Karol Wojtyla est né il y a cent ans en Pologne, un pays de tradition catholique mais devenu communiste en 1945. Dans ce nouvel épisode de "Au cœur de l'histoire", produit par Europe 1 Studio, Jean des Cars revient sur le parcours du pape Jean-Paul II, un homme considéré par Soljenitsyne comme un miracle, "un don du Ciel". Il y a cent ans, le 18 mai 1920, naissait Karol Wojtyla. Un homme qui, par son courage, allait contribuer à la disparition du rideau de fer. Dans ce nouvel épisode de "Au cœur de l'histoire" , produit par Europe 1 Studio, Jean des Cars dresse le portrait de celui qui deviendra le pape Jean-Paul II.Nous sommes à Rome, place Saint-Pierre, le 16 octobre 1978, en début de soirée. Une fumée blanche s’échappe de la Chapelle Sixtine. Il est 18 h 43, quand apparaît à la loggia la silhouette du cardinal Felici. Ce prélat annonce au monde, bien sûr en latin, le nom du nouveau pape : "Habemus papam... Cardinalem Wojtyla... " La foule ne comprend pas le nom de celui qui a été élu par le conclave. De quel pays est-il ? C’est un Polonais, le cardinal-archevêque de Cracovie ! Parmi les milliers de personnes devant le Vatican, un petit homme jubile, les larmes aux yeux. Il s’appelle Jerzy Turowicz. Il est sans doute le plus vieil ami du successeur de Saint Pierre. Il confirme que, pour la première fois, le pape est un Polonais. Il ajoutera plus tard : "Moscou a tout de suite vu un ennemi en Jean-Paul II. Un tel événement était impensable pour le Kremlin…" Dès le lendemain, le quotidien italien La Stampa confirme que "Les Russes auraient préféré voir Soljenitsyne devenir Secrétaire Général de l’ONU plutôt qu’un Polonais devienne Pape !". C’est aussi l’avis de l’archevêque de Vienne, le cardinal König : il voit dans cette élection "un tremblement de terre psychologique pour tout l’Est". En fait, le cardinal Wojtyla, s’il est très connu dans son diocèse de Cracovie, est loin d’être une vedette dans son propre pays. Même le Premier ministre ne sait pas grand chose sur lui. Quant au Primat de Pologne, le célèbre cardinal Wyszynski, longtemps bête noire et victime de Staline, mais qui a fini par s’accommoder du régime communiste en Pologne, il a participé au conclave. Interrogé par son homologue de Vienne sur la possibilité de l’élection d’un pape polonais, il avait répondu :"Un pape polonais ? Impossible ! Je dois rentrer à Varsovie !" Il n’avait jamais pensé une seule seconde que le jeune et très actif archevêque de Cracovie puisse être le successeur de Saint-Pierre ! Et les Polonais, qu’en pensent-ils ? Bernard Lecomte, un biographe de Jean-Paul II, nous le raconte : "Sur le Rynek Glowny, la place principale de Cracovie, les jeunes ont commencé à danser, ivres de joie et d’espoir, devant la statue de Mickiewicz, leur poète national. Déjà, à quelques mètres, les fidèles sont nombreux à rendre grâce, agenouillés dans la basilique Notre-Dame où quinze jours auparavant, à la veille de son départ pour Rome, le cardinal Wojtyla disait sa dernière messe d’archevêque de Cracovie. Ces jeunes en liesse ont compris, eux, que l’important n’est pas dans la nomination du "premier pape non italien depuis 455 ans", ce que soulignent les agences de presse, radios et télévisions du monde entier. L’essentiel est ailleurs : le nouveau souverain pontife est surtout polonais, slave, et originaire du monde communiste".Ces jeunes ont raison. Le monde communiste a du souci à se faire. Mais qui est donc ce nouveau pape polonais, qui a choisi de s’appeler Jean-Paul II ?Une jeunesse sous la botte nazie Karol Wojtyla est né le 18 mai 1920, dans une Pologne récemment unifiée et indépendante depuis le Traité de Versailles. Son père est officier au XIIe Régiment d’Infanterie. Il a servi pendant la guerre dans l’armée autrichienne de l’empereur Habsbourg Charles 1er. En effet, sa ville natale, Wadowice, près de Cracovie, faisait partie de l’Empire austro-hongrois. Cela permettra, bien plus tard, au pape Jean Paul II, lorsqu’il recevra, avec beaucoup d’égards, à Rome, l’impératrice Zita, veuve de Charles 1er, de lui dire : "Je tiens à saluer la souveraine de mon père..."Il est baptisé le 20 juin 1920. Sa famille est très catholique. Elle va vivre un grand malheur avec la mort de la mère en 1929. Karol a 9 ans. C’est l’année de sa première communion. Trois ans plus tard, il perd son frère aîné, Edmund. Encore un drame... Le jeune garçon fait ses études secondaires à l’école Marcin Wadowita, à Wadowice. Puis s’inscrit à la célèbre université Jagellon de Cracovie, tout en suivant des cours de théâtre. Il a 19 ans. C’est un intellectuel, un poète, un philosophe, un linguiste mais aussi un sportif amateur de ski et de football. Mais il est également un fervent catholique.Malheureusement, son destin et celui de son pays basculent brutalement : le 1er septembre 1939, Hitler envahit la Pologne. Les avions allemands survolent Cracovie et sèment la panique en jetant des tracts puis des bombes. Les habitants se réfugient dans les caves. Le jeune Karol sert la messe dans la cathédrale du château Wawel qui domine la ville. Il ne s’interrompt pas dans son sacerdoce. Quelques jours plus tard, la XIVe armée allemande investit Cracovie. La première décision des envahisseurs est de fermer l’université Jagellon. On punit les intellectuels : 300 universitaires sont arrêtés et déportés. Pour obtenir une carte de travail et échapper au pire, Karol Wojtyla réussit à trouver une place dans une carrière de pierre, à Zakrzowek. Il va casser des blocs de cailloux à la main. L’étudiant est devenu un ouvrier.En 1941, il sera transféré à l’usine chimique Solvay près de Cracovie. Là, il purifiera les chaudières. Dans la journée, il est un travailleur de force. Après le travail, il suit les cours du séminaire clandestin de l’archevêque de Cracovie, Mgr Sapieha, dont le courage et la fermeté marqueront Karol pour la vie. En effet, en 1942, année de la mort de son père, il est sûr de sa vocation sacerdotale. Mais cela n’empêche pas ce passionné d’art dramatique et cet acteur doué de continuer à jouer. La nuit, il répète des pièces pour le Théâtre Rhapsody, dirigé par ses amis. Elles sont représentées clandestinement, dans des appartements privés. Une troisième activité secrète s’ajoute aux deux autres, encore plus risquée : il fait partie d’un cercle de résistants démocrates-chrétiens. Karol parvient à cacher des familles juives menacées. Il leur fournit de faux papiers. Rappelons que Auschwitz n’est qu’à 50 kms de Cracovie...Karol se retrouve vite sur une liste d’opposants recherchés par la Gestapo. De justesse, il échappe à la grande rafle du "dimanche noir" le 6 avril 1944. La terrible période de la guerre forme le caractère de Karol Wojtyla. D’abord, il a été un travailleur manuel, ce qui lui fera dire plus tard, devant une foule de sidérurgistes : "Le pape n’a pas peur des travailleurs !"Il se convainc aussi que la culture est une façon de résister à l’oppression. Il l’expérimente à travers le théâtre et la poésie. En plus, il apprend à vivre dans la clandestinité. Cela lui sera utile dans la période communiste, quand le pouvoir interdira toute activité pastorale. Il tournera la difficulté en emmenant ses ouailles dans des courses en montagne, des promenades en kayak, sur des terrains de football, où il ne manquera jamais de leur parler religion. Une carrière dans l'église au temps du communisme A la fin de la guerre, la Pologne sera intégrée au bloc de l'Est. Et en décembre 1948, devient staliniste. Dans ce contexte peu favorable à la religion catholique pourtant dominante en Pologne, Karol Wojtyla va réussir un parcours exemplaire. Karol reprend ses études au grand séminaire de Cracovie dès sa réouverture. Parallèlement, il poursuit ses études de théologie à l’université Jagellon. Il est ordonné prêtre le 1er novembre 1946 à Cracovie par le cardinal Sapieha, son mentor. Celui-ci l’envoie à Rome en 1947. Il y travaille avec un dominicain français et soutient sa thèse en théologie consacrée à la foi dans l’oeuvre de Saint-Jean-de-La-Croix.Durant son séjour romain, il consacre son temps libre pour exercer son ministère auprès des émigrés polonais qui viennent à Rome. À son retour en Pologne, il est vicaire dans plusieurs paroisses de Cracovie avant de devenir aumônier des étudiants jusqu’en 1951. Il reprend encore une fois ses études. Il soutient, à l’université catholique de Lublin, une nouvelle thèse qui porte cette fois sur l’éthique catholique. Puis enseigne la théologie morale et l’éthique sociale au grand séminaire de Cracovie et à la faculté de Théologie de Lublin. C’est alors que Karol se trouve confronté au grand défi de la dictature communiste. En effet, au coeur de cette Pologne désormais sous la coupe de Staline, deux îlots de résistance apparaissent. Le centre de la résistance ouvrière se situe dans le chantier naval de Gdansk, sur la Baltique, tandis que le centre de la résistance intellectuelle est à Cracovie. Le gouvernement communiste n’aime pas Cracovie. Il installe des complexes chimiques et des hauts-fourneaux à l’est de la ville. Cet ensemble s’appelle Huta Lenina et à l’ouest, se trouve à Huta Katovice, des aciéries géantes. Pour loger les ouvriers, le Parti Communiste invente une nouvelle cité, Nowa Huta en 1949. C’est l’emblème architectural et social de la Pologne communiste. Des immenses barres de HLM en béton. Et bien sûr, Nowa Huta n’aura pas d’église. Ce défi à la Pologne catholique, Karol Wojtyla va le relever.Ce sera un long combat. Entre temps, il poursuit son ascension dans la hiérarchie ecclésiastique. En 1958, le pape Pie XII le nomme évêque auxiliaire de Cracovie. En 1964, Paul VI le nomme archevêque de Cracovie puis cardinal en juin 1967. Pendant toute cette période où il reçoit l’appui du Saint-Siège, il réussit à permettre aux habitants de Nowa Huta d’entendre des messes. Une grande croix en bois est montée au milieu d’un terrain vague. Chaque dimanche, pendant des années, il dira des messes en plein air, par tous les temps pour 5 à 6.000 fidèles. La nuit de Noël 1971, à la fureur des autorités régionales, l’archevêque Wojtyla célèbre une messe de minuit à la lueur des cierges devant une foule immense, qui chante des cantiques malgré le froid. Il aura fallu dix-sept ans de combats et de messes en plein air pour que la cardinal Wojtyla obtienne enfin la construction d’une église à Nowa Huta. Il la consacre le 15 mai 1977 et lance alors cette phrase : "Nowa Huta a été conçue comme une cité sans Dieu. Mais la volonté de Dieu a prévalu. Que ceci serve de leçon !" On comprend maintenant pourquoi, l’année suivante, c’est lui que le conclave va choisir, en 1978, pour être le 262ème pape, successeur de l’apôtre Pierre.Un pape missionnaire Au début de son pontificat, on ne le connaissait pas bien. On a pu dire qu’il était "un prêtre polonais dogmatique et provincial". Laissons Norman Davies, historien de la Pologne, nous prouver le contraire : "Mais les moins bien informés n’ont pas tardé à constater que l’ancien cardinal archevêque de Cracovie était l’un des successeurs les plus accomplis et les plus charismatiques que Saint Pierre eût jamais eu. Même ses ennemis ont été obligés - bien à regrets - d’en convenir : Karol Wojtyla, de Wadowice, poète, dramaturge, philosophe, linguiste, acteur, skieur, gardien de but, ouvrier, étudiant et prêtre, un homme universel, admirablement à sa place comme chef de l’Eglise universelle."Le moins qu’on puisse dire est que son bilan est impressionnant : en vingt-six années de pontificat, le pape Jean-Paul II a accompli 104 voyages apostoliques hors d’Italie et 146 visites en Italie. Il a accordé 1166 audiences générales le mercredi, sans compter les audiences particulières et les cérémonies religieuses. Lors du grand jubilé de l’an 2000, il a réuni huit millions de pèlerins. Son amour pour les jeunes l’a poussé à lancer, en 1985, les Journées Mondiales de la jeunesse et les 19 JMJ de son pontificat ont rassemblé des millions de jeunes dans diverses parties du monde. Il a une attention particulière à l’égard de la famille et organisé des rencontres mondiales des familles en 1994. Il a promu le renouveau spirituel de l'Eglise avec l’année de la Rédemption, l'Année Mariale et l’Année de l’Eucharistie. Il a donné une impulsion extraordinaire aux canonisations et aux béatifications. Il a certainement été le pape le plus médiatique que l'Église ait jamais connu. Mais, sans aucun doute, ce qu’il a accompli de plus étonnant est son encouragement et sa participation à la chute du communisme.Jean-Paul II et l'effondrement du communisme Lors de son homélie inaugurale, véritable cérémonie d’intronisation, le dimanche 22 octobre 1978, place Saint-Pierre, le nouveau pape lance au monde un cri d’accueil : "N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ"".Le pape n’a effectivement pas peur et il se révèle excellent diplomate. Lors de sa triomphale première visite officielle en Pologne, en 1979, il montre une grande courtoisie envers les plus hautes autorités de la République Populaire. Il n’y a aucune attaque frontale à l’encontre du bloc communiste. Néanmoins, ce pape polonais, fortifié par ses expériences de citoyen d’un régime communiste, insuffle une nouvelle énergie et une nouvelle confiance dans l’action des catholiques à travers tout le monde soviétique. C’est vrai pour la Pologne mais aussi pour la Hongrie, pour la Tchécoslovaquie, pour la Lituanie et même pour les communautés catholiques isolées en URSS : elles sont discrètement contactées et encouragées.Le chemin que trace le pape va se transformer en chemin de croix le 13 mai 1981. En fin d’après-midi, comme tous les mercredis de printemps, la foule a envahi la place Saint Pierre pour assister à l’audience générale du pape. Jean-Paul II aime ce rendez-vous hebdomadaire avec les pèlerins du monde entier, le contact avec les autres. Et cela va lui coûter cher...A 17h, la jeep blanche découverte du pape traverse lentement la foule. Debout, le pape, accroché de sa main gauche à la rambarde de sa "papamobile", alors qu’il achève le tour de la place, bénit la foule de sa main droite. A 17h17, un tueur, Ali Agça, qui est à 3 mètres de lui, lève son pistolet et tire deux fois sur le pape. Un complice, qui était un peu plus loin, tire une fois. Jean-Paul II s’effondre. Il est touché au ventre. Son état est préoccupant. Le tueur a été arrêté. Une petite religieuse vêtue de noir, sœur Laëtitia, s’est si furieusement agrippée à lui en hurlant qu’il en a lâché son arme. Un policier en civil l’a immédiatement plaqué au sol. Le complice sera arrêté plus tard. Le pape est opéré. On sait qu’il sera sauvé. Mais cet attentat lui laissera des séquelles jusqu’à la fin de sa vie. Il souffrira de douleurs abdominales et de fatigues. Qui était Ali Agça ? C’était un Turc originaire d’une région très pauvre d’Anatolie. Il a été récupéré par une organisation nationaliste "les loups gris", financée par des mafias. Il a été inscrit à l’université d’Istanbul et utilisé comme homme de main, après avoir été entraîné au tir. Et on lui a fourni des armes. Les interrogatoires d’Ali Agça seront laborieux. Ce n’est qu’en 1982 qu’un petit juge italien parviendra à le faire parler. Ali Agça aurait été chargé d’assassiner le pape par les services secrets bulgares. Personne n’ignore qu’ils sont un des bras armés du KGB. On ne pourra jamais le prouver. Même après la chute du communisme et l’ouverture des archives, on ne trouvera aucune trace de commanditaires. Pourtant, il semble évident que la mort du pape aurait bien arrangé le bloc de l’est. Car ce pape qui galvanisait leurs églises, leur redonnait courage et espoir, ne pouvait que les gêner. Quels que soient les commanditaires de l'attentat, son échec ne va que renforcer l’aura et le pouvoir de Jean-Paul II. Désormais, ce pape est presque un martyre de la foi. Sa parole sera encore plus entendue qu’auparavant.Il faudra attendre encore neuf ans pour que les premiers craquements se fassent sentir dans le bloc soviétique. Certes, ce pape n’est pas la seule cause de la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Le président américain Reagan et sa Guerre des Etoiles avaient largement affaibli l’URSS. Mais Jean-Paul II a été lui aussi un catalyseur en soutenant, par exemple, en Pologne, le mouvement Solidarnosc et Lech Walesa. On connaît la suite. Le 21 février 1990, des milliers de pèlerins écoutent Jean-Paul II lors de son audience générale. Il commence son discours par : "C’est Dieu qui a vaincu à l’Est !"Cinq jours plus tôt, Jean-Paul II analysait la succession des évènements qui, en quelques mois, avaient, redessiné la carte politique de l’Europe. Devant les ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège, il avait déclaré : "Varsovie, Moscou, Budapest, Berlin, Prague, Sofia et Bucarest sont devenues les étapes d’un long pèlerinage vers la liberté". Le pape, victime de l’attentat, avait payé le prix de son courage. Mais il en avait aussi récolté les fruits. Vous voulez écouter les autres épisodes de ce podcast ?>> Retrouvez-les sur notre site Europe1.fr et sur Apple Podcasts , SoundCloud , Dailymotion et YouTube , ou vos plateformes habituelles d’écoute.>> Retrouvez ici le mode d'emploi pour écouter tous les podcasts d'Europe 1 "Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 StudioAuteur et présentation : Jean des Cars Cheffe de projet : Adèle PonticelliRéalisation : Guillaume VasseauDiffusion et édition : Clémence OlivierGraphisme : Europe 1 StudioBibliographie : Jean-Paul II (Gallimard , Folio, 2006) de Bernard Lecomte et du même auteur : Qui a voulu tuer Jean-Paul II ? dans Les énigmes de l’histoire du monde, ouvrage collectif sous la direction de Jean-Christian Petitfils ( Perrin-Le Figaro Histoire, 2019).
En savoir plusIsabelle d’Angoulême, reine-comtesse par-delà les mers
Isabelle d’Angoulême est une figure marquante du Moyen-Âge. Une comtesse ambitieuse et influente qui a accédé au trône d’Angleterre grâce à son mariage avec Jean sans Terre. Mais à la mort de ce dernier, elle ne s’est pas résignée à abandonner le pouvoir. De retour sur ses terres natales, elle a géré le comté d’Angoulême avec une poigne de fer se faisant appeler « reine-comtesse ». Mère du roi Henri III d’Angleterre, elle a aussi su jouer un rôle clé dans les conflits entre l’Angleterre et la France.<br />
30 janvier 2025 - 15 min
ENTRETIEN - Pourquoi Henri IV était-il surnommé le Vert-Galant ? Avec Flavie Leroux
Face à la gent féminine, Henri IV, a, semble-t-il, toujours fait preuve d’une certaine faiblesse. Marié à Marguerite de Valois, puis à Marie de Médicis pour des raisons politiques, celui que l’on surnomme le Vert-Galant a vécu des passions ardentes avec de nombreuses maîtresses, Gabrielle d’Estrées et Henriette d’Entragues en premier lieu.<br /> <br /> Ces femmes ont été plus que des amantes. Elles étaient des « presque reines », et bien souvent les mères de bâtards royaux.<br /> <br /> Pour évoquer ces femmes souvent détestées à leur époque, Virginie Girod reçoit l'historienne Flavie Leroux. Spécialiste d’histoire de la cour et des femmes en France à l’époque moderne, en particulier des maîtresses royales, elle est l’auteure de plusieurs livres à ce sujet, dont "L’autre famille royale", disponible aux éditions Passés Composés.
29 janvier 2025 - 20 min
[2/2] Marie de Médicis, reine de France, régente et mère indigne
Virginie Girod raconte la reine Marie de Médicis (1575-1642), régente avide de pouvoir.<br /> <br /> Dans le second épisode de ce double récit inédit d'Au coeur de l'Histoire, Henri IV, roi de France et fondateur de la dynastie des Bourbons, meurt assassiné par Ravaillac. Son épouse, Marie de Médicis, devient alors régente du royaume, rôle qu'elle devra assurer jusqu'à la majorité de Louis XIII...
27 janvier 2025 - 13 min
[1/2] Marie de Médicis, reine de France, régente et mère indigne
Virginie Girod raconte la reine Marie de Médicis (1575-1642), héritière florentine devenue la seconde épouse du roi Henri IV. <br /> <br /> Dans le premier épisode de ce double récit inédit d'Au coeur de l'Histoire, Marie de Médicis , fille du grand duc de Toscane, naît en 1575, à Florence. Héritière la plus riche d'Europe, la jeune femme est très convoitée et épouse le roi de France, Henri IV, en 1600, à l'âge de 25 ans. Neuf mois après les noces, elle donne naissance à l'héritier du trône, le futur Louis XIII.
27 janvier 2025 - 14 min
TEASER - Qui est le Vert-Galant ?
Quel roi de France surnomme-t-on le Vert Galant ? Henri IV, bien sûr ! Tout au long de sa vie, celui qui hérite de la couronne en 1589 multiplie les liaisons amoureuses… et charnelles ! Plusieurs dizaines de maîtresses auraient reçu ses faveurs parmi lesquelles Gabrielle d’Estrées ou Henriette d’Entragues. <br /> <br /> La semaine prochaine, dans Au cœur de l’Histoire, découvrez un entretien inédit dans lequel Virginie Girod recevra l’historienne Flavie Leroux afin de s'intéresser aux amours du bon roi Henri et à l’influence réelle ou fantasmée de ses favorites.
26 janvier 2025 - 01 min
ENTRETIEN - La vie dans une maison close au XIXe siècle.
En 1946, la loi Marthe Richard abolit le système de prostitution réglementé et entraine la fermeture des maisons closes en France. Depuis un siècle, la fréquentation de ces maisons de tolérance était une pratique masculine courante. Mais quelle était la réalité du quotidien de celles que l’on appelle les filles de joie dans les bordels ? Ces femmes, immortalisées par des artistes comme Henri de Toulouse-Lautrec ou Edgar Degas avait-elle la possibilité de sortir de la prostitution ?<br /> <br /> Pour en parler Virginie Girod reçoit l’historienne Catherine Menciassi-Authier. Spécialiste de l’histoire des femmes au XIXe siècle, elle est notamment l’auteure de l’ouvrage "Femmes d'exception, femmes d'influence, une histoire des courtisanes au XIXe siècle", paru aux éditions Armand Colin.
25 janvier 2025 - 22 min
[1/2] Valtesse de la Bigne, une courtisane de la Belle Époque
Virginie Girod raconte Valtesse de la Bigne (1848-1910), jeune cousette devenue courtisane influente du Tout-Paris.<br /> <br /> Dans le premier épisode de ce double-récit inédit d'Au cœur de l'Histoire, Émilie-Louise Delabigne naît en 1848 dans la quartier Poissonnière, à Paris. Issue d'une fratrie de 7, elle mène une enfance misérable et travaille très tôt comme cousette. Dans le Paris du XIXe siècle, hormis les bourgeoises et les aristocrates, toutes les femmes travaillent, exerçant des métiers difficiles et mal payés dans les ateliers, les usines ou les marchés. Certaines n'ont alors d'autres choix que de s'adonner à la prostitution. Bientôt, celle qui se fait désormais appeler Valtesse de la Bigne fait ses débuts dans le demi-monde.
23 janvier 2025 - 14 min
2/2] Valtesse de la Bigne, une courtisane de la Belle Époque
Virginie Girod raconte Valtesse de la Bigne (1848-1910), demi-mondaine ayant inspiré le personnage de Nana, dans le roman éponyme d'Émile Zola.<br /> <br /> Dans le second épisode de ce double-récit d'Au cœur de l'Histoire, Valtesse de la Bigne commence une carrière sur les planches des théâtres parisiens et se fait une place dans le milieu des courtisanes, prostituées de haut vol. Fréquentant les jeunes auteurs à la mode et les cafés parisiens où se retrouve la bonne société, elle perfectionne ses connaissances et apprend l’art de converser. A la fin des années 1870, Valtesse de la Bigne est devenue l’une de ces grandes horizontales les plus recherchée par l’élite parisienne.
23 janvier 2025 - 14 min
ENTRETIEN - Quand le spiritisme passionne l'Europe.
Esprit, es-tu là ? Dans la seconde partie du XIXe siècle, un phénomène venu des Etats-Unis déferle sur l’Europe. Au spiritualisme incarnée par les mystérieuses sœurs Fox - entrées en communication avec un fantôme - succède le spiritisme, une philosophie inventée par Allan Kardec, figure française de la communication avec l’au-delà. Des médiums et des photographes spirites se font alors un nom, quand les salons accueillent séances de tables tournantes et de lévitation.<br /> <br /> Mais comment expliquer l’ampleur de ce phénomène ? Le spiritisme est-il synonyme de science, comme le pensait l’astronome Camille Flammarion, ou de charlatanisme ? <br /> <br /> Pour en parler, Virginie Girod reçoit Philippe Baudouin. Maître de conférences en histoire des médias à l’Université Paris-Saclay, il a consacré de nombreux ouvrages à l’histoire de l’occultisme, dont "Apparitions" aux éditions Hoëbeke.
22 janvier 2025 - 20 min
Victor Hugo et le spiritisme, quand le poète fait tourner les tables
Virginie Girod raconte les séances de spiritisme organisées à Marine Terrace, sur l'île de Jersey, lieu d'exil de Victor Hugo, dans les années 1850.<br /> <br /> Le 4 septembre 1843, Léopoldine, la fille de Victor Hugo, se noie dans les eaux de la Seine, à Villequier, en Normandie. Dévasté, le poète lui dédiera l'un de ses plus beaux poèmes, "Demain, dès l'aube". Dans les années 1850, en exil dans les îles Anglo-Normandes, Hugo et sa famille trompent l'ennui et s'essaient au spiritisme, philosophie en vogue. Alors qu'ils font tourner les tables, ils tentent d'entrer en communication avec des êtres chers disparus.
21 janvier 2025 - 14 min
Karol Wojtyla est né il y a cent ans en Pologne, un pays de tradition catholique mais devenu communiste en 1945. Dans ce nouvel épisode de "Au cœur de l'histoire", produit par Europe 1 Studio, Jean des Cars revient sur le parcours du pape Jean-Paul II, un homme considéré par Soljenitsyne comme un miracle, "un don du Ciel".
Il y a cent ans, le 18 mai 1920, naissait Karol Wojtyla. Un homme qui, par son courage, allait contribuer à la disparition du rideau de fer. Dans ce nouvel épisode de "Au cœur de l'histoire" , produit par Europe 1 Studio, Jean des Cars dresse le portrait de celui qui deviendra le pape Jean-Paul II.
Nous sommes à Rome, place Saint-Pierre, le 16 octobre 1978, en début de soirée. Une fumée blanche s’échappe de la Chapelle Sixtine. Il est 18 h 43, quand apparaît à la loggia la silhouette du cardinal Felici. Ce prélat annonce au monde, bien sûr en latin, le nom du nouveau pape : "Habemus papam... Cardinalem Wojtyla... " La foule ne comprend pas le nom de celui qui a été élu par le conclave. De quel pays est-il ? C’est un Polonais, le cardinal-archevêque de Cracovie !
Parmi les milliers de personnes devant le Vatican, un petit homme jubile, les larmes aux yeux. Il s’appelle Jerzy Turowicz. Il est sans doute le plus vieil ami du successeur de Saint Pierre. Il confirme que, pour la première fois, le pape est un Polonais. Il ajoutera plus tard : "Moscou a tout de suite vu un ennemi en Jean-Paul II. Un tel événement était impensable pour le Kremlin…" Dès le lendemain, le quotidien italien La Stampa confirme que "Les Russes auraient préféré voir Soljenitsyne devenir Secrétaire Général de l’ONU plutôt qu’un Polonais devienne Pape !". C’est aussi l’avis de l’archevêque de Vienne, le cardinal König : il voit dans cette élection "un tremblement de terre psychologique pour tout l’Est".
En fait, le cardinal Wojtyla, s’il est très connu dans son diocèse de Cracovie, est loin d’être une vedette dans son propre pays. Même le Premier ministre ne sait pas grand chose sur lui. Quant au Primat de Pologne, le célèbre cardinal Wyszynski, longtemps bête noire et victime de Staline, mais qui a fini par s’accommoder du régime communiste en Pologne, il a participé au conclave. Interrogé par son homologue de Vienne sur la possibilité de l’élection d’un pape polonais, il avait répondu :
"Un pape polonais ? Impossible ! Je dois rentrer à Varsovie !"
Il n’avait jamais pensé une seule seconde que le jeune et très actif archevêque de Cracovie puisse être le successeur de Saint-Pierre ! Et les Polonais, qu’en pensent-ils ? Bernard Lecomte, un biographe de Jean-Paul II, nous le raconte : "Sur le Rynek Glowny, la place principale de Cracovie, les jeunes ont commencé à danser, ivres de joie et d’espoir, devant la statue de Mickiewicz, leur poète national. Déjà, à quelques mètres, les fidèles sont nombreux à rendre grâce, agenouillés dans la basilique Notre-Dame où quinze jours auparavant, à la veille de son départ pour Rome, le cardinal Wojtyla disait sa dernière messe d’archevêque de Cracovie. Ces jeunes en liesse ont compris, eux, que l’important n’est pas dans la nomination du "premier pape non italien depuis 455 ans", ce que soulignent les agences de presse, radios et télévisions du monde entier. L’essentiel est ailleurs : le nouveau souverain pontife est surtout polonais, slave, et originaire du monde communiste".
Ces jeunes ont raison. Le monde communiste a du souci à se faire. Mais qui est donc ce nouveau pape polonais, qui a choisi de s’appeler Jean-Paul II ?
Une jeunesse sous la botte nazie
Karol Wojtyla est né le 18 mai 1920, dans une Pologne récemment unifiée et indépendante depuis le Traité de Versailles. Son père est officier au XIIe Régiment d’Infanterie. Il a servi pendant la guerre dans l’armée autrichienne de l’empereur Habsbourg Charles 1er. En effet, sa ville natale, Wadowice, près de Cracovie, faisait partie de l’Empire austro-hongrois. Cela permettra, bien plus tard, au pape Jean Paul II, lorsqu’il recevra, avec beaucoup d’égards, à Rome, l’impératrice Zita, veuve de Charles 1er, de lui dire : "Je tiens à saluer la souveraine de mon père..."
Il est baptisé le 20 juin 1920. Sa famille est très catholique. Elle va vivre un grand malheur avec la mort de la mère en 1929. Karol a 9 ans. C’est l’année de sa première communion. Trois ans plus tard, il perd son frère aîné, Edmund. Encore un drame... Le jeune garçon fait ses études secondaires à l’école Marcin Wadowita, à Wadowice. Puis s’inscrit à la célèbre université Jagellon de Cracovie, tout en suivant des cours de théâtre. Il a 19 ans. C’est un intellectuel, un poète, un philosophe, un linguiste mais aussi un sportif amateur de ski et de football. Mais il est également un fervent catholique.
Malheureusement, son destin et celui de son pays basculent brutalement : le 1er septembre 1939, Hitler envahit la Pologne. Les avions allemands survolent Cracovie et sèment la panique en jetant des tracts puis des bombes. Les habitants se réfugient dans les caves. Le jeune Karol sert la messe dans la cathédrale du château Wawel qui domine la ville. Il ne s’interrompt pas dans son sacerdoce. Quelques jours plus tard, la XIVe armée allemande investit Cracovie. La première décision des envahisseurs est de fermer l’université Jagellon. On punit les intellectuels : 300 universitaires sont arrêtés et déportés. Pour obtenir une carte de travail et échapper au pire, Karol Wojtyla réussit à trouver une place dans une carrière de pierre, à Zakrzowek. Il va casser des blocs de cailloux à la main. L’étudiant est devenu un ouvrier.
En 1941, il sera transféré à l’usine chimique Solvay près de Cracovie. Là, il purifiera les chaudières. Dans la journée, il est un travailleur de force. Après le travail, il suit les cours du séminaire clandestin de l’archevêque de Cracovie, Mgr Sapieha, dont le courage et la fermeté marqueront Karol pour la vie. En effet, en 1942, année de la mort de son père, il est sûr de sa vocation sacerdotale. Mais cela n’empêche pas ce passionné d’art dramatique et cet acteur doué de continuer à jouer. La nuit, il répète des pièces pour le Théâtre Rhapsody, dirigé par ses amis. Elles sont représentées clandestinement, dans des appartements privés.
Une troisième activité secrète s’ajoute aux deux autres, encore plus risquée : il fait partie d’un cercle de résistants démocrates-chrétiens. Karol parvient à cacher des familles juives menacées. Il leur fournit de faux papiers. Rappelons que Auschwitz n’est qu’à 50 kms de Cracovie...
Karol se retrouve vite sur une liste d’opposants recherchés par la Gestapo. De justesse, il échappe à la grande rafle du "dimanche noir" le 6 avril 1944. La terrible période de la guerre forme le caractère de Karol Wojtyla. D’abord, il a été un travailleur manuel, ce qui lui fera dire plus tard, devant une foule de sidérurgistes : "Le pape n’a pas peur des travailleurs !"
Il se convainc aussi que la culture est une façon de résister à l’oppression. Il l’expérimente à travers le théâtre et la poésie. En plus, il apprend à vivre dans la clandestinité. Cela lui sera utile dans la période communiste, quand le pouvoir interdira toute activité pastorale. Il tournera la difficulté en emmenant ses ouailles dans des courses en montagne, des promenades en kayak, sur des terrains de football, où il ne manquera jamais de leur parler religion.
Une carrière dans l'église au temps du communisme
A la fin de la guerre, la Pologne sera intégrée au bloc de l'Est. Et en décembre 1948, devient staliniste. Dans ce contexte peu favorable à la religion catholique pourtant dominante en Pologne, Karol Wojtyla va réussir un parcours exemplaire. Karol reprend ses études au grand séminaire de Cracovie dès sa réouverture. Parallèlement, il poursuit ses études de théologie à l’université Jagellon. Il est ordonné prêtre le 1er novembre 1946 à Cracovie par le cardinal Sapieha, son mentor. Celui-ci l’envoie à Rome en 1947. Il y travaille avec un dominicain français et soutient sa thèse en théologie consacrée à la foi dans l’oeuvre de Saint-Jean-de-La-Croix.
Durant son séjour romain, il consacre son temps libre pour exercer son ministère auprès des émigrés polonais qui viennent à Rome. À son retour en Pologne, il est vicaire dans plusieurs paroisses de Cracovie avant de devenir aumônier des étudiants jusqu’en 1951. Il reprend encore une fois ses études. Il soutient, à l’université catholique de Lublin, une nouvelle thèse qui porte cette fois sur l’éthique catholique. Puis enseigne la théologie morale et l’éthique sociale au grand séminaire de Cracovie et à la faculté de Théologie de Lublin.
C’est alors que Karol se trouve confronté au grand défi de la dictature communiste. En effet, au coeur de cette Pologne désormais sous la coupe de Staline, deux îlots de résistance apparaissent. Le centre de la résistance ouvrière se situe dans le chantier naval de Gdansk, sur la Baltique, tandis que le centre de la résistance intellectuelle est à Cracovie. Le gouvernement communiste n’aime pas Cracovie. Il installe des complexes chimiques et des hauts-fourneaux à l’est de la ville. Cet ensemble s’appelle Huta Lenina et à l’ouest, se trouve à Huta Katovice, des aciéries géantes.
Pour loger les ouvriers, le Parti Communiste invente une nouvelle cité, Nowa Huta en 1949. C’est l’emblème architectural et social de la Pologne communiste. Des immenses barres de HLM en béton. Et bien sûr, Nowa Huta n’aura pas d’église. Ce défi à la Pologne catholique, Karol Wojtyla va le relever.
Ce sera un long combat. Entre temps, il poursuit son ascension dans la hiérarchie ecclésiastique. En 1958, le pape Pie XII le nomme évêque auxiliaire de Cracovie. En 1964, Paul VI le nomme archevêque de Cracovie puis cardinal en juin 1967.
Pendant toute cette période où il reçoit l’appui du Saint-Siège, il réussit à permettre aux habitants de Nowa Huta d’entendre des messes. Une grande croix en bois est montée au milieu d’un terrain vague. Chaque dimanche, pendant des années, il dira des messes en plein air, par tous les temps pour 5 à 6.000 fidèles. La nuit de Noël 1971, à la fureur des autorités régionales, l’archevêque Wojtyla célèbre une messe de minuit à la lueur des cierges devant une foule immense, qui chante des cantiques malgré le froid.
Il aura fallu dix-sept ans de combats et de messes en plein air pour que la cardinal Wojtyla obtienne enfin la construction d’une église à Nowa Huta. Il la consacre le 15 mai 1977 et lance alors cette phrase : "Nowa Huta a été conçue comme une cité sans Dieu. Mais la volonté de Dieu a prévalu. Que ceci serve de leçon !" On comprend maintenant pourquoi, l’année suivante, c’est lui que le conclave va choisir, en 1978, pour être le 262ème pape, successeur de l’apôtre Pierre.
Un pape missionnaire
Au début de son pontificat, on ne le connaissait pas bien. On a pu dire qu’il était "un prêtre polonais dogmatique et provincial". Laissons Norman Davies, historien de la Pologne, nous prouver le contraire : "Mais les moins bien informés n’ont pas tardé à constater que l’ancien cardinal archevêque de Cracovie était l’un des successeurs les plus accomplis et les plus charismatiques que Saint Pierre eût jamais eu. Même ses ennemis ont été obligés - bien à regrets - d’en convenir : Karol Wojtyla, de Wadowice, poète, dramaturge, philosophe, linguiste, acteur, skieur, gardien de but, ouvrier, étudiant et prêtre, un homme universel, admirablement à sa place comme chef de l’Eglise universelle."
Le moins qu’on puisse dire est que son bilan est impressionnant : en vingt-six années de pontificat, le pape Jean-Paul II a accompli 104 voyages apostoliques hors d’Italie et 146 visites en Italie. Il a accordé 1166 audiences générales le mercredi, sans compter les audiences particulières et les cérémonies religieuses. Lors du grand jubilé de l’an 2000, il a réuni huit millions de pèlerins. Son amour pour les jeunes l’a poussé à lancer, en 1985, les Journées Mondiales de la jeunesse et les 19 JMJ de son pontificat ont rassemblé des millions de jeunes dans diverses parties du monde.
Il a une attention particulière à l’égard de la famille et organisé des rencontres mondiales des familles en 1994. Il a promu le renouveau spirituel de l'Eglise avec l’année de la Rédemption, l'Année Mariale et l’Année de l’Eucharistie. Il a donné une impulsion extraordinaire aux canonisations et aux béatifications. Il a certainement été le pape le plus médiatique que l'Église ait jamais connu. Mais, sans aucun doute, ce qu’il a accompli de plus étonnant est son encouragement et sa participation à la chute du communisme.
Jean-Paul II et l'effondrement du communisme
Lors de son homélie inaugurale, véritable cérémonie d’intronisation, le dimanche 22 octobre 1978, place Saint-Pierre, le nouveau pape lance au monde un cri d’accueil : "N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ"".
Le pape n’a effectivement pas peur et il se révèle excellent diplomate. Lors de sa triomphale première visite officielle en Pologne, en 1979, il montre une grande courtoisie envers les plus hautes autorités de la République Populaire. Il n’y a aucune attaque frontale à l’encontre du bloc communiste.
Néanmoins, ce pape polonais, fortifié par ses expériences de citoyen d’un régime communiste, insuffle une nouvelle énergie et une nouvelle confiance dans l’action des catholiques à travers tout le monde soviétique. C’est vrai pour la Pologne mais aussi pour la Hongrie, pour la Tchécoslovaquie, pour la Lituanie et même pour les communautés catholiques isolées en URSS : elles sont discrètement contactées et encouragées.
Le chemin que trace le pape va se transformer en chemin de croix le 13 mai 1981. En fin d’après-midi, comme tous les mercredis de printemps, la foule a envahi la place Saint Pierre pour assister à l’audience générale du pape. Jean-Paul II aime ce rendez-vous hebdomadaire avec les pèlerins du monde entier, le contact avec les autres. Et cela va lui coûter cher...
A 17h, la jeep blanche découverte du pape traverse lentement la foule. Debout, le pape, accroché de sa main gauche à la rambarde de sa "papamobile", alors qu’il achève le tour de la place, bénit la foule de sa main droite. A 17h17, un tueur, Ali Agça, qui est à 3 mètres de lui, lève son pistolet et tire deux fois sur le pape. Un complice, qui était un peu plus loin, tire une fois. Jean-Paul II s’effondre. Il est touché au ventre. Son état est préoccupant.
Le tueur a été arrêté. Une petite religieuse vêtue de noir, sœur Laëtitia, s’est si furieusement agrippée à lui en hurlant qu’il en a lâché son arme. Un policier en civil l’a immédiatement plaqué au sol. Le complice sera arrêté plus tard. Le pape est opéré. On sait qu’il sera sauvé. Mais cet attentat lui laissera des séquelles jusqu’à la fin de sa vie. Il souffrira de douleurs abdominales et de fatigues.
Qui était Ali Agça ? C’était un Turc originaire d’une région très pauvre d’Anatolie. Il a été récupéré par une organisation nationaliste "les loups gris", financée par des mafias. Il a été inscrit à l’université d’Istanbul et utilisé comme homme de main, après avoir été entraîné au tir. Et on lui a fourni des armes.
Les interrogatoires d’Ali Agça seront laborieux. Ce n’est qu’en 1982 qu’un petit juge italien parviendra à le faire parler. Ali Agça aurait été chargé d’assassiner le pape par les services secrets bulgares. Personne n’ignore qu’ils sont un des bras armés du KGB. On ne pourra jamais le prouver. Même après la chute du communisme et l’ouverture des archives, on ne trouvera aucune trace de commanditaires.
Pourtant, il semble évident que la mort du pape aurait bien arrangé le bloc de l’est. Car ce pape qui galvanisait leurs églises, leur redonnait courage et espoir, ne pouvait que les gêner. Quels que soient les commanditaires de l'attentat, son échec ne va que renforcer l’aura et le pouvoir de Jean-Paul II. Désormais, ce pape est presque un martyre de la foi. Sa parole sera encore plus entendue qu’auparavant.
Il faudra attendre encore neuf ans pour que les premiers craquements se fassent sentir dans le bloc soviétique. Certes, ce pape n’est pas la seule cause de la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Le président américain Reagan et sa Guerre des Etoiles avaient largement affaibli l’URSS. Mais Jean-Paul II a été lui aussi un catalyseur en soutenant, par exemple, en Pologne, le mouvement Solidarnosc et Lech Walesa. On connaît la suite. Le 21 février 1990, des milliers de pèlerins écoutent Jean-Paul II lors de son audience générale. Il commence son discours par : "C’est Dieu qui a vaincu à l’Est !"
Cinq jours plus tôt, Jean-Paul II analysait la succession des évènements qui, en quelques mois, avaient, redessiné la carte politique de l’Europe. Devant les ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège, il avait déclaré : "Varsovie, Moscou, Budapest, Berlin, Prague, Sofia et Bucarest sont devenues les étapes d’un long pèlerinage vers la liberté". Le pape, victime de l’attentat, avait payé le prix de son courage. Mais il en avait aussi récolté les fruits.
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