Remise à plat des niches fiscales : "Heureusement, Emmanuel Macron a fermé cette piste"

3:41
  • Copié
, modifié à

Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas Beytout, vous avez aimé cette semaine le tour pris par le grand débat national sur la fiscalité.

Oui, vous savez bien sûr que la question des impôts revient très souvent dans les doléances des "gilets jaunes". Le mouvement est d’ailleurs parti d’un ras-le-bol fiscal de tous, mais il a vite tourné autour du rétablissement d’un impôt pour quelques-uns, l’ISF, cet impôt sur la fortune qu’Emmanuel Macron a supprimé en arrivant à l’Elysée pour le remplacer par un impôt sur l’immobilier. Et cette disparition de l’ISF est très vite devenue le marqueur politique de Macron et le symbole d’une injustice fiscale que beaucoup de "gilets jaunes" veulent donc corriger.
Sauf que le chef de l’Etat a tranché : il ne reviendra pas sur cette suppression de l’ISF.

Exactement. Il l’a dit à plusieurs reprises. Ça n’a d’ailleurs pas convaincu tout le monde puisqu’il y a même des députés d’En Marche ! qui ont constitué un groupe de travail sur le retour de l’ISF. Ce qui est sûr, c’est que beaucoup de gens, au gouvernement, cherchent maintenant par quel autre moyen éteindre cette revendication de justice fiscale, ce désir de taxer les fortunes. Et l’un des plus actifs parmi ceux -là s’appelle Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics, qui semble s’intéresser beaucoup plus, dans son job, au côté recettes fiscales (qu’il veut augmenter) qu’au côté dépenses publiques (qu’il devrait baisser).

Alors il cherche, le ministre des impôts. Il évoque des pistes, lance des ballons d’essai, multiplie les propositions qu’il doit certainement trouver dans son bureau, sur la pile de toutes les mauvaises mesures que Bercy a toujours essayé de faire endosser par les ministres qui se sont succédé à ce poste. Bon, et puisqu’il faut cibler les riches, alors rien de mieux selon lui que l’impôt sur le revenu. On pourrait par exemple mettre une forme de surtaxe à faire payer aux plus riches (sauf que la marge est étroite puisque les plus hauts revenus payent déjà près de 60% sur la tranche maximale d’impôt ; or le Conseil Constitutionnel considère que, à 66%, l’impôt devient confiscatoire, et qu’il est donc anticonstitutionnel).

Donc, si Bercy veut alourdir l’impôt des plus riches, il faut trouver autre chose.

Exactement. Et là, le mot magique c’est : les niches fiscales. Ah, les niches fiscales, quel beau symbole ! Vous pensez, des réductions d’impôts. Ça profite même aux riches. Voilà donc une bonne piste pour Gérald Darmanin : non pas augmenter les impôts pour les riches, mais limiter ou annuler leurs réductions d’impôts. Sauf que ça risque de toucher tout le monde.

Oui, par exemple ceux qui ont des déductions pour garde d’enfants.

Exactement. Et l’effet est absolument garanti. Vous annoncez une réduction des niches, et même si elle est ciblée sur quelques très hauts revenus, vous inquiétez absolument tous ceux qui payent des impôts. Effet ras-le-bol fiscal garanti. Heureusement, le chef de l’Etat l’a compris et il a mis fin à ce débat, il a fermé cette piste, en Conseil des Ministres.

Ça c’est la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est qu’on a toujours deux tendances dans la majorité et au gouvernement. Deux tendances au sein même de Bercy. Il y a ceux qui pensent qu’il faut réduire les impôts mais que ça exige de réduire les dépenses publiques (et que c’est donc quasi-impossible) ; ça, c’est la ligne Darmanin. Et puis il y a ceux qui pensent qu’il faut réduire les impôts donc que ça exige de réduire les dépenses publiques (autrement dit : c’est ça qu’il faut faire). Et ça, c’est la ligne de Bruno Le Maire. Pourvu qu’il l’emporte.