Avec le non-cumul des mandats, une quinzaine de parlementaires vont devoir choisir entre leur siège au Parlement et la tête de la mairie à laquelle ils ont été élus lors des dernières élections municipales.
C’est un curieux phénomène qui s’est abattu sur l’Assemblée nationale : plusieurs députés ne veulent plus siéger. Et ils ont une bonne raison pour ça : ils ont mieux à faire. Ils ont été élus maires (certains au premier tour en mars, d’autres dimanche dernier), et ils préfèrent administrer une ville plutôt que de siéger sur les bancs du Parlement.
Ils sont une bonne quinzaine dans ce cas : dix Républicains, cinq socialistes et une communiste. C’est beaucoup, quinze d’un coup. Mais il y a pire. Certains de ceux qui vont démissionner n’ont pas de remplaçant. Ils ont bien un ou une suppléant(e) mais ça ne les intéresse plus non plus. Tous ces suppléants préfèrent eux aussi garder leurs mandats locaux ou le métier qu’ils avaient conservé tout en étant sur le banc de touche. A chaque fois, il y aura donc une élection législative partielle.
Ca n’a l’air de rien mais c’est un sacré changement. Dans le parcours classique du bon militant politique, il y a bien sûr les responsabilités locales. Mais, de tout temps, elles ont été conçues (par la plupart) comme une étape, un tremplin vers un mandat national, député ou sénateur, ou mieux encore vers un ministère. Et jusqu’à l’Elysée, bien sûr, pour les plus ambitieux. C’est cette logique de conquête qui a été brisée. C’est la conséquence de la règle du non-cumul des mandats.
Cette règle va imposer à Gérald Darmanin de choisir entre son fauteuil de maire de Tourcoing et un portefeuille de ministre, celui qu’il a actuellement ou un autre dans le prochain gouvernement. C’est cette règle qui imposerait à Edouard Philippe, s’il était reconduit à Matignon, de renoncer à diriger la ville du Havre. Ce non-cumul est d’ailleurs très critiqué par beaucoup de parlementaires qui disent avoir perdu une partie de leurs liens avec leur territoire, avec la vie locale, avec les gens. Pas de mandat local, c’est pas de capteur des signaux faibles, ceux qui auraient par exemple permis de voir émerger le phénomène des Gilets jaunes.
Et choisir entre deux mandats, ce n’est pas forcément opter pour celui de maire. Plusieurs explications. Il y a sûrement la présidentialisation du régime, qui n’est évidemment pas un facteur d’épanouissement lorsque vous êtes un parmi 577 députés. Il y a le sentiment que, à l’inverse dans sa ville, on a les manettes, on peut décider, on peut appliquer. Et puis il y a la dégradation du statut et de la réputation de l’élu. C’est un phénomène progressif, qui vient d’ailleurs de s’accélérer nettement avec l’affaire de la Convention citoyenne pour le climat.
Quand on a passé des années à militer, à tracter, à se battre politiquement, quand on a été élu au terme d’une campagne électorale souvent âpre, et que l’on voit arriver 150 citoyens qui ont gagné un tirage au sort, qui se retrouvent investis d’une réputation de sauveur de la planète et d’un pouvoir de surveillant général de votre travail… Au mieux, ça calme, au pire, ça décourage.