Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.
Bonjour Nicolas, vous n’avez pas aimé le grand silence qui a entouré la révision par le gouvernement de la stratégie économique du quinquennat.
Oui, un silence, une indifférence assez incroyable au regard de l’importance des annonces faites par Bruno Le Maire et Gérald Darmanin dans une interview à notre confrère Les Echos. Que disent le ministre des Finances et celui des Comptes publics ? Que la France abandonne ses objectifs de croissance économique, de politique budgétaire et de désendettement. Ils disent que la promesse faite par Emmanuel Macron pendant sa campagne de ramener les comptes de la France à zéro déficit, cette promesse-là ne sera pas tenue.
Et pour quelle raison ?
Le ralentissement économique, la croissance qui sera plus faible qu’attendu. Alors, c’est vrai, l’activité économique ralentit partout dans le monde. Et notre voisin allemand ralentit nettement, ce qui pèse automatiquement sur notre activité (je vous rappelle que c’est notre premier partenaire). Donc oui, la conjoncture actuelle rend la politique économique plus difficile à tenir, et réduire les déficits publics est plus sportif. Mais pas au point d’abandonner. C’est pourtant ce que vient d’acter le gouvernement : au lieu d’arriver à zéro déficit budgétaire à la fin du quinquennat, Emmanuel Macron accepte dorénavant que l’on traîne encore avec nous un déficit de 1,2%. Il renonce à son objectif, à sa promesse électorale, exactement comme l’avaient fait avant lui ses prédécesseurs.
Vous voulez dire que tous les Présidents ont promis de redresser les finances publiques, puis ont renoncé ?
Tous depuis François Mitterrand qui, lui, n’avait évidemment aucune intention de ce genre (j’allais dire au contraire). Mais Jacques Chirac l’avait pour 2005, et lorsqu’il a lâché les rênes, la France avait encore 2,7% de déficit. Nicolas Sarkozy avait promis la même chose pour 2010, mais il a été coupé dans sa stratégie par la grande crise financière de 2008-2009. Enfin, François Hollande avait juré de résoudre la question des déficits à la fin de son quinquennat. Il a terminé avec 3,4%, loin du but, donc. Et à chaque fois, ces revirements stratégiques se sont faits presque subrepticement.
C’est vrai que, cette fois-ci, ça n’a pas vraiment été au cœur du Grand débat, par exemple.
En effet ! Et pourtant, c’est toute l’architecture de la politique économique, tout son point d’équilibre qui vient d’être modifiée. Et, je le redis avec force, c’était un engagement de campagne d’Emmanuel Macron. Quel contraste avec le débat sur la retraite à 62 ans, une autre promesse de campagne d’Emmanuel Macron qui provoque beaucoup de remous, beaucoup de débats (on en parlait hier matin). Zéro déficit, c’était un engagement du candidat Macron, et c’était devenu un engagement de la France vis-à-vis de l’Europe et de ses voisins européens.
Mais non, pas d’émotion, pas de débat ni à l’intérieur de la majorité, ni d’ailleurs avec l’opposition. C’est incroyable de voir à quel point tout le monde s’en désintéresse. Peut-être parce que chacun sait bien que, décidément dans ce domaine, la France n’a pas de parole. Pas très brillant, je trouve.