Écoutez la suite du récit consacré à la vie de Marco Polo, raconté par Virginie Girod.
Le père et l’oncle de Marco Polo, riches marchands vénitiens, reviennent d’un voyage à la cour de Kubilaï Khan. L’empereur mongol leur a demandé de revenir, accompagné cette fois-ci d'intellectuels pour lui présenter la culture occidentale. Cette fois-ci, le jeune Marco les accompagnera. Grégoire X, informé du voyage des Polo, y décèle un grand intérêt diplomatique. Une alliance avec le Khan n’est pas à dédaigner, surtout si celui-ci souhaite se convertir au christianisme. Mais il n’est pas en mesure d’envoyer la centaine de théologiens et de savants souhaités : il ne confie aux Polo que deux frères dominicains.
Arrivés dans l’actuelle Turquie, ces derniers préfèrent d’ailleurs rebrousser chemin. La petite troupe de trois vénitiens poursuit le voyage. On pense qu’ils parcourent en moyenne 40 kilomètres par jour, mais l’itinéraire de Marco Polo fait encore débat. Enfin, après deux ans et demi de voyage, les Polo retrouvent la cour de l’empereur mongol. On peut aisément imaginer que le Khan est assez déçu en les voyant arriver sans les savants qu’il espérait trouver avec eux. L’empereur confie cependant à Marco Polo une mission, celle de l’aider à connaître son immense empire. Le vénitien se met à décrire ce qu’il voit, en versant parfois dans l’exagération : rien n’est trop beau pour flatter le Khan ! Il dépeint la cour de l’empereur, le système monétaire et des contrées exotiques où il n’a jamais mis les pieds.
Après presque vingt ans de pérégrinations en Asie, Marco Polo aspire à rentrer chez lui, et c’est peut-être lors de ce voyage vers l’Italie qu’il est fait prisonnier par les Génois, les vieux rivaux des Vénitiens. Dans sa cellule, il écrit avec Rustichello de Pise Le Devisement du Monde, le récit de son voyage. Un siècle et demi plus tard, il fait partie des livres que Christophe Colomb consulte pour imaginer son voyage à travers l’Atlantique. C’est à cause de ce livre qu’il croit avoir trouvé les îles de Cipango, le Japon actuel, en arrivant aux Antilles !
Marco Polo - Un explorateur vénitien
Episode 1 - Une famille de marchands vénitiens
Episode 2 - Les merveilles du monde
Thèmes abordés : Kubilaï Khan, empire mongol, exploration, commerce
"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio
- Auteure et Présentatrice : Virginie Girod
- Production : Camille Bichler
- Réalisation : Pierre Cazalot
- Direction artistique : Julien Tharaud
- Composition de la musique originale : Julien Tharaud et Sébastien Guidis
- Edition et Diffusion : Nathan Laporte
- Visuel : Sidonie Mangin
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Références bibliographiques et ressources en ligne
Chaix Paul. Marco Polo. In: Le Globe. Revue genevoise de géographie, tome 39, 1900. pp. 84-94
Cordier Henri. L'Itinéraire de Marco Polo en Perse. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 55ᵉ année, N. 4, 1911. pp. 298-309.
Germain-Thomas Olivier, Marco Polo, folio biographie, 2010.
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Devisement_du_monde_(français_moderne)/Livre_1/Chapitre_3
Retrouvez la première partie de l'épisode.
Après deux ans de conclave infructueux, Tebaldo Visconti est élu pape sous le nom de Grégoire X. Il sait que la famille Polo demande une audience avec le pape depuis deux ans au nom du grand souverain mongol Kubilaï Khan. Mais les Polo se sont lassés d’attendre et on reprit la route de l’Orient. Ils sont en Arménie quand un message du pape leur demande de revenir en urgence en Italie. Les Polo font demi-tour et arrivent à Rome sur un bateau rapide mis à leur disposition par le Saint-Siège. Grégoire X est un souverain pontife austère mais il comprend parfaitement bien les enjeux diplomatiques qui traversent le monde. Une alliance avec le Khan n’est pas à dédaigner, surtout si celui-ci souhaite se convertir au christianisme et affaiblir l’empire arabo-musulman.
Nous sommes en novembre 1271. Le pape offre des lettres et des cadeaux pour le Khan. Mais il n’est pas en mesure de fournir la centaine de théologiens et de savants souhaités. Il ne leur confie que deux frères dominicains. On est très loin des fastes et de la grandeur attendus par Kubilaï Khan. Cette micro-délégation européenne a même quelque chose de franchement ridicule.
Toujours est-il que les cinq hommes se mettent en route. Mais les deux dominicains n’ont pas l’âme des grands explorateurs et ils rebroussent chemin en arrivant en actuelle Turquie. Voilà les Polo qui rentreront seuls à la cour du Khan. La petite troupe suit à nouveau les routes caravanières. Elle parcourt en moyenne 40 km par jour, probablement à pied pour ne pas épuiser les bêtes qui les accompagnent en terrain hostile. Les villes se succèdent dans la péninsule arabique : Acre, Trebizond, Bagdad...
Enfin l’itinéraire caravanier ne suit peut-être pas la route qui va de ville en ville... Certains historiens pensent que Marco Polo n’est jamais allé à Bagdad et que lorsqu’il raconte le mythe de la montagne qui bouge toute seule dans cette région, il ne fait que rapporter une fable dont il a entendu parler. Il est vrai que l’itinéraire de Marco Polo fait débat. Depuis la fin du XIXe siècle - qui est un peu la seconde ère des explorateurs - des érudits et des savants de terrains marchent dans les pas de Marco Polo au Proche-Orient pour tenter de retrouver son itinéraire. Le désert, la description des ruisseaux où s’abreuver, la présence de puits et le temps qu’il faut pour joindre deux étapes : tout est testé grandeur nature.
L'arrivée de la délégation
Difficile de trancher sur le choix des axes empruntés mais dans tous les cas, il faut saluer l’audace des trois vénitiens. Voyager au long cours à travers un désert, c’est affronter la faim, la soif, le risque de s’égarer. Les caravanes à l’époque n’ont guère que les étoiles et la course du Soleil pour se guider. Ce qu’il y a de certain, c'est que dans cette région des pays arabes, Marco Polo a vu de l’eau qui brûle, du pétrole. C’est pour lui une curiosité, un carburant occasionnel pour les locaux mais il est loin d’imaginer l’importance des hydrocarbures dans le monde quelques siècles plus tard.
Après les zones arides de l’Arabie, viennent les grandes plaines de Rossia, la Russie. Marco Polo prend continuellement des notes sur ce qu’il voit. Enfin, après 2 ans et demi de voyage et 12000 km parcourus, Marco Polo découvre l’empereur des Tartares, comme on appelle les Mongols à l’époque.
On peut aisément imaginer que le Khan est assez déçu en voyant rentrer Niccolo et Matteo Polo sans les savants qu’il espérait trouver avec eux. On peut même penser que ça ne rend pas les Chrétiens très sérieux à ses yeux. Néanmoins, pour se faire pardonner, les Polo ont ramené un peu d’huile du Saint-Sépulcre en cadeau à la mère du Khan qui voulait en avoir. Voilà au moins un geste symbolique.
Kubilaï Khan apprécie néanmoins les trois vénitiens et le jeune Marco. Comme il a peu confiance dans ses serviteurs mongols peu raffinés et peu tournés vers les lettres, et qu’il se méfie plus encore des Chinois trop fraichement conquis pour être loyaux, il va confier une mission à Marco Polo : l’aider à connaître son empire. Cela va justifier tous les voyages de Marco Polo en Asie pendant les années à venir.
Les explorations de Marco Polo
À partir de là, Marco Polo agit en anthropologue et en géologue. Son travail de description commence à la cour même du souverain. Marco Polo explique que Kubilaï possède quatre épouses légitimes, les impératrices, en plus des concubines. Chacune possède son propre palais et sa propre cour. Selon lui, chaque impératrice est servie par 300 ravissantes jeunes filles en plus de 10 000 personnes, soit l’équivalent d’une petite ville par cour. Cela semble beaucoup, mais rien n’est trop beau pour flatter le Khan, manifestement !
Marco Polo décrit ensuite la ville de Cambalu, la capitale, qui serait donc Pékin. Bien sûr, il garde une logique vénitienne et ses descriptions doivent pouvoir favoriser le commerce. Il explique donc que la ville sert au commerce de la soie, très belle ici, et des perles ainsi que des parfums.
Le Vénitien parle aussi du système économique du Khan. Au XIIIe siècle, le Moyen Âge pour nous, les Mongols sont sortis des systèmes monétaires métalliques où la valeur de la monnaie est liée au métal dont elle est composée et à son poids. Kubilaï Khan utilise déjà la monnaie fiduciaire, c’est-à-dire la monnaie papier sans valeur intrinsèque. Et le papier monnaie du souverain n’est rien d’autre que de l’écorce du mûrier, cette plante qui constitue la nourriture de base du vers à soie. Ces billets sont préparés par l’administration impériale et c’est la marque du prince qui va leur donner leur valeur. Ce système très malin permet au Khan de garder ses stocks de métal précieux tout en continuant à permettre les échanges au sein de son empire. Pour rappel, en France, le papier monnaie n'arrive pas avant l’aube du XIXe siècle grâce à Napoléon.
En même temps qu’il visite l’empire pour le décrire au Khan, Marco Polo exerce des missions administratives officielles. Encore une fois, il se vante sans doute un peu quand il se dit gouverneur. Aucune archive ne semble le confirmer. En revanche, il a bien la main sur certains échanges commerciaux en Chine et notamment sur le sel, une denrée précieuse à l’époque et qui a dû considérablement l’enrichir.
Marco Polo poursuit ensuite ses voyages dans les îles d’Indonésie, dans l’océan Indien. A chaque fois, il décrit les spécificités des lieux qu’il a vu et décrit aussi parfois des endroits où il n'est pas allé, sur lesquels il a seulement entendu des rumeurs qui confinent aux légendes. C'est le cas de la Petite Java, l’actuelle Sumatra. Il dit que la région est divisée en huit royaumes et qu’à titre personnel, il les a tous visités sauf deux. On y produit des parfums inconnus en Europe.
Il est aussi le premier occidental à parler du Japon, qu’il appelle Cipango. Il en a entendu parler parce que Kubilaï Khan aimerait en faire la conquête.
S’enchainent ensuite des descriptions de peuples idolâtres – c’est-à-dire non chrétiens – qui mangent leurs morts ; de peuples à têtes de chiens, qu'il concède ne pas avoir vus de ses yeux, des Indiens qui possèdent des petits singes qui ressemblent à des humains...
Mais les années passent et les vénitiens aspirent à rentrer chez eux après presque vingt ans en Asie. Hélas, le Khan s’oppose au départ de ses trois hôtes et il n’est pas question de partir sans son accord, ce qui reviendrait à une peine de mort. C’est là que les trois Vénitiens ont vent d’une affaire qui embarrasse le khan.
Le billet de retour
L’Ilkhan de Perse, le gouverneur de Perse pour l’empire mongol, avait une épouse chinoise. Lorsque celle-ci est morte, elle lui a fait promettre de prendre pour seconde épouse une fille de la même ethnie chinoise qu’elle. Le Khan accepta la demande et trouva une princesse chinoise pour son Ilkhan. Néanmoins, l’escorte qui devait l’emmener dans son nouveau royaume fut arrêtée par des conflits armées qui rendaient la route terrestre dangereuse.
En entendant cette étrange affaire, Marco Polo saute sur l'occasion. Il promet d’emmener la petite princesse à son Ilkhan en suivant les côtes indiennes qu’il a déjà longées lors d’autres voyages. C'est ainsi que les trois vénitiens obtiennent le droit de quitter Kubilaï Khan.
Marco Polo commande une délégation qui passe de la mer de Chine vers la mer D’Arabie. La fin du voyage se fait par voie terrestre car nul n’a encore fait le tour de l’Afrique en bateau. La petite princesse est emmenée à son Ilkhan qui entre temps, est décédé, mais qu’à cela ne tienne, elle épouse son fils !
C’est peut-être lors de ce voyage de retour en Italie à la fin des années 1280 que Marco Polo est fait prisonnier à bord de son bateau en Méditerranée par les Génois, les vieux rivaux des Vénitiens. Installé dans une prison, il écrit avec Rustichello de Pise Le devisement du Monde, connu aussi sous le nom de livre des Merveilles.
Le retour de Marco Polo à Venise
Rustichello est lui-même connu pour avoir transcrit et peut-être même écrit des histoires de chevaliers de la table ronde. C’est peut-être à lui qu’il faut imputer des ajouts extravagants comme l’existence des licornes, qui ne sont pas de beaux chevaux mais des créatures affreuses qui vivent dans les marais.
Il semble qu’une première copie écrite dans un français proche de l’italien circule dès 1298 et qu’une seconde version mise à jour fait état de guerre livrées par Kubilaï Khan l’année suivante.
C’est donc que Marco Polo a gardé des liens forts avec l’empire Mongol dont il chante les louanges dans son livre.
Enfin libre en 1299, l’explorateur retrouve la Sérénissime. Il prend femme, fait des enfants et participe sans doute aux affaires administratives de la cité des doges tout en continuant ses prospères affaires de commerçant. Il meurt en 1324, à 70 ans après une vie très remplie.
Il reste encore longtemps après cette date le héros de Venise. Un exemplaire du Devisement du Monde est même en libre-service sur le Pont du Rialto de manière à ce que chacun puisse le consulter. Un siècle et demi plus tard, il fait partie des livres que le génois Christophe Colomb consulte pour imaginer son voyage à travers l’Atlantique. C’est à cause de ce livre qu’il croira avoir trouvé les îles de Cipango en arrivant aux Antilles !
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