Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce lundi, il s'intéresse à la situation en Guadeloupe où les violences se multiplient malgré la mise en place d'un couvre-feu.
A l’heure qu’il est, la Guadeloupe est toujours soumise au couvre-feu. Et cette situation risque de durer.
Oui, et de mettre une nouvelle fois à genoux cette île (et probablement aussi, par effet de contagion, la Martinique voisine). Je dis « une nouvelle fois » parce que les Antilles ont déjà subi une terrible crise sociale, il y a une douzaine d’années, avec des blocages du territoire, des barrages et des pillages catastrophiques pour cette économie fragile. La répétition, depuis une semaine, de ces troubles, est d’autant plus préoccupante que la Guadeloupe venait à peine de sortir de l’état d’urgence et d’un couvre-feu sanitaire, imposé sur ce territoire depuis fin juillet dernier, ce qui avait considérablement entravé la vie normale et le tourisme.
Le Porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a déclaré hier au Grand- Rendez-vous Europe 1 que les violences là-bas étaient "intolérables et inacceptables".
Très bien. Mais si les mots ont un sens, ce qui est intolérable et inacceptable ne doit être … ni toléré ni accepté. Or pour l’instant, en dehors de l’arrestation de 38 manifestants violents et de l’envoi de 200 policiers et gendarmes sur l’île, je me demande si l’attitude du gouvernement est à même de donner une consistance à cette déclaration. Car ce qui se passe en Guadeloupe est une véritable provocation. A l’origine, le conflit est lancé par une intersyndicale « contre la Profitation », celle-là même qui avait réussi à bloquer l’île pendant un mois et demi il y a 12 ans. Cette fois, les syndicats protestent contre l’obligation faite aux soignants de se faire vacciner. En réalité, un prétexte pur et simple, puisque dans les hôpitaux, les soignants sont vaccinés à plus de 90%. Le vrai motif de cette insurrection, avec barrages routiers tenus par des émeutiers et tirs d’arme à feu sur les forces de l’ordre, on le trouve dans la littérature diffusée par l’Union des Travailleurs, le principal syndicat de l’île : il s’agit de mobiliser contre « la profondeur des souffrances de la pauvreté et de l’exclusion ». Rien à voir avec le virus. D’ailleurs, on ne voit pas très bien le rapport entre le Covid et le pillage de bijouteries et de boutiques de téléphonie, ni la relation directe entre la vaccination et les incendies volontaires avec destruction totale de plusieurs bâtiments. Non, le but de ces actions est évident : bloquer l’île, empêcher les hôpitaux de fonctionner (y compris en ayant recours au sabotage), aggraver la crise économique et sanitaire. En un mot, c’est la stratégie du chaos.
Une réunion d’urgence aura lieu dans la journée à Matignon.
Oui, et on verra quelle riposte sera mise en place. On verra si ceux qui ceux qui se rendent coupables de véritables appels à la révolte sont poursuivis pour leurs propos qui ne ressemblent en rien à une action syndicale. On verra si le gouvernement se décide à réprimer durement ce qui ressemble à une forfaiture, à un détournement de la mission de ces syndicats. Parce que, si on se souvient bien, il n’y a pas si longtemps que nous étions en guerre contre le virus ; cette guerre avait conduit le gouvernement à mobiliser tous les moyens contre l’épidémie, y compris en mettant en place un état d’urgence sanitaire. Alors, face à des manifestants qui utilisent le contexte épidémique pour créer un chaos économique et social, ce serait incompréhensible que le gouvernement ne durcisse pas sa réponse. Et surtout pas qu’on nous annonce un énième plan de soutien à ce département.
Pourtant, au-delà de ce qu’il faut faire d’urgence pour le retour au calme, est-ce qu’il faudrait un plan pour réparer les dégâts ?
Ça fait des années que ce département est soutenu à bout de bras par Paris, que nous versons à ce morceau des Antilles des aides qui font pâlir d’envie quelques-uns de nos départements de métropole. Je ne sais pas si cette sorte de « quoi qu’il en coûte » ne finit pas par inciter les jusqu’au boutistes à se lancer en toute impunité dans cette stratégie de la violence. Peut-être qu’il est temps de commencer à se dégager de ce guet-apens.