Air France-KLM : "Cette perte de pouvoir relative de l’Etat français, c’est peut-être la meilleure chose qui pouvait arriver à Air France"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, vous avez aimé le bras de fer qui s’est joué entre Air France et KLM, la compagnie néerlandaise.

Oui, avec cette irruption incroyable de l’Etat néerlandais dans le capital de la compagnie aérienne. En deux jours, et en grand secret, les Hollandais ont acheté 14% du capital d’Air France-KLM, et se sont hissés au même niveau que l’Etat français, désormais premier actionnaire ex-aequo. C’est un cas absolument inédit dans le capitalisme public, surtout entre deux pays amis, deux pays qui sont membres de la même communauté, l’Europe.
Et le motif de cette agression, ou de cette irruption non-désirée c’est…

Eh bien les Hollandais disent qu’ils veulent sécuriser leur compagnie, ils disent que la stratégie adoptée par le nouveau patron d’Air France risquait de la menacer en la transformant en compagnie de seconde classe. Bon, en réalité, il y a dans cette décision du gouvernement hollandais, un peu de stratégie (nous sommes un grand pays exportateur, une nation tournée vers l’international, on doit conserver notre pavillon aérien et surtout maintenir une activité de haut niveau sur notre aéroport de Schiphol). De la stratégie, donc, mais surtout beaucoup de tactique : depuis qu’Air France a racheté et a sauvé KLM, le rapport de force s’est inversé. Aujourd’hui, c’est KLM qui est la plus rentable, et Air France qui traverse le plus régulièrement des turbulences.

Et donc KLM veut sa part du gâteau 

Oui, mais surtout, elle ne veut pas être dominée par plus faible qu’elle…
Mais c’est pourtant bien Air France qui en est propriétaire !

Absolument, mais curieusement, ce mariage n’a jamais été vraiment consommé. Air France n’a jamais réussi à intervenir dans la gestion de KLM, en tout cas n’a jamais eu de représentant au conseil d’administration de sa filiale. Une situation inouïe, à laquelle le nouveau patron d’Air France, Ben Smith, a exigé de mettre fin. En gros, il a menacé de virer le patron de KLM s’il ne lui faisait pas un peu de place. Bon, KLM s’y est résigné, son patron a été maintenu, mais il a été obligé de faire siéger Ben Smith à ses côtés.

Et donc l’irruption de l’Etat néerlandais dans le capital d’Air France, c’est une réponse du berger à la bergère…

Exactement. C’est brutal, c’est du capitalisme sans fioritures, mais c’est efficace. Il suffit de voir comment Emmanuel Macron, et Bruno Le Maire ont réagi (ils étaient pour le moins courroucés) pour comprendre que le signal a été reçu 5 sur 5.

Bon mais est-ce que ça n’est pas une mauvaise nouvelle pour l’Etat français qui perd une partie de son influence sur la compagnie ?

C’est parfaitement exact : le gouvernement va perdre de l’influence sur ce groupe, et justement, c’est ça la bonne nouvelle. Parce que, comme mauvais actionnaire, l’Etat a surperformé chez Air France. Tous les conflits sociaux sont devenus des sujets politiques, une partie des dirigeants a été nommée sans aucune connaissance du secteur, juste parce qu’ils provenaient de cabinets ministériels ; on pourrait multiplier les exemples. La bonne nouvelle, c’est que le gouvernement ne sera plus seul en première ligne, que les 2 Etats vont s’équilibrer et donc que la rationalité économique, le business va pouvoir reprendre le dessus.

Cette perte de pouvoir relative de l’Etat français, c’est peut-être la meilleure chose qui pouvait arriver à Air France.