Accord avec le Mercosur : "L’Europe a beaucoup à gagner à l’ouverture d’un marché aussi considérable"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Vous n’avez pas aimé les réactions (toutes négatives) qui ont suivi l’annonce d’un accord de libre-échange entre l’Europe et le Mercosur…

Oui, le Mercosur, c’est-à-dire quatre pays d’Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Et en effet, cet accord commercial a instantanément déclenché un déferlement incroyable de critiques, et cela de tous les bords politiques, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite. Même au sein de la majorité, de nombreux députés se sont élevés contre ce projet de traité, qu’Emmanuel Macron avait auparavant défendu.

On a vraiment eu le spectacle d’un réflexe pavlovien, la palme de la caricature revenant à Nicolas Hulot qui, avant même d’avoir pu lire ce que Bruxelles a publié de ce projet d’accord, a déclaré que le libre-échange était "à l’origine de toutes les problématiques écologiques". Le libre-échange, voilà l’ennemi…

Il y a tout de même des secteurs qui vont y perdre, si cet accord est ratifié ?

Oui, c’est vrai. Et vous pensez sûrement à l’agriculture. Et c’est vrai que le projet ouvre un peu plus (un petit peu plus) le marché européen (et français) de la viande bovine et du poulet à des productions sud-américaines. Mais en contrepartie, les producteurs de lait et de produits laitiers voient le marché du Brésil et de l’Argentine s’ouvrir davantage.

Contrepartie, c’est le mot-clef. Dans tout accord de ce type, il doit y avoir des concessions de part et d’autre. C’est pour cette raison que ces accords extrêmement complexes prennent des années, parfois des dizaines d’années à être bouclés.

Le tout est de savoir si c’est équilibré…

Bien sûr. Sachant que cet équilibre doit être évalué au niveau européen, et pays par pays. Mais il y a un principe, dans ces grands deals sur le libre-échange : chaque partie signataire doit pouvoir exporter davantage dans les domaines où il est fort, où il est compétitif, et en contrepartie doit accepter de s’ouvrir dans les domaines où l’autre est plus fort. C’est le cas pour la viande bovine par exemple.

Mais justement, les éleveurs affirment que cette concurrence est déloyale et que le bœuf argentin ou brésilien ne répond pas à nos normes…

Si c’était le cas, ce serait en contradiction avec une autre règle absolue de ce genre de traité : pas de concurrence déloyale. Et c’est pour ça que les règles sur la viande aux hormones ou les antibiotiques s’appliqueront…

Et qu’il faudra les contrôler !

Bien sûr, il ne doit y avoir aucune naïveté là-dedans. De même qu’il faudra vérifier que cet accord est bénéfique pour nous, lorsqu’on connaîtra le détail de ce qui est avantageux et de ce qui ne l’est pas. Ce qu’on voit, pour le moment, c’est un avantage pour l’Europe qui a beaucoup à gagner à l’ouverture d’un marché aussi considérable que celui du Mercosur : près de 300 millions d’habitants et un niveau de développement qui accélère.

Il faudra donc vérifier, et il reviendra éventuellement au politique de compenser les secteurs, de dédommager les professions qui subiront les inconvénients de cet accord. C’est ça qu’on devait attendre des politiques : au lieu de dénoncer par principe le traité, expliquer ce qu’on a à y gagner d’un côté, et atténuer les effets négatifs de l’autre. Evidemment, c’est moins spectaculaire et payant que de flatter l’opinion publique en diabolisant le libre-échange.