Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce lundi, il s'intéresse à la polémique qui a eu lieu ce week-end sur les propos tenus par Emmanuelle Wargon, la ministre du Logement. Selon elle, les maisons individuelles sont un "non-sens écologique, économique et social".
Nicolas Beytout revient ce matin sur la polémique qui a eu lieu ce week-end sur les propos tenus par Emmanuelle Wargon, la ministre du Logement.
Une ministre du Logement qui démolit le rêve de 75% des Français (c’est-à-dire avoir une maison individuelle), ce n’est pas banal. C’est un peu comme si un général d’armée partait à la guerre en dénonçant l’emploi des armes à feu. Ou, plus près de nous, comme si un boucher déconseillait la consommation de viande, au motif que c’est « un non-sens écologique, économique et social ». Car c’est ça, le fond de cette affaire : Emmanuelle Wargon a affirmé que la construction de maisons individuelles est "un non-sens écologique, économique et social", ajoutant que "l’idéal des Français, ce rêve construit pour eux dans les années 70, n’est plus tenable". Autrement dit, on a bourré le crâne du Français moyen avec des promesses de pavillon avec jardin, terminé, la fête est finie. Pas banal, comme position…
Ça a immédiatement déclenché de nombreuses réactions.
La polémique a tellement enflé que la ministre a dû retirer ses propos, et effacer la vidéo dans laquelle elle faisait la leçon à tous ces Français rêveurs de bien-être. En fait, elle a expliqué qu’elle n’avait pas dit ce qu’on avait compris qu’elle avait dit, que ses propos avaient été caricaturés, et qu’elle soutenait "très clairement" la maison individuelle. En réalité, ce qui est très clair, c’est ce qu’elle disait deux jours avant en défendant ce qu’elle appelle le concept de ville à "l’intensité heureuse". C’est formidable, l’intensité heureuse, c’est l’immobilier façon bisounours, les maisons mitoyennes, l’idéal des pavillons ouvriers des années 50, le tout au nom de l’écologie, bien sûr. Parce que tout ce raisonnement est fait au nom de la fin programmée de l’artificialisation des sols, un mot savant (comme les écolos aiment en fabriquer) pour dire non à l’expansion de la construction au détriment des espaces verts. Cette gaffe d’Emmanuelle Wargon est une nouvelle illustration de la difficulté qu’ont certains au sein du gouvernement à défendre une politique environnementale qui ne soit pas punitive. Instruits par la crise des Gilets jaunes, Emmanuel Macron et Jean Castex sont pourtant en ce moment totalement mobilisés sur la question du pouvoir d’achat face à la flambée des prix du carburant. En suivant le raisonnement d’Emmanuelle Wargon et en l’appliquant à l’énergie, la ministre aurait ainsi pu dire que le rêve de l’automobile n’était plus tenable. Pas très politique, comme position…
Beaucoup d’internautes ont d’ailleurs reproché à la ministre d’habiter elle-même une maison individuelle en banlieue parisienne.
Je vous laisse imaginer ce que les réseaux sociaux ont charrié comme messages, entre ironie et détestation. On pourrait ne pas y attacher d’importance, mais c’est une illustration très malvenue du syndrome du "faites ce que je dis, pas ce que je fais". C’est un autre aspect regrettable de la gaffe d’Emmanuelle Wargon : c’est un bon moyen d’alimenter le courant populiste et le sentiment anti-élite. En tout cas, de la part de quelqu’un qui se revendique de gauche et qui veut animer l’aile gauche de la majorité En Marche, ce n’est pas une réussite…
Bon, mais au total, est-ce qu’on ne peut pas plaider une maladresse de langage, ou un raccourci dans un raisonnement sur l’urbanisme de demain ?
Si, bien sûr. Mais à quelques mois de la présidentielle, alors que l’on sent bien une hyper-prudence de la part du gouvernement qui cherche à étouffer tout départ de feu, à reporter tout ce qui peut mécontenter telle ou telle partie de la population, se mettre à dos, même sans le vouloir, la France des propriétaires des petites villes et des campagnes, c’est vraiment maladroit. C’est une preuve de plus qu’Emmanuel Macron avait tort de se réjouir que sa majorité La République en Marche soit peuplée d’amateurs.