Emmanuel Macron sur TF1 et sur "Brut" : les risques d’une communication tous azimuts

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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce vendredi, il se penche sur les risques d’une communication tous azimuts du président de la République. Après une intervention sur TF1 pour rendre hommage à Valery Giscard d'Estaing ce jeudi, il donnera une longue interview à "Brut" ce vendredi.

Après s’être adressé à tous les Français ce jeudi soir pour rendre hommage à Valéry Giscard d’Estaing, Emmanuel Macron parlera cet après-midi au média en ligne "Brut".

Quel est le point commun entre "Brut" et la revue le "Grand Continent" ? Aucun, si ce n’est que ce sont deux médias de jeunes auquel Emmanuel Macron a donné une interview. Mais pour le reste, vraiment rien de comparable entre la ligne éditoriale de Brut, média vidéo calé sur les réseaux sociaux, qui surfe sur les questions de diversité, de genre, de protection de la planète, sans jamais craindre de faire aguicheur, et le Grand Continent, un produit lancé par des élèves de Normale Sup’, avec un contenu élitiste perché tout en haut des cimes de l’intellectualisme. C’est devenu un mode de communication très prisé d’Emmanuel Macron. À côté des méga-allocutions télé pour afficher une solennité ou parler déconfinement avec jusqu’à 35 millions de téléspectateurs, un record, le chef de l’Etat aime parler à une cible particulière au travers d’un média particulier.

Et donc, ce vendredi après-midi, c’est la cible "jeunes".

Est-ce qu’il va parler "jeunes" ? Est-ce qu’il va adapter son langage et son attitude à la cible visée, comme il l’avait fait en Mai dernier en s’adressant au monde de la culture, dans une vidéo où il gesticulait, manches de chemises retroussées, se grattant les bras, la tête et passant régulièrement les mains derrière la nuque ? Est-ce qu’il va parler à sa cible de "la part d’universalisme de la France" comme il le fait devant les artistes, ou de "la crise de l’universalité des valeurs portées par les structures du multilatéralisme de 1945", comme il le dit à Normale Sup’ ? Évidemment non ! Il va adapter son langage, il est d’ailleurs doué pour ça, très à l’aise dans quantité de registres. Son amour du théâtre n’y est pas pour rien.

Est-ce que c’est très nouveau, cette segmentation du message ?

Non, ce n’est pas nouveau. Quand un politique veut parler aux chasseurs, il ne s’exprime pas dans "l’Obs". Quand il veut toucher les retraités, il choisit le magazine "Notre Temps", qui parle aux seniors. Mais c’est (ou c’était) surtout vrai en période électorale, quand il fallait convaincre les électeurs catégorie par catégorie. Aujourd’hui, le mode de consommation des médias a été bouleversé. Il faut capter l’attention et la recapter en permanence pour retenir le téléspectateur zappeur. Emmanuel Macron fait maintenant ses discours avec présentation PowerPoint à l’appui, comme dans une entreprise. Autre bouleversement, les jeunes ne s’informent quasiment plus avec le journal télévisé et les réseaux sociaux sont la source principale d’information de beaucoup de gens. Il faut donc aller les chercher. Le danger, c’est qu’à force de segmenter à ce point sa communication, sa gestuelle, son langage, le chef de l’État risque de faire perdre le sens général à son message, c’est-à-dire là où il veut emmener le pays. C’est pourtant essentiel en démocratie.