En 1725, Marie Leczinska (1703-1768), princesse polonaise, épouse Louis XV, le jeune roi de France. Discrète, la reine se tient à l’écart des affaires de la Cour. Après avoir donné naissance à dix enfants et assuré la descendance du trône, Marie Leczinska est délaissée par le roi au profit de ses favorites. Dans un récit inédit, Virginie Girod vous raconte le destin d’une reine oubliée.
Thèmes abordés : monarchie, Bourbons, Louis XV, reine, Versailles
Au Cœur de l’Histoire est un podcast Europe1.
- Présentation : Virginie Girod
- Ecriture du récit : Solène Grandclaude
- Production : Armelle Thiberge et Morgane Vianey
- Réalisation : Nicolas Gaspard
- Composition des musiques originales : Julien Tharaud et Sébastien Guidis
- Promotion et coordination des partenariats : Marie Corpet
- Visuel : Sidonie Mangin
Bibliographie :
Anne Muratori-Philip, Marie Leszczynska: Épouse de Louis XV, Tallandier
Simone Bertière, Les Reines de France au temps des bourbons, tome 3 : La Reine et la favorite, Poche
Pierre de Nolhac, Louis XV et Marie Leczinska, Autre Librairie
Ressources en ligne :
La relation entre Marie Leczinska et Louis XV (par Pierre de Nolhac)
Acte de mariage (par procuration) aux archives de Strasbourg
La dévotion de Marie Leczinska
Maria Leszczynska naît le 23 juin 1703 à Trebnitz, en Pologne. Elle est la fille de Catherine Opalinska et de Stanislas Leczinski, un homme issu d'une famille noble polonaise mais qui n'est alors qu'un simple conseiller dans une province du pays.
Marie a seulement un an quand sa famille est propulsée sur le devant de la scène. En septembre 1704, Charles XII de Suède proclame Stanislas roi de Pologne. Marie et sa sœur aînée Anna deviennent princesses. Mais leur nouveau prestige ne dure guère : moins de cinq ans plus tard, Charles XII est défait par le tsar Pierre Ier de Russie. La famille doit renoncer au trône et fuir en toute hâte.
C’est une vie d'exil qui commence pour Marie. La famille s'installe d'abord dans la petite principauté de Deux-Ponts, dont l'administration a été confiée à Stanislas par Charles XII. Cette vie en apparence plutôt calme est bientôt endeuillée par la mort d'Anna, l'aînée des deux filles… Un an plus tard, la mort de Charles XII vient empirer une situation déjà précaire. Désormais sans ressources, Stanislas voit s'envoler tous ses espoirs de remonter un jour sur le trône. La famille doit fuir à nouveau. Elle finit par trouver refuge sur le territoire français, en Alsace. En 1719, Stanislas, Catherine et Marie s'installent définitivement à Wissembourg.
Marie a seize ans et s'accommode facilement de cette vie très modeste, isolée du monde. De sa mère, elle acquiert un intérêt pour la religion et la charité. De son père, elle reçoit une éducation simple mais adaptée à sa nouvelle condition : elle sait danser, chanter, jouer du clavecin, et parle bien le français et l'allemand. Stanislas aime profondément sa fille, il lui voue une affection sans bornes et place en elle ses espoirs déçus. Il veut lui éviter de souffrir, lui offrir ce que lui-même a perdu. Et pour ça, il faut la marier, mais pas à n'importe qui !
Marie n'est pas d'une beauté à couper le souffle mais elle ne manque pas d'élégance et on dit d'elle qu'elle est agréable, bien faite, avec de jolis yeux. Bientôt, un jeune marquis tombe sous son charme et demande sa main. Stanislas refuse. Un marquis, ce n'est pas assez prestigieux ! Ce qu'il lui faut, c'est un duc.
Stanislas fait une proposition au prince de Schwarzenberg, un noble de Bohême. Mais la demande est refusée. Le motif ? Marie est la fille d'un roi déchu, c'est à peine si on peut lui donner le titre de princesse. Stanislas est humilié... Mais alors qu'il se demande s'il ne devrait pas abandonner son projet ambitieux, le destin vient lui donner un coup de pouce. Un beau jour de 1722, il reçoit une lettre. Le duc de Bourbon en personne voudrait épouser sa fille…
Une liste de prétendantes pour le roi
Mais comment Marie Leczinska, la fille presque inconnue d'un roi sans couronne, a-t-elle soudainement pu recevoir une telle proposition ? Pour le savoir, il faut voyager jusqu'à Versailles.
L'année 1722 est celle du couronnement de Louis XV, reconnu légalement majeur à l'âge de douze ans. Cette année signe aussi la fin de la période de Régence, menée par Philippe d'Orléans. C'est une chance pour la branche des Bourbons, qui retrouve officiellement le trône. La rivalité entre les Orléans et les Bourbons n'est pas nouvelle. Depuis que "Monsieur", le frère cadet de Louis XIV, a fondé la maison d'Orléans soixante ans plus tôt, il s'en est toujours fallu de peu pour qu'un de ses représentants accède au trône. Impensable pour le duc de Bourbon, Louis Henri de Bourbon-Condé ! Lui est prince de Condé, une branche prestigieuse de la maison des Bourbons, qui elle-même descend de la dynastie capétienne. Hors de question de laisser la moindre parcelle de pouvoir à un arriviste d'Orléans, il les déteste tous !
Lorsque Louis XV prend officiellement le pouvoir, le duc de Bourbon est nommé ministre d'Etat, le premier conseiller du roi. C'est sans doute le poste le plus prestigieux qui soit mais au lieu d'enchanter le duc, il ne fait que renforcer sa crainte de perdre une telle influence. Il déteste par-dessus tout Louis d'Orléans, le fils du Régent, qu'il considère comme son grand rival. Alors il manigance, il complote…
Le problème du duc de Bourbon, c'est qu'il a peu d'esprit. Ses idées lui viennent souvent de sa maîtresse, la marquise de Prie. Cette femme opportuniste l'influence énormément, elle le surpasse en intelligence, en orgueil et en ambition. Le duc est veuf et n'a jamais eu d'enfant de son premier mariage. La marquise est satisfaite de cette situation mais quand la mère du duc insiste pour le marier et lui assurer une descendance, la marquise de Prie comprend qu'il va falloir ruser. Puisqu'elle ne peut pas s'opposer au mariage de son amant, c'est elle qui va lui trouver une femme ! De préférence docile et effacée... C'est ainsi qu'au détour d'une conversation de salon, elle entend le nom de Marie Leczinska. Pour elle, c'est la candidate parfaite ! Elle propose le nom au duc de Bourbon, qui acquiesce. La marquise commence alors les négociations.
A Wissembourg, Stanislas ne retient pas sa joie. Sa fille va épouser, pas seulement un duc mais LE duc, le premier ministre du royaume. Sa joie va toutefois être de courte durée. Car du côté de Versailles, on fait un peu traîner les choses… Le duc de Bourbon se dit qu'après tout, il a encore le temps.
Mais en 1725, Louis XV tombe malade. Ce mal le cloue au lit pendant plusieurs jours… Le royaume entier retient son souffle. Le duc de Bourbon, en particulier, se fait du souci. La mort du roi signifierait que Louis d'Orléans pourrait monter sur le trône. Et ça, il ne peut pas le supporter ! Il faut marier le roi, et au plus vite !
On fait alors dresser une liste de cent prétendantes, parmi lesquelles figure le nom de Marie Leczinska. On l'ignore. Au début, en tout cas. On pense d'abord à la fille aînée du prince de Galles, mais elle n'est pas catholique. On désigne alors Elisabeth, la fille de Catherine Ière de Russie, mais la marquise de Prie s'y oppose. Le duc écarte aussi la jolie fille du duc de Lorraine. Elle a pourtant le bon âge, elle est catholique… mais sa mère est de la branche d’Orléans. Impensable…
La liste s'amenuise, petit à petit… jusqu'à ce que le nom de Marie Leczinska soit le seul restant. Le duc de Bourbon ne voit pas d'autre solution. Il propose le nom de la jeune femme au cardinal de Fleury, qui ne voit pas d'objection. Le roi lui-même semble enchanté par l'idée. La décision est donc prise : Marie Leczinska sera la prochaine reine.
Quand Stanislas reçoit enfin la lettre, il accourt dans la chambre où sa femme et sa fille discutent. "Ah ! ma fille ! Tombons à genoux et remercions Dieu !", lui dit-il. - Quoi, mon père, seriez-vous rappelé au trône ? - Le ciel nous accorde mieux encore, lui répond Stanislas. Vous êtes reine de France !".
Un couple amoureux
La joie de la famille Leczinska n'est pas partagée partout. À la cour de Versailles, on se demande bien comment le roi a pu accepter une telle mésalliance. Dans les couloirs du château, on chuchote, on jase, on médit. "La Polonaise", comme on l'appelle avec peu d'élégance, a vingt-deux ans, c'est presque une vieille fille ! On dit d'elle qu'elle est épileptique, scrofuleuse, d'un caractère fort méchant. Le roi ne peut tout de même pas épouser une telle rombière !
Les rumeurs atteignent bientôt le peuple, qui ne voit pas ce mariage d'un très bon œil. Mais toutes ces insultes importent peu, la décision est prise. Le 15 août 1725, un premier mariage est célébré à Strasbourg. C'est un mariage par procuration, le duc d'Orléans a été envoyé en Alsace pour représenter l'époux resté à Versailles.
Marie Leczinska, désormais reine de France, prend le chemin de Versailles pour rencontrer son roi. Plusieurs semaines durant, elle voyage avec tout son cortège et part à la rencontre du peuple. Il apparaît vite que les rumeurs n'ont pas fait justice à la souveraine. C'est une femme au caractère très doux, à l'âme charitable, qui se soucie beaucoup des autres. Partout où elle passe, il ne lui faut que quelques minutes pour se faire aimer.
Le roi lui-même tombe sous le charme de sa femme lorsqu'il la rencontre pour la première fois, au début du mois de septembre 1725. Quand elle s'agenouille devant lui comme le veut la coutume, il lui laisse à peine le temps de poser le genou à terre et la relève déjà pour l'embrasser. Dans le carrosse, la conversation est fluide, facile. L'entente entre les deux époux est immédiate, elle saute aux yeux, personne ne peut le nier : le roi et la reine sont amoureux. Le jour de leur mariage, contraints par le poids de l'étiquette, tous deux peinent à masquer leur impatience à se retrouver enfin seuls dans l'intimité d'une chambre. Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais Marie va commettre sa première erreur à peine quelques mois plus tard.
La première erreur de Marie Leczinska
Toute à son bonheur conjugal, Marie Leczinska n'a pas remarqué que deux personnages la collent comme deux sangsues : le duc de Bourbon et la marquise de Prie ont bien l'intention de récolter les fruits de leur travail. C'est à eux que Marie doit sa nouvelle vie et ils se chargent de le lui rappeler chaque jour, à demi-mots... Le duc de Bourbon sent qu'il est de moins en moins apprécié par le roi et que le cardinal de Fleury est le seul à être écouté par Louis XV. Il veut se débarrasser du vieil évêque et asseoir enfin son influence sur le roi. Il a un plan.
Il demande à la reine de convoquer le roi dans ses appartements. Marie hésite. Elle n'est pas très rompue aux usages de la Cour mais elle sent que quelque chose ne va pas. Mais elle se sent redevable, alors elle s'exécute. Lorsque le roi arrive, le duc de Bourbon lui tend une lettre, accusant le cardinal de Fleury de toutes sortes de méfaits. Louis XV y reste insensible. Pire encore, il traite le duc avec une froideur inhabituelle, et sort de la pièce sans un regard pour la reine.
Lorsqu'il est mis au courant de la ruse, Fleury en use d'une autre, beaucoup plus subtile. Il démissionne, fait ses valises et avertit le roi de son départ, par lettre. Louis XV est inconsolable et refuse de voir partir son plus cher ami. Lorsque Fleury revient à Versailles, rappelé par le roi, il est plus influent que jamais. Le duc de Bourbon est congédié, exilé dans son château de Chantilly. Quant à Marie, elle a définitivement perdu toute l'influence qu'elle aurait pu avoir sur son mari.
La fin du bonheur conjugal
Cet incident est le premier orage du couple, mais ne remet pas en cause leur bonheur conjugal. Moins de deux ans après le mariage, Marie donne naissance à des jumelles. Ce n'est pas un Dauphin, mais le roi est aux anges. Il le sera pour toutes les naissances de ses enfants : dix en dix ans, tout de même ! Huit filles et deux garçons. La reine est sincèrement heureuse de donner des enfants au royaume. Mais elle va vite découvrir que la vie à la Cour ne la protège pas des souffrances.
L'année 1733 est celle de tous les chagrins pour Marie. Les premiers coups lui sont portés lorsqu'elle doit enterrer deux de ses enfants, à deux mois d'intervalle. Marie-Louise, sa troisième fille, meurt en février et le petit Philippe la suit dans la tombe au mois d'avril. Ils ont moins de cinq ans. La reine, alors enceinte de son septième enfant, est inconsolable.
A la fin de l'été, elle pense retrouver un peu de baume au cœur lorsque Stanislas parvient enfin à reprendre le trône de Pologne. Sa joie sera de courte durée, comme le règne de son père. La déroute est rapide et Louis XV et le cardinal de Fleury ne semblent pas tellement décidés à aider qui que ce soit.
L'année 1733 est aussi celle où Marie apprend la première infidélité de son époux, lui qui avait toujours été si pieux et si fidèle ! La trahison est insupportable pour la reine, d'autant que Mme de Mailly, la maîtresse, est aussi sa dame de compagnie. Elle tait longtemps son chagrin, et tente par tous les moyens de reconquérir son mari, le garder pour elle seule. Peine perdue… En 1738, les médecins la mettent en garde : une nouvelle grossesse pourrait lui être fatale. Marie est contrainte de refuser son lit au roi. C'est la fin du bonheur conjugal…
Une reine pieuse et aimée
Marie a 35 ans lorsqu'elle comprend qu'elle ne pourra plus avoir d'enfants et qu'elle a perdu cet époux qu'elle aimait tant. Elle assiste, impuissante et humiliée, au défilé des maîtresses, dont la quasi-totalité des sœurs Mailly-Nesle. Mais Marie Leczinska est une femme digne. Elle avait haï la première maîtresse de Louis XV, elle refuse de se laisser entraîner par les autres !
Lorsque Louis XV rencontre la marquise de Pompadour et en fait sa favorite, Marie ne laisse rien paraître. Elle sait que sa rivale la méprise, elle la voit étendre son influence sur l'esprit du roi, mais elle reste cordiale. Nous sommes alors en 1745, Marie a depuis longtemps fait le deuil de sa vie rêvée et préfère profiter des quelques plaisirs que la vie de cour lui permet.
Grande amatrice de peinture et de musique, elle se transforme en véritable mécène. C'est elle qui fera venir Mozart à Versailles et discutera avec lui en allemand. Autant vous dire que ceux qui méprisent la reine sont parfois bien étonnés de découvrir ses multiples talents…
Depuis sa plus tendre enfance, Marie est aussi très pieuse et charitable. Elle fait de nombreux pèlerinages, qui la sortent de son quotidien morose à Versailles. Très dévouée à la Vierge Marie, elle fait de nombreux dons à la basilique Notre-Dame de Marienthal, en Alsace, où elle se rend souvent. Les aumônes qu'elle donne sans compter lui valent très souvent l'adoration du peuple. Et alors que Louis XV perd peu à peu son surnom du "Bien-Aimé" et que la marquise de Pompadour est constamment victime des quolibets et de la satire, Marie reste absente des pamphlets. On choisit d'épargner cette reine dont on sait peu de choses mais qui s'est toujours montrée si bonne.
La reine Marie meurt à 65 ans, à Versailles, le 24 juin 1768. Elle a survécu à sa grande rivale, la marquise de Pompadour, et n'a pas vécu assez longtemps pour connaître Madame du Barry. Elle ne laisse pas derrière elle de grands faits d'armes, ou une réputation sulfureuse. On l'oublie, souvent, au profit des maîtresses de Louis XV. Pourtant, Marie Leczinska sut garder toute sa vie une fidélité à toute épreuve, un amour du peuple dont peu de reines purent se vanter, et un caractère d'une douceur inégalée. Après sa mort, Louis XV, qui pourtant avait depuis longtemps perdu tout scrupule, ne se remaria jamais.
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