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SAISON 2019 - 2020, modifié à

Une foule immense, une traîne interminable et une pression monumentale… En 1854, l’empereur d’Autriche, François-Joseph épouse sa très belle cousine Elisabeth, née duchesse en Bavière. Dans ce nouvel épisode de "Au cœur de l'histoire", produit par Europe 1 Studio, Jean des Cars vous convie au mariage de Sissi.

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S'il y a bien une union qui a marqué la fin du 19e siècle, c'est celle de Sissi et de François-Joseph. En 1854, l'empereur d'Autriche épouse sa cousine, Elisabeth, dont il est tombé éperdument amoureux quelques mois plus tôt. Pourtant ce n'était pas ce que souhaitait sa mère, l'archiduchesse Sophie. Dans ce nouvel épisode de "Au cœur de l'histoire", produit par Europe 1 Studio, Jean des Cars vous raconte l'histoire d'un mariage qui n'aurait pas dû avoir lieu. 

 

Un mariage prévu d'avance

C’était convenu entre les deux sœurs, l’archiduchesse d’Autriche Sophie et la duchesse en Bavière Ludovika : on allait marier l’empereur François-Joseph, fils de Sophie, à sa cousine germaine Hélène, fille aînée de Ludovika. On annoncerait leurs fiançailles officielles le jour du 23ème anniversaire de François-Joseph, le 18 août 1853 et cela se passerait à Bad Ischl, station thermale du Tyrol. La famille impériale d’Autriche a l’habitude d’y séjourner chaque été.

Il n’est pas facile de marier un empereur d’Autriche. Les critères sont précis : l’élue doit être issue d’une famille souveraine et être catholique. François-Joseph, qui règne sur l’Autriche depuis 1848, est monté sur le trône à l’âge  de 18 ans, dans des conditions difficiles, en pleine révolution populaire. Vienne était dans un tel chaos que sa prise de pouvoir s’était faite à Olmutz, loin de la capitale, après l’abdication de son oncle Ferdinand 1er, atteint de troubles mentaux. Le propre père de François-Joseph, l’archiduc François-Charles, avait renoncé à la Couronne.

C‘est l’archiduchesse Sophie qui avait mis son fils sur le trône. Elle est bien décidée, aussi, à contrôler son mariage. 

Le jeune souverain a parcouru l’Europe pour trouver l’épouse idéale. Il était tombé amoureux d’une très jolie nièce du roi de Prusse, la princesse Anna. Une alliance prussienne aurait ravi sa mère mais Anna était déjà promise et le roi de Prusse ne voulait en aucun cas d’une union autrichienne. François-Joseph rencontra aussi la princesse Sidonie de Saxe, une cousine germaine mais il la trouva trop lymphatique et peu agréable. Il restait encore une option, la famille de Sophie, les Wittelsbach. La sœur cadette de Sophie, Ludovika, avait épousé un cousin, Maximilien, duc en Bavière, chef de la branche cadette de la dynastie bavaroise. Ils avaient eu dix enfants. L’aînée des filles, Hélène, surnommée Néné, semblait posséder toutes les qualités nécessaires pour devenir impératrice d’Autriche.

Exit Hélène, bonjour Sissi

Ludovika est aux anges à l’idée d’une alliance aussi prestigieuse pour sa fille aînée. Pour Hélène, on fait faire une garde-robe digne d’une future impératrice d’Autriche, notamment une somptueuse robe de bal pour la soirée d’anniversaire de l’empereur.

La mère et la fille doivent partir seules pour Bad Ischl. Au dernier moment, Ludovika décide que la cadette Elisabeth, que tout le monde surnomme Sissi, fera le voyage avec elle. Sissi a fêté ses 15 ans le 25 décembre précédent. Elle est triste. Un de ses amis, un certain Richard, vient de mourir et la perte de cet amoureux l’a beaucoup affectée. Ludovika pense que ce voyage lui changera les idées. Et puis on ne sait jamais... On pourra peut-être en profiter pour la marier, elle aussi, au frère cadet de l’empereur, Charles-Louis, qui vient d’avoir 20 ans. 

On s’engouffre dans une berline suivie d’une voiture chargée de bagages. Le 15 août 1853, au relais de poste de Rosenheim, la berline ducale s’arrête et Sissi exaspère sa mère en voulant elle-même donner à boire aux chevaux. Car Sissi est ainsi : spontanée, exaltée, romantique, aimant les chevaux et le chiens, et n’en faisant qu’à sa tête. Le 16 août, la berline arrive enfin à Bad Ischl devant l’hôtel Austria. A peine rafraîchies et recoiffées, mère et filles se précipitent pour ne pas être en retard au thé de l’archiduchesse Sophie.

L’empereur s’invite au thé. On l’a placé à côté d'Hélène mais il n’a d’yeux que pour Sissi. Le lendemain matin, François-Joseph se présente très tôt chez sa mère. Il est d’une humeur charmante. Il ne lui parle que de Sissi. Sophie est intelligente et a l’habitude de décider à la place des hommes défaillants de la famille. Pour la première fois, elle sent que son fils va lui résister ! François-Joseph continue : il ne tarit pas d’éloges sur sa cousine, son charme, son intelligence, sa silhouette svelte, son exubérance de petite fille encore, sa douceur. Quant à sa beauté, il ne sait comment la décrire. Bref, il est follement amoureux !

Sophie contre-attaque

Une autre soeur de Sophie, la reine de Prusse, dit alors à Sophie : "Le voilà tout feu tout flamme !" La reine de Prusse semble ravie mais Sophie, pas du tout ! Elle est même atterrée. Ce mariage serait une folie ! Sissi ne connaît rien des usages de la cour de Vienne, elle n’est qu’une petite campagnarde sans éducation. Mais Sophie est surtout vexée : son fils ne lui obéit plus.

Ce dernier, dont elle a fait un empereur, prend une décision capitale sans elle. Elle, une maîtresse-femme dont Talleyrand avait dit, au Congrès de Vienne : "Elle est le seul homme de la famille !"

Sophie contre-attaque ! Au déjeuner suivant, Sissi est exclue de la table impériale. Elle est reléguée avec sa gouvernante dans une petite pièce contiguë. Mais François-Joseph est opiniâtre, lui aussi. Il demande à Ludovika la permission d’inviter Sissi à sa table. Permission accordée ! On se pousse un peu et l'empereur ne va plus la quitter des yeux pendant le déjeuner. C’est ce soir, au dîner suivi d’un bal, que tout va se décider. Sissi, qui n’était pas prévue, y est aussi conviée par l’ empereur.

On se prépare fiévreusement. Hélène revêt sa somptueuse robe de satin blanc pour ses supposées fiançailles. Sissi devra se contenter d’une simple robe de voile, couleur pêche. Après tout, elle ne devait pas être là. Lorsque le bal commence, François-Joseph ne danse pas. Tout le monde s’interroge ! On explique que Sa Majesté honorera le cotillon qui, traditionnellement, clôt le bal. Avec qui va-t-il se lancer : Hélène ou Sissi ? L’aide-de-camp de l’empereur, qui a dansé la deuxième polka avec Sissi, murmure à son voisin : "Il me semble que j’ai dansé avec notre future impératrice…"

Il a raison. L’empereur ne dansera qu’avec Sissi, lui offrira le bouquet du cotillon et tous les bouquets que devaient recevoir les autres danseuses. Pauvre Hélène ! Elle vient de comprendre qu’elle ne sera pas impératrice !

Sophie et Ludovika, médusées, cachent leur dépit derrière leurs éventails. Leur complot a raté ! Mais Sophie sera bonne joueuse et dans une lettre à son autre sœur Marie de Saxe, elle dira :

" Elisabeth semblait un bouton de rose qui s’épanouit au soleil. Elle lui a paru si attirante dans sa modestie enfantine, et si naturelle pourtant face à lui. Seule la foule l’intimidait. "

Les dés sont jetés. Tôt le lendemain, il annonce à sa mère qu’il va demander la main de Sissi. Toute l’Europe est informée. La duchesse de Dino, nièce de Talleyrand, fine connaisseuse des cours d’Europe, écrira dans sa chronique :

" J’ai eu une nouvelle d’Ischl dans laquelle on me rapporte que, lorsque l’empereur a parlé à Madame sa mère, du désir d’épouser la princesse de Bavière, il l’a fait en ces termes : 'Si j’étais sur qu’on ne persuadât et ne poussât pas la princesse à m’accepter, je voudrais lui demander moi-même si elle consent à partager mon sort difficile, à m’aider à en porter le poids et à l’alléger. On a donc sondé la jeune personne en lui disant qu’elle ne devait consulter que son cœur et ne regarder en rien à l’éclat de la situation. Elle a répondu que ce n’était que cette position trop élevée et trop difficile qui pourrait l’effrayer, car quant à la personne, elle s’y sentait vivement attirée … Les deux mères auraient voulu que la chose fut tenue secrète jusqu’à l’arrivée ou, au moins, jusqu’à la réponse du duc Maximilien, père de la princesse, auquel personne n’avait songé dans les premiers moments d’effusions ; et l’empereur a dit qu’il ne fallait pas que son bonheur fut caché et qu’il avait hâte de le proclamer. "

Sissi préparée à devenir impératrice

Sitôt les fiançailles proclamées dans un Bad Ischl illuminé de 10.000 bougies, sur une petite colline des lampions ont été disposés formant les initiales des deux fiancés. Partout sont déposées des lanternes aux couleurs de l’Autriche et de la Bavière. Le 31 août, Ludovika et ses deux filles regagnent Munich tandis que François-Joseph rentre à Vienne. Il a été décidé que la cérémonie de mariage se déroulera à Vienne le 24 avril 1854. Ludovika aurait préféré Munich mais l’empereur en a décidé autrement. Pour lui, ce mariage est une sorte de revanche. Il est amoureux, il est heureux, il a une fiancée merveilleuse. Il veut la montrer aux Viennois et souhaite une fête éblouissante. Il entend faire oublier les désordres de 1848 qui ne lui avaient pas permis de prêter son serment d’empereur dans sa capitale.

Le mariage sera comme une sorte de sacre du couple impérial. Pendant la durée de leurs fiançailles, François-Joseph vient trois fois à Munich pour voir Sissi. Ce sont des voyages de plus d’une journée car il lui faut passer par Prague : il n’y a pas de chemin de fer direct entre Vienne et Munich. Il arrive toujours chargé de cadeaux, généralement des bijoux. Il est auprès d’elle le 25 décembre 1853, pour l’anniversaire de ses 17 ans. Il lui offrira un perroquet, présent original qui la comblera de bonheur !

Sissi est enchantée de ces parenthèses auprès de son fiancé car elle est soumise à un rude traitement. Elle doit commencer par apprendre le français, langue diplomatique, l’italien que l’on parle dans les provinces autrichiennes de Lombardie et de Vénétie et aussi le hongrois. C’est horriblement difficile. Mais on sait que Sissi le parlera admirablement et adorera la Hongrie. Les leçons se succèdent, entrecoupées d’interminables séances d’essayages. On lui confectionne son trousseau et sa garde-robe d’impératrice.

Quand la famille quitte Munich pour Possenhofen, le château familial au bord du lac de Starnberg, Sissi écrit des poèmes empreints de tristesse sur la beauté de la nature, les lacs, les animaux. Tout symbolise un adieu prématuré à son enfance si libre en compagnie d’un père original. Ce grand voyageur rapportait toujours à ses enfants des présents extraordinaires et des récits passionnants. Dans son hôtel particulier de Munich, il avait fait installer une piste de cirque où se produisaient clowns, acrobates et cavaliers dresseurs de chevaux pour le plus grand plaisir de ses enfants, en particulier Sissi. C’est à tout cela que la petite duchesse doit dire adieu. Elle est sincèrement amoureuse de François-Joseph mais elle a peur de la nouvelle vie qui l’attend à Vienne.

Sur le Danube, un voyage de légende

Le  jeudi 20 avril 1854, après une messe dans le palais familial où elle a vu le jour, Sissi dit adieu au personnel et lui distribue des cadeaux. Dans une berline découverte, tirée par six chevaux, qui fend la foule émue, la jeune fille, ovationnée, se lève et salue pour la première fois. Le lendemain, à 2 heures de l’après-midi, les berlines et les calèches de Sissi et de sa famille atteignent Passau, la ville frontière entre la Bavière et l’Autriche. L’escorte bavaroise monte à bord d’un bateau accompagné par deux vapeurs autrichiens décorés. 

A 6 heures, ils atteignent Linz. François-Joseph les rejoint, ce qui n'était pas prévu. Il assiste auprès de sa fiancée à un gala suivi d’illuminations et d’une retraite aux flambeaux. Il repart pour Vienne à 4 heures de demie du matin. Trois heures plus tard, Sissi et sa famille montent à bord du plus beau vapeur à aubes du Danube, le "François-Joseph" dont le pont et les flancs sont recouverts de roses coupées le matin même dans les serres de Schönbrunn. 

Par ordre de l’empereur, la navigation est arrêtée sur le Danube. Les rivages du fleuve sont noirs de monde. Les fanfares jouent l’hymne impérial entre deux salves de canons. La fiancée de l’empereur salue la foule en agitant son mouchoir de dentelle. Le bateau arrive dans les faubourgs de Vienne, à Nussdorf. Il a à peine le temps d’accoster que l’empereur saute à bord. Il prend Sissi dans ses bras et l’embrasse sur la bouche devant des milliers de spectateurs. Du jamais vu à cette époque ! 

Tout le monde gagne Schönbrunn. Dans le salon de cérémonie de l’impératrice Marie-Thérèse, Sissi est présentée aux Habsbourg puis aux grands officiers de la Cour. Enfin, Sissi fait la connaissance de sa première dame d’honneur, la comtesse Esterhazy-Liechtenstein, 56 ans, austère et cérémonieuse. Sissi pressent qu’elle ne va pas s’entendre avec cette rigide gardienne de l’Etiquette. Une apparition au balcon devant une foule immense puis un grand dîner de gala. Enfin, les convives, épuisés, se retirent. La famille et les futurs mariés aussi.

"Un oiseau effrayé"

Le lendemain, 23 avril, le programme est très chargé. Sissi inaugure un nouveau pont, le pont Elisabeth sur la petite rivière l’Inn. Puis elle gagne le palais impérial, la Hofburg, où François-Joseph l’attend. Nouvelles présentations aux généraux, officiers et  domestiques du palais. Le lendemain, 24 avril, le mariage est célébré à 7 heures du soir, dans l’église des Augustins qui jouxte la Hofburg. L’église est entièrement drapée de rouge, éclairée par 15.000 flambeaux qui font scintiller les diamants et les diadèmes de la mariée.

Sissi, désormais impératrice, subit une nouvelle présentation, cette-fois à l’Etat-Major et aux diplomates ; Après ces exténuantes corvées, le couple impérial ressort du palais pour traverser Vienne dans un carrosse découvert tiré par seulement deux chevaux. Tout Vienne leur fait un triomphe. A leur retour, un souper solennel leur est servi, de 10 heures à 11 heures du soir. Et puis, laissons parler Sophie, qui écrira dans son journal :

" Nous conduisîmes, Ludovika et moi, la jeune mariée dans sa chambre. Je la laissai avec sa mère et m’établis dans le cabinet à côté de sa chambre jusqu’à ce qu’elle fut au lit. Et je cherchai mon fils et l’emmenai près de sa jeune femme que je trouvai, en lui disant bonne nuit, cachant son joli visage inondé de la profusion de ses beaux cheveux dans son oreiller, comme un oiseau effrayé se cache dans son nid. "

L’oiseau effrayé, comme le dit si justement sa tante et belle-mère, va ressentir tout le poids de son nouveau statut. Elle aimerait avoir des moments d’intimité avec son mari. Ils seront rares. L’empereur a un emploi du temps très prenant. Elle en souffrira. Souvent, elle dira : "Si seulement il n’était pas empereur…"

Une vie conjugale étonnante

Ce couple aura une vie conjugale étonnante. Lui, l’homme de devoir, elle la rebelle, vont s’aimer, avoir des enfants, de grandes peines, un destin politique compliqué. Souvent, elle voyagera pour échapper à sa vie trop exposée. Mais ce coup de foudre durera toute leur vie commune, jusqu’à la mort de Sissi, assassinée à Genève le 10 septembre 1898. François-Joseph, effondré, dira  alors : "Personne ne saura jamais combien je l’ai aimée…"