Report des élections régionales et départementales : pourquoi c'est tout notre système qu'il faudrait réformer

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Eclipsée par l'annonce de la mutation inopinée du Covid-19 en Grande-Bretagne, l'annonce par le Conseil des ministres du report des élections régionales et départementales en juin prochain est passée complètement inaperçue. Sans doute qu'une mutation de notre système électorale aurait fait davantage parler.

C’est fait : le Conseil des ministres a décidé de reporter les élections régionales et départementales au mois de juin. Objectif : éviter de répéter le cafouillage des dernières municipales.

Avec, chacun s’en souvient, le report du deuxième tour qui avait été décalé de 3 mois, ce qui avait brisé la dynamique électorale et abouti au plus fort taux d’abstention jamais atteint pour ce type de scrutin. Pas brillant, donc. Cette fois, le gouvernement prend ses précautions et anticipe qu’en juin, la lutte contre le Covid aura certainement suffisamment progressé pour rendre le vote possible sans trop de risques sanitaires. Sauf que, pas de chance, cette annonce du Conseil des ministres est tombée le jour même où une mutation inopinée du Covid obligeait à se couper de la Grande-Bretagne.

Vous voulez dire quoi ? Que juin ne sera pas plus assuré que mars ? 

Personne ne peut le dire avec une certitude absolue. Mais surtout, ce qui est frappant, c’est qu’en reportant le vote, le gouvernement agit comme s’il était allé au bout de ce qui était faisable.

Il fallait repousser plus loin encore ces élections ?

Ça, c’était le rêve d’Emmanuel Macron : tout reporter de plus d’un an, et balancer tout après l’échéance présidentielle de 2022. Avec un objectif inavoué : empêcher la déroute de son parti La République en Marche qui n’aura probablement aucune présidence de région, et parallèlement interdire que Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Bruno Retailleau, ses potentiels adversaires de droite dans la course à l’Elysée, ne prennent appui sur un succès électoral pour créer un rapport de force en leur faveur.

Mais bon, cette idée un peu baroque a été exclue. Non, ce que je veux dire, c’est qu’en dehors de cette question de calendrier, le gouvernement semble s’être interdit toute réflexion approfondie sur ce que pourrait être une vraie modernisation de ce geste : aller voter, mettre un bout de papier dans une enveloppe, puis dans une urne. A part le fait que certaines mairies ont installé une machine électronique qui permet plutôt d’appuyer sur un bouton, cette liturgie est immuable depuis des décennies. Et je suis prêt à parier que tous ceux qui, lorsqu’ils étaient petits, ont accompagné leurs parents dans l’isoloir, ont un petit flash nostalgique lorsqu’ils votent à leur tour aujourd’hui. Parce que rien n’a changé. 

Et qu’est-ce qui pourrait changer ?

Les Etats-Unis viennent de démontrer que le vote par correspondance provoquait un record de participation (mais la France n’en veut pas en prétextant des risques de fraude et de pression dans les familles ou les communautés). Autre piste, le vote par Internet, mais il est soupçonné d’être un objet idéal de piratage (c’est bizarre : vous et moi pouvons déclarer et payer nos impôts sur Internet ; est-ce que ce serait moins sûr ?). Et puis pourquoi ne pas étaler les files d’attentes en permettant le vote sur plusieurs jours, ce qui est possible avec des urnes électroniques ?

Voilà, depuis des années, tout dans notre vie quotidienne a changé, mais pas notre façon de voter. La France se prend toujours pour un phare démocratique, mais elle est sacrément bloquée sur les façons de transmettre la lumière.