Ce dimanche, Alain Cirou s'intéresse au dérèglement climatique et à ce que la science pourrait faire pour inverser la tendance.
Avec des pluies diluviennes et meurtrières dans le sud, des soirées en bras de chemise à la mi-octobre dans le nord de la France, plus personne ne doute des effets du changement climatique. Et pour les scientifiques du GIEC il n’est pas encore trop tard pour éviter le pire. Reste qu’un peu partout dans le monde on croit encore que la science et la technologie pourra nous tirer d’affaire. Qu’on trouvera bien "une solution" pour régler le problème. Méfions-nous des apprentis sorciers.
Oui, c’était à la fois la bonne et la mauvaise nouvelle de la semaine. La bonne c’est que Donald Trump lui-même affirme pour la première fois que "le changement climatique n’est pas un canular" ! Ce ne sont pas les chinois qui l’ont monté de toute pièce pour détruire la compétitivité de l’industrie américaine. La mauvaise c’est que le même Trump estime aussi que tout cela est réversible puisque, dit-il, il existe des solutions pour inverser la tendance. Et son entourage explique que des ingénieurs et des scientifiques travaillent à des systèmes pour contrer le réchauffement.
Est-ce que c’est vrai ? Et qu’est-ce qu’ils proposent ?
C’est une vieille idée qui appartenait encore récemment à la science-fiction, celle de la manipulation technologique et délibérée du climat. Je vais vous donner quelques exemples :
- Ensemencer les nuages pour faire pleuvoir. Les russes, les chinois, les Emirats l’ont fait en pulvérisant avec des avions des sels de sodium dans les nébulosités pour augmenter la condensation des gouttelettes d’eau et déclencher des précipitations.
- Réduire l’ensoleillement de la terre. Une pure fiction. Soit en installant l’équivalent d’un parasol géant entre la Terre et le Soleil. A plus d’1,5 million de km du plancher des vaches. Soit en mimant les conséquences d’une énorme éruption volcanique. On sait que lors de l’explosion du volcan Pinatubo, aux Philippines en 1991, qui fut la plus forte du XXè siècle, la température moyenne de la planète a chuté d’un demi degré environ. L’idée c’est de mimer cela en injectant dans la haute atmosphère des millions de tonnes de dioxyde de souffre. C’est d’augmenter la capacité de la terre à réfléchir la lumière solaire dans l’espace et de la maintenir stable au sol.
- Enfin, et ma liste est loin d’être épuisée, il y a l’idée de retirer du CO2 de l’atmosphère. Soit en le capturant – avec des arbres, des plantes, des algues – puis en le séquestrant. Dans des puits, des mines, au fond de la mer ? etc
Y a-t-il dans cette longue liste quelque chose de sérieux ?
Pour l’essentiel non ! En dehors de la capture du CO2 et de son stockage dont l’expérimentation est en cours, c’est un rapport de l’Académie des sciences américaines qui enterre ces délires de "géo-ingénierie" en les jugeant – et je cite – "irrationnels et irresponsables". A supposer qu’on puisse même transporter des millions de tonnes dans l’espace ou l’atmosphère, on jouerait aux apprentis sorciers. On est loin de prévoir la réaction du climat, qui obéit à des lois chaotiques (au sens mathématique). Où l’eau, l’air, la terre et les glaces interagissent en continu et s’influencent mutuellement. Donc tout cela n’est pas très sérieux.
Alors pourquoi croit-on toujours que la science – même la plus folle – trouvera une solution ? Qu’on pourra dompter le climat ?
Parce que ça occulte ce qu’il est impératif de faire. Et qui est très simple : il faut réduire les émissions. Laisser dans le sous-sol le pétrole et le charbon restant. Mais ça, ça implique de changer de monde. D’économie, de mode de consommation, de déplacement. Et ce défi là n’est pas celui de la science. C’est celui de la société ! Qui peut compter sur la science pour l’aider, mais pas le faire à sa place ! Il y a des illusions qui sont dangereuses.