Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce jeudi, il s'intéresse aux raisons qui empêchent Emmanuel Macron de remanier son gouvernement après la déroute de la majorité aux élections régionales et départementales.
C’est un cas de figure assez classique dans la politique française : au lendemain d’une élection, surtout si elle est un échec pour le pouvoir, on parle remaniement du gouvernement.
Et cette fois-ci, nous n’échapperons pas à la règle, même si Emmanuel Macron a un peu tué le suspense en déclarant, lundi matin au magazine Elle, qu’il n’y aurait "pas de changement de Premier ministre dans les prochains mois". Ce qui voulait probablement dire qu’il n’y en aurait pas dans les 10 prochains mois, bref, jusqu’à la présidentielle). Mais, garder le même Premier ministre ne signifie pas qu’il n’y aurait aucun changement.
Avec des remplacements de ministres ? Par exemple le départ des battus ?
C’est habituel, vous avez raison, mais dans ce cas d’espèce, aucun ministre n’a perdu son mandat, aucun n’a été viré par les électeurs d’un siège qu’il tenait jusque-là. Nuance. Et puis, il faut bien reconnaître qu’un Eric Dupond-Moretti peut aujourd’hui plaider qu’il a un peu été envoyé au casse-pipe. Le sanctionner, lui et ses compagnons d’infortune, ce serait briser net toute velléité future d’un ministre d’aller affronter le vote des électeurs.
Pas de chamboulement, donc, mais peut-être des réglages ? C’est ce qui se dit à l’Elysée : pas de remaniement, plutôt un ajustement à la marge. Et est-ce que ça a un sens ou une utilité politique ?
Absolument pas. Et c’est bien le point faible de ce quasi-immobilisme. On le sait, Emmanuel Macron veut donner une nouvelle impulsion à la dernière séquence de son quinquennat. On a parlé hier des retraites, des réformes et du risque que ça représente. Il y aurait bien un geste politique fort, une façon de changer la donne : ce serait de resserrer d’un coup ce gouvernement pléthorique. Il y a, autour de Jean Castex, 42 ministres et secrétaires d’Etat (jamais il n’y en a eu autant depuis 25 ans). Un ministre disait ce mercredi à Nicolas Beytout qu’il y en a plusieurs qu’il ne connaît même pas. Leur carnet de bal est indigent, leur talent inégal, il n’y a plus de place pour aucun projet dans les 10 prochains mois, alors ce ne serait pas une grande perte de se séparer de la plupart des secrétaires d’Etat aux choux farcis. Sauf que ça ne se produira pas.
Pourquoi ?
Parce qu’Emmanuel Macron ne prendra pas ce risque. S’aliéner tous ces gens-là à quelques mois des élections serait inutile. Et puis, politiquement, le chef de l’Etat est prisonnier du grand classicisme avec lequel il a composé et progressivement fait enfler son gouvernement. Il fallait servir tel allié de la majorité (avec des quotas à la clef), verrouiller tel parti ou sous-parti, telle tendance, telle région. C’est comme ça depuis la IIIème République et, tout disrupteur qu’il soit, Emmanuel Macron n’a pas su s’en défaire. Il faudra qu’il cherche autre chose pour personnifier son nouvel élan.