Sous le règne de François 1er, Diane de Poitiers est nommée gouvernante du fils du roi, le petit Henri. Mais lorsque ce dernier monte sur le trône, en 1574, elle devient sa maîtresse officielle. Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au Cœur de l’Histoire", Jean des Cars raconte le parcours de la favorite d’Henri II.
En décembre 1536, Diane de Poitiers devient la maîtresse d’Henri, l'un des fils du roi François 1er. Lorsqu’il accède au trône en 1547, elle se hisse au rang de favorite et fait de l’ombre à Catherine de Médicis. Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au Cœur de l’Histoire", Jean des Cars dresse le portrait de Diane de Poitiers, une rivale qui incarne un magnifique exemple du pouvoir féminin au XVIe siècle.
François 1er rêvait de conquêtes et d’exploits depuis qu’enfant il s’était plongé dans les romans de chevalerie. Il rêvait aussi d’Italie, fasciné par les artistes qui exerçaient leurs talents à Rome, à Florence et à Milan.
A peine devenu roi, il décide de guerroyer en Italie, comme l’avait fait son cousin et prédécesseur Louis XII. En septembre 1515, il remporte la bataille de Marignan et devient duc de Milan et seigneur de Gênes. Hélas, Charles-Quint, furieux, veut reprendre ses conquêtes au roi de France.
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Le 24 février 1525, François 1er est battu à Pavie. Une terrible défaite suivie d’une humiliation : le roi est prisonnier de Charles-Quint à Madrid. Son incarcération dure un an.
En janvier 1526, il signe avec Charles-Quint le Traité de Madrid par lequel le souverain français consent à ce que ses deux fils, le dauphin François et son frère Henri, prennent sa place dans la prison de Madrid. Une décision qui horrifie la gouvernante des enfants de France, la belle Diane de Poitiers. Celle-ci a une affection particulière pour le cadet, Henri, qu’elle avait serré dans ses bras dès sa naissance le 31 mars 1519, juste après sa mère, la reine Claude.
Le dauphin et son frère doivent donc prendre la route de Madrid. Diane veut accompagner les enfants jusqu’à la frontière pour tenter de les consoler de leur triste sort. Avant que le petit Henri, qui a 7 ans, ne prenne place dans la barque qui va lui faire traverser la Bidassoa, fleuve frontalier, elle dépose sur son front un baiser très tendre.
Henri ne l’oubliera jamais. Il est bouleversé par ce geste d’affection de sa gouvernante, si belle et si chaleureuse. Ce baiser sur le front sera le point de départ d’un amour définitif. Seule la mort séparera Henri et Diane…
Diane épouse le grand sénéchal de Normandie… qui a 40 ans de plus qu’elle !
L'enfance de Diane
Diane naît le 9 janvier 1500 au château de Saint-Vallier dans le Dauphiné. Elle est l’enfant préféré de son père, Jean de Poitiers, héritier d’un nom illustre. Peu de jours après sa naissance, une vieille femme s’était penchée sur le berceau du bébé et lui avait prédit qu’elle serait un jour "plus que reine".
Sa mère décède peu après la naissance de sa seconde sœur. Son père se charge de son éducation, il lui apprend ce qu’il sait faire de mieux : monter à cheval et chasser. Diane de Poitiers sera une excellente cavalière. Mais conscient que cela ne saurait suffire à l’éducation de sa fille, il la place auprès de la duchesse de Bourbon Anne de Beaujeu, la fille favorite de Louis XI.
Elle a la réputation d’être la femme la plus intelligente de France. Elle a écrit un livre sur l’éducation des filles paru en 1505. Avant de s’occuper de Diane, elle avait assuré l’éducation et la formation politique de personnalités importantes, Marguerite d’Autriche, qui gouvernera les Pays-Bas et Louise de Savoie, la mère de François 1er. Incontestablement, Diane de Poitiers est dans de bonnes mains.
Elle apprend le latin à 7 ans, le grec deux ans plus tard mais aussi la danse et la musique : elle pratique le luth et le hautbois chaque après-midi. Anne de Beaujeu décèle rapidement l’intelligence de son élève. Elle lui apprend toutes les règles subtiles de l’art de gouverner et aussi la patience, si utile à la diplomatie. Cette formation étonnante explique l’ascension fulgurante et la place que Diane prendra par la suite à la Cour du Roi de France.
A 15 ans, Diane quitte son éducatrice, et son père la présente à la Cour. Elle devient dame d’honneur de Claude de France, la fille aînée de Louis XII. En 1515. L’année précédente, Claude avait épousé François de Valois qui, à la mort de Louis XII, devient François 1er. Diane de Poitiers est non seulement la dame d’honneur mais une alliée fidèle et estimée de la reine Claude.
Anne de Beaujeu garde un œil sur son élève préférée. Elle lui choisit un époux, Louis de Brézé, grand sénéchal de Normandie, mais de quarante ans plus âgé que Diane ! Il est le petit-fils de Charles VII et Agnès Sorel. Il est discret, riche, puissant, n’a pas très bon caractère ; il a la charge des chasses royales, ce qui ne peut que plaire à Diane, elle-même grande chasseresse.
Ils se marient en 1515 et Diane vit avec lui dans son château d’Anet, demeure qu’elle adore surtout à cause des forêts giboyeuses qui l’entourent. Le château possède une immense bibliothèque, Diane en dévore les livres. Elle passe aussi une grande partie de son temps à la Cour en sa qualité de dame d’honneur de la reine. On envie le vieux sénéchal, réputé très laid, d’avoir à son bras la plus belle femme du royaume. Mais Diane n’est pas seulement belle, elle est aussi fidèle et donne deux filles à son époux.
Diane sauve son père
Coup de tonnerre dans un ciel serein : le père de Diane est compromis dans la trahison du Connétable de Bourbon. Il est arrêté, jeté en prison et condamné à mort. Il est déjà sur l’échafaud lorsque le roi François Ier lui accorde sa grâce. C’est Diane qui a plaidé la cause de son père auprès du roi, subjugué par sa beauté, ému par son dévouement filial. L’audience est-elle allée plus loin ? On l’ignore… mais ce n’est pas impossible, tant François 1er était amateur de femmes.
Dès ce moment, Diane prend conscience de son pouvoir de séduction sur les hommes ; elle a obtenu du roi ce qu’elle voulait. On peut dire qu’elle a pris goût au pouvoir. Désormais, on la verra beaucoup plus souvent à la Cour où tout le monde l’admire. Elle est fière de sa beauté et de son corps qu’elle entretient en pratiquant l’équitation. Tous les jours, elle prend un bain glacé et nage le plus souvent possible dans les rivières et les lacs froids… Elle s’impose une discipline alimentaire pour ne pas prendre de poids et s’accorde de longues heures de sommeil pour préserver l’éclat de son visage. Une étonnante modernité ! Le pauvre vieux mari ne voit plus souvent sa femme à Anet, d’autant moins que l’ambitieuse Diane obtient de François 1er, à la mort de la reine Claude, de devenir la gouvernante des enfants de France.
C’est à cette époque que le peintre Jean Clouet fait un portrait au crayon de Diane. François 1er écrira de sa main sous ce portrait "belle à voir, honnête à chanter". Un hommage exceptionnel ! Peu de temps après, le roi est vaincu par Charles-Quint à Pavie. Les deux princes dont Diane a la garde sont désormais prisonniers à Madrid.
Le retour des princes
Diane de Poitiers, que toute la Cour appelle "la grande Sénéchale", est très contrariée par l’emprisonnement des deux fils de François 1er. Elle milite fortement pour que le roi fasse la paix avec Charles-Quint mais cela n’empêchera pas la guerre de continuer encore pendant deux ans.
Diane, si bien formée à la politique par Anne de Beaujeu, s’intéresse de près aux tractations qui ont lieu avant la signature de la paix de Cambrai en juillet 1529. Pour libérer les deux fils du roi de France, Charles Quint aurait bien aimé récupérer la Bourgogne mais le roi refuse. Le retour des princes se fera contre une énorme rançon de 2 millions de livres. Pour réunir cette somme, François 1er organise ce que nous appellerions une souscription qui entraîne un grand élan national de générosité. Diane et son époux y participent.
Les enfants sont restitués près de Bayonne le 3 juillet 1530 en échange de la rançon. Mais François et Henri ne sont pas seuls. Eléonore d’Autriche, sœur de Charles-Quint, qui est promise à François 1er depuis le traité de Madrid, les accompagne. Diane est présente, Eléonore est tout de suite séduite, et elle passe au service de la nouvelle reine de France.
Et puis, bien sûr, le petit Henri, qui a maintenant 11 ans, retrouve la belle Diane. Ses quatre ans de captivité l’ont rendu plus que sombre et taciturne. Diane demande alors à François 1er d’initier Henri aux usages de la Cour. Le roi accepte. Henri retrouve le sourire. Diane et lui se voient très souvent. Henri vient régulièrement à Anet pour participer aux chasses que le mari de Diane organise pour le roi.
Lors d’une de ces chasses, en avril 1531, Louis de Brézé et Diane informent le prince Henri d’un projet de mariage qu’ils ont formé pour lui. La fiancée proposée est une cousine au second degré de Diane, Catherine de Médicis, qui est aussi la petite-nièce du pape Clément VII. François 1er soutient ce projet car ce serait un excellent moyen de se concilier la Papauté pour contrebalancer la puissance grandissante de Charles-Quint.
Malheureusement, trois mois plus tard, le 23 juillet, Louis de Brézé s’éteint. En octobre, Diane réapparaît à la Cour. Désormais, on ne la verra que vêtue de noir et blanc, ce qui met encore plus en valeur son teint de lys et ses magnifiques cheveux blonds.
Le mariage d’ Henri, duc d’Orléans
Le mariage d’Henri avec Catherine de Médicis a mis du temps à être finalisé autant pour des raisons politiques qu’à cause de l’âge du marié. Henri n’est considéré comme nubile que le 31 mars 1533. Il a 14 ans. Le Pape va participer à la cérémonie qui aura lieu en octobre à Marseille. Toute la Cour y est conviée. Le voyage commence en avril.
La Cour va parcourir les routes de France pendant plus de six mois, permettant ainsi des entrées organisées pour la nouvelle reine de France Eléonore à Moulins, Lyon, Toulouse, Montpellier et Béziers.
Le mariage est célébré à Marseille le 28 octobre 1533. Diane savoure ce jour-là un des plus beaux triomphes de sa vie. Elle est devenue la cousine par alliance du second fils de France, qui par ailleurs reste son protégé et revendique à toutes les fêtes et à tous les tournois d’être son chevalier servant. Le mariage ne changera rien à cette situation.
Catherine de Médicis a un physique plutôt ingrat mais pétille d’intelligence. Elle séduit tout de suite son beau-père François 1er car elle est une remarquable cavalière. Elle est la première à la Cour à monter en amazone, elle est de toutes les fêtes, constamment de bonne humeur. Elle trouve immédiatement sa place à la Cour. En revanche, si elle est très amoureuse d’Henri, elle est déçue par le peu d’empressement que son mari lui témoigne. Elle constate que Diane est omniprésente, et qu’elle est la véritable "dame de cœur" de son époux.
Henri devient Dauphin de France
Le 2 août 1536, le Dauphin, après s’être beaucoup échauffé au jeu de paume, absorbe une grande quantité d’eau de glace et attrape une congestion pulmonaire. Il meurt le 10 août. Son frère Henri change de statut : il est le nouveau Dauphin. Catherine devient donc dauphine. Elle a le devoir de donner un héritier au trône mais pour l’instant aucune grossesse n’est annoncée.
Pire : en décembre 1536 que Diane consent enfin à devenir la maîtresse d’Henri. C’est Clément Marot, le poète, qui nous le fait savoir par des vers qu’il dédie à Diane, la grande sénéchale :
"Que voulez-vous Diane bonne,
Que je vous donne ?
Vous n’eûtes comme je l’entends
Jamais tant de bonheur au printemps
Qu’en automne"
Diane a 38 ans. Clément Marot salue sans doute les débuts de la relation amoureuse et sexuelle de Diane avec Henri, pensant qu’elle a plus de bonheur avec lui qu’elle n’en a eu dans sa jeunesse avec le vieux sénéchal.
Mais si Diane est devenue la maîtresse du dauphin, elle est tout de même sensible à la détresse de Catherine qui ne peut toujours pas avoir d’enfant, et qui risque donc d’être répudiée. Pour la remplacer, on parle de la très belle Louise de Guise…
Prouvant pour la première fois son grand sens politique, Catherine se jette alors aux pieds de François 1er proposant de se sacrifier pour l’avenir de la dynastie. C’est un pari risqué. Le roi relève sa belle-fille, l’embrasse et l’assure qu’il ne saurait en être question. On peut penser que Diane, elle aussi, a plaidé la cause de la Dauphine. Elle a tout intérêt à ce que Catherine ne soit pas remplacée. Une jeune et jolie Dauphine serait un immense danger pour celle qui est désormais la maîtresse du Dauphin et malgré sa beauté, d’un âge qui rendrait difficile pour elle la comparaison.
Alors, Diane va prodiguer à Catherine tous les conseils possibles. Elle devrait réduire ses randonnées équestres. Catherine consulte aussi des alchimistes, absorbe des philtres et le résultat tant espéré arrive : le 19 janvier 1544, à Fontainebleau, Catherine met au monde un garçon prénommé François. A partir de ce moment-là, elle n’arrêtera plus d’enfanter : en douze ans, elle aura dix enfants dont trois, seulement, mourront en bas-âge.
Diane est non seulement la maîtresse d’Henri mais elle va être nommée gouvernante de ses enfants, comme elle avait été autrefois celle de leur père et de son grand frère.
Le Dauphin succède à son père sous le nom d’Henri II
François 1er vient de faire la paix avec l’Angleterre et envisage une nouvelle guerre contre Charles-Quint, son beau-frère. Depuis près de dix ans, le Roi souffre d’une maladie que ses médecins croient être la syphilis.
En cette fin d’hiver 1547, son mal empire. C’est à Rambouillet, où il était venu pour chasser, qu’il rend son âme à Dieu le 31 mars, après trois semaines de souffrances. Le Dauphin Henri ne l’a pas quitté pendant toute son agonie. Il devient Roi le jour de son 28ème anniversaire. Il règnera sous le nom de Henri II.
Son premier geste de souverain est de confirmer dans leurs emplois les gens du Parlement et des autres Cours du royaume. Il intègre également dans son Hôtel la plupart des serviteurs de son père. L’avènement de Henri II est donc, selon les apparences, parfaitement pacifique. Mais dans les hautes sphères du pouvoir, le nouveau monarque change de politique.
Quant à Diane, elle est au comble du bonheur : Henri est enfin monté sur le trône de France. Il lui avait fallu vingt ans pour atteindre ce statut de maîtresse royale, une volonté de fer pour endurer les humiliations et les quolibets de ses ennemis. Elle avait fait le bon choix. Le Roi est toujours éperdument amoureux d’elle. Mais va-t-elle jouer un rôle politique ? Pas si sûr…
Ressources bibliographiques :
Didier Le Fur, Diane de Poitiers (Perrin, 2017)
Ivan Cloulas, Henri II (Fayard, 1985)
Jean des Cars, La saga des favorites (Perrin, 2013)
Jean des Cars, Des couples tragiques de l’Histoire (Perrin, 2020)