Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce vendredi, il s'intéresse à l'éventualité d'un report des élections départementales et régionales prévues en mars. Cette décision pourrait être prise sous prétexte de Covid mais elle arrangerait finalement grandement la République en marche.
Emmanuel Macron a annoncé la création d’une Commission des Sages pour travailler sur le calendrier des prochaines élections, les régionales et les départementales, normalement prévues en mars.
Tout le monde se souvient des conditions chaotiques dans lesquelles s’étaient déroulées les élections municipales, au début de cette année. Un premier tour catastrophique, qui avait eu lieu au lendemain de l’annonce de la fermeture des restaurants et à la veille du grand confinement. Et un second tour décalé à fin juin, avec un électorat totalement démotivé, record d’abstention à la clef. À peu près tout avait été fait en dépit du bon sens, dans l’urgence des premières réponses à la crise sanitaire. Et personne ne peut prétendre sérieusement que ces épisodes électoraux n’auront pas été plus ou moins faussés.
C’est le même risque qui se profile pour les prochaines régionales ?
Oui, puisque Emmanuel Macron, dans son intervention télévisée mercredi soir a parlé d’un virus avec lequel il faudrait faire au moins jusqu’à l’été. Ça veut dire que le déroulement de la campagne électorale peut être très perturbé, que les réunions publiques pourraient être limitées, ou pourquoi pas interdites, ou même qu’on pourrait avoir des inégalités entre territoires si, par exemple, une région était confinée et pas l’autre (comme on le voit en ce moment avec le couvre-feu). Le minimum, cette fois, c’est donc d’anticiper la décision.
Avec tous ces risques, le plus cohérent ce serait donc de reporter les élections ?
Oui, mais dès que l’on touche au calendrier électoral, le soupçon de tripatouillage n’est pas loin. Pour Emmanuel Macron, ces élections arrivent à un mauvais moment. La République en Marche ne contrôle aucune région et les chances d’en conquérir sont bien minces. À un an de la présidentielle, une défaite électorale de ce type serait un contre-signal. Le chef de l’État aurait donc plutôt intérêt à un report. D’ailleurs, il avait déjà évoqué cette hypothèse en juillet dernier. À l’époque, le prétexte officiel, c’était qu’il fallait laisser tout le monde se concentrer sur le plan de relance et son application sur le terrain.
Dans l’opposition, quelle est la tendance ?
Très variable. Xavier Bertrand, candidat déclaré à la prochaine présidentielle, est farouchement contre un report. Sa réélection à la tête des Hauts-de-France lui servirait de tremplin pour la course à l’Élysée. Valérie Pécresse, qui est plus incertaine en Île-de-France, semble elle aussi refuser un report, tout comme Renaud Muselier, en Provence Côte d’Azur. Mais d’autres régions sont pour, et plusieurs patrons de départements militent activement pour un décalage dans le temps.
Un décalage dans le temps, ça voudrait dire combien de mois ?
C’est la grande question ! Si c’était de deux ou trois mois, ce serait anodin mais le virus sera peut-être encore là en juin. Si c’est plus, alors, ça pourrait renvoyer ces scrutins après la prochaine présidentielle. Et dans ce cas, on aurait sûrement le même phénomène qu’aux législatives : c’est le camp du président élu qui rafle la mise. Et là, c’est sûr : rien de mieux pour nourrir un procès en bidouillage politique.