Holdings familiales : "D’innombrables contribuables taxés au titre de l'ISF vont pouvoir demander à être remboursés"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Vous avez aimé une décision de la Cour de Cassation sur l’ISF. Je croyais pourtant que l’ISF avait bel et bien été supprimé ?!

Absolument, pour être en partie remplacé par l’IFI, un impôt concentré sur l’immobilier. Mais il restait des contentieux juridiques que la justice française n’avait pas totalement tranchés. Parmi ceux-là, un cas très emblématique de la complexité et parfois de la stupidité de cet impôt. Dès la création du premier impôt sur la fortune par Mitterrand, il y a 40 ans, il avait été décidé qu’être propriétaire d’une entreprise ne serait pas taxable à certaines conditions, par exemple celle d’y exercer une fonction. Conséquence immédiate, les entreprises familiales de la 2è, 3è, 4è génération se sont peuplées de membres des familles propriétaires qui sans cela, auraient dû payer l’ISF alors que le dirigeant n’en payait pas. Absurde. Dans la même veine, des entrepreneurs ayant plusieurs entreprises les ont rassemblées sous un pavillon commun, une entreprise de tête.
Ce qu’on appelle une holding.

Exactement. Et c’est là que le fisc a flairé le bon coup. Est-ce que ces holdings n’étaient pas des fabrications de circonstance ? Est-ce qu’elles exerçaient vraiment un rôle, est-ce qu’elles les animaient, et est-ce qu’elles possédaient vraiment toutes leurs filiales. Bon, avec le sens de la nuance qu’on lui connaît, le fisc a répondu non à ces questions. Et hop, les holdings de ce genre ont été rentrées dans le champ de l’ISF.

Et c’est ça que la Cour de Cassation a annulé ?

Voilà. Les arguments de Bercy ont été battus à plate couture. Conséquence : d’innombrables contribuables qui avaient été taxés pour ce motif vont pouvoir demander à être remboursés. C’est un échec majeur pour le fisc français.

Il a été trop gourmand ?

Oui, et voyez-vous, cette affaire est la résultante de deux phénomènes, de deux tendances. Un, la recherche par Bercy du toujours plus, qui conduit à taxer dans les moindres recoins, y compris les plus fragiles juridiquement. Et deux, le contexte politique et l’opinion publique qui applaudissent à la chasse fiscale. Résultat, excès de zèle, et faute.

Ça va coûter cher au budget de l’Etat ?

Pour l’instant, je n’ai pas vu d’évaluation. Mais ce genre de revers est beaucoup plus fréquent qu’on ne croit. On a ainsi découvert ce mois-ci, au moment du bouclage final du budget de l’an dernier, qu’il manquait pour la seule année 2018  quelques 2,4 milliards d’euros dans l’enveloppe "redressement et contentieux fiscal". Somme gigantesque qui représente le montant des contentieux que le fisc français a perdus. Ce sont pour l’essentiel des entreprises qui avaient été taxées à tort, et qui gagnent leurs procès contre l’Etat.

Et des affaires comme cela, il y en a encore beaucoup dans les tuyaux, certaines qui peuvent remonter aux années 2005, il y a près de 15 ans. Les syndicats ont une explication toute prête : il n’y a pas assez d’agents du fisc. La réalité est plus simple : la gourmandise fiscale est un vilain défaut.