LE SAVIEZ-VOUS ? Marie Curie a fui un scandale dans un paradis breton

En écoutant le récit consacré à Marie Curie, vous avez peut être eu envie d'en savoir davantage sur les séjours de la chercheuse en Bretagne où elle se rendait avec des amis universitaires. Dans cet épisode bonus de "Au Cœur de l'Histoire", le spécialiste histoire Jean des Cars vous raconte comment Marie Curie est tombée sous le charme de l'Arcouest, dans les Côtes d'Armor, et comment elle a fait de cet endroit son refuge. 

C’est en 1895 que l’historien Charles Seignobos et son ami le biologiste Louis Lapicque découvrent le site enchanteur de L’Arcouest, face à l'île de Bréhat. Ils sont conquis par la beauté des lieux. Seignobos achète une maison, puis un voilier. Lapicque fait construire une résidence. Ils y passent les étés et y invitent des amis, tous universitaires comme eux. Jean Perrin, futur prix Nobel de physique en 1926, déjà un brillant chercheur, spécialiste de l’atome, s’y installe à son tour. Suivront les Auger, Charles Maurain, expert de la physique du Globe et Les Borel, tous des amis de Pierre et Marie Curie.

Leur mode de vie est simple mais confortable. On se baigne, on fait du bateau, on pique-nique. C’est une communauté sympathique dans un endroit totalement à l’abri d’un tourisme de masse.

Marie Curie y arrive, pour la première fois, en 1912, accompagnée de ses filles, Eve et Irène. Elle est veuve de Pierre Curie depuis 1906. Mais elle est, à ce moment-là, l’objet d’un scandale. Même au fond de l’Arcouest, on sait qu’elle a eu une liaison avec un autre grand physicien, Paul Langevin, marié et père de quatre enfants. La presse s’est déchaînée contre Madame Curie. Elle veut malgré tout que ses deux filles passent de bonnes vacances. 

Marie Curie sous le charme 

Elle apprécie que ses collègues lui apportent leur soutien dans ces moments pénibles et succombe au charme d'un endroit qu'on baptisera "Sorbonne Plage" ou "Fort la Science". Elle s’adonne à la natation. "Madame Curie est extrêmement fière de son agilité, de ses talents nautiques. Entre elle et ses collègues de la Sorbonne existent de sournoises rivalités sportives. Marie observe, dans sa petite crique de Roch Vraf, les savants et les femmes de savants qui nagent une brasse honorable, à moins qu’impuissants à avancer, ils ne flottent sur place en s’agitant désespérément. Elle mesure implacablement les trajets parcourus par ses adversaires et, sans jamais proposer ouvertement une course, elle s’entraîne à battre les records de vitesse et de distance du Corps enseignant de l’Université".

A l’Arcouest, Marie Curie s’adapte à la simplicité ambiante qui lui convient. Elle se conforme aux usages locaux : "Elle porte un chapeau de toile délavée, une vieille jupe et l’inusable vareuse de molleton noir que, pour quelques francs, la"tailleur du bourg Elisa Leff", confectionne, selon un modèle qui est le même pour les hommes et pour les femmes, les savants et les pêcheurs. Ses pieds sont nus dans des espadrilles. Elle a posé devant elle un sac semblable à quinze autres sacs éparpillés sur l’herbe, et que gonflent un peignoir de bain et un maillot".

Marie Curie est si séduite par l’Arcouest qu’elle va y acquérir un terrain et y faire construire une maison. C’est sa fille Irène et son mari, le savant atomiste Frédéric Joliot, qui en hériteront. La tradition survivra jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.