partait en cure au Nouveau Mexique près de Los Alamos. Décor de Western dans les vallées couverte de poussière rouge, loin de tout… Groves est conquis. La base militaire de Los Alamos sort de terre en quelques semaines avec ses laboratoires ultra modernes, ses quartiers résidentiels pour les chercheurs et les militaires, ses guérites, ses check points…
La rencontre avec Elisabeth Zaroubina
Cette vie sous le sceau du Secret Défense semble très exotique aux chercheurs qui ont un mal fou à s’y plier ! Par exemple, le grand jeu de Richard Feynman est de sortir du camp par un trou dans la clôture et de rentrer par les guérites pour montrer aux soldats qu’il est très facile d’échapper à leur vigilance. Il s’amuse aussi à crocheter les coffres forts pour passer des documents secrets d’un coffre à l’autre.
Mais la vie de laboratoire n’est pas simple. Chapeau façon Indiana Jones vissé sur la tête, Oppenheimer gère les esprits les plus brillants du pays, des esprits qui, loin d’être purs, ont des ego démesurés. Il se fait de Edward Teller un ennemi mortel quand il lui préfère Hans Bethe comme chef de département. Mais Oppenheimer n’y prête pas attention. Il y a tant de chercheurs à superviser. Et puis, il se sait surveillé constamment. Le FBI doute toujours de sa loyauté. Il en plaisante parfois avec sa femme Kitty quand ils se téléphonent car ils se savent sur écoute. Et de fait, il n’a pas souvent l’occasion de plaisanter car Kitty est alcoolique depuis la naissance de leur deuxième enfant.
Parfois, le soir, Kitty invite à dîner l’une de ses amies, Élisabeth Zaroubina. Cette belle brune au regard de braise est la femme d’un diplomate russe. Kitty aime parler de communisme avec elle. Pendant leurs dîners, Élisabeth Zaroubina incite Oppenheimer à se montrer prudent dans l’expression de ses idées politiques. Plus il se tiendra à distance des idées communistes, mieux ce sera. Oppenheimer l’écoute avec attention. Zaroubina, bien que mariée à un Russe orthodoxe, est elle-même juive. Elle a aidé beaucoup de ses coreligionnaires à fuir l’Allemagne nazie vers l’Amérique. À ce titre, elle connaît de nombreux physiciens et invite Oppenheimer à recruter certains d’entre eux comme Klaus Fuchs ou Theodore Hall. Le directeur du projet Manhattan écoute les conseils avisés de Zaroubina et intègre ces chercheurs au laboratoire de Los Alamos.
Sait-il que Zaroubina est une espionne soviétique à la tête d’un énorme réseau qui comprend même la dernière maîtresse de Einstein, Margarita Konenkova ? A-t-il conscience que les chercheurs qu’elle lui a fait embaucher sortent des dossiers top secret de Los Alamos qui partent en valises diplomatiques vers l’URSS ? Oppenheimer est peut-être naïf... ou alors il sait qu’une seule nation ne peut pas posséder la bombe atomique sans quoi elle pourrait imposer violemment son hégémonie aux autres. Alors pour empêcher son pays de devenir tout puissant sans le trahir, le plus simple est d’espérer que des loups entrent dans la bergerie par la porte qu’il a lui-même ouverte.
La bombe H
Au laboratoire, les tensions s’accentuent. Edward Teller souhaite mener des recherches sur la bombe H, la bombe à hydrogène encore plus puissante et destructrice que la bombe A (qui occupe tous les chercheurs de Los Alamos). Oppenheimer met un frein à ses velléités et lui rappelle l’objectif du projet Manhattan. En réalité, l’émulation scientifique grise Oppenheimer, mais au fond de lui, il est angoissé par l’idée que ses découvertes puissent avoir des conséquences meurtrières. Voilà pourquoi rechercher la technologie de la bombe H lui semble dangereux et hors de propos.
En 1943, Oppenheimer reçoit un message d’une vieille connaissance qui va lui offrir l’occasion de quitter quelques jours le climat pesant de Los Alamos. Jean Tatlock, son premier amour, souhaite le revoir.
Pour découvrir la suite de ce récit consacré à Robert Oppenheimer, vous pouvez lire la deuxième partie .
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