L’Assemblée nationale a voté hier en faveur de l’application StopCovid. Et tout à l’heure, ce sera au Sénat de se prononcer…
Oui, comme ça, la France sera prête juste à temps pour affronter une éventuelle seconde vague… J’exagère, mais cette affaire, depuis des semaines, a tourné à la caricature. Je résume : les Français ont accepté de se laisser enfermer pendant 2 mois, sans un mot de protestation sur la privation d’une liberté fondamentale, celle de circuler, mais leurs représentants politiques se querellent depuis des semaines sur la question du traçage et de la confidentialité des données de l’appli StopCovid. Une question secondaire, en réalité…
Secondaire ? Pourquoi ? C’est quand même une question de respect de la vie privée…
Oui, mais dès lors que cette appli n’est pas obligatoire, que vous êtes libre de vous en servir ou pas, chacun aurait pu choisir de renoncer à une partie de sa liberté contre une protection renforcée face à la maladie. Se draper dans les grands principes sur les libertés publiques, j’aurais compris si une atteinte à la vie privée avait été rendue obligatoire, comme dans les pays d’Asie.
Il y avait aussi, dans le débat, la question du rôle des Gafa…
Oui, un vrai sujet, là aussi, mais sur lequel on aurait été plus crédible si, dans notre bras de fer avec Apple et Google, on avait pu embarquer les Européens. Mais ça n’a pas marché. On aura notre petite appli française, notre petit outil, efficace à l’intérieur de nos frontières, mais seulement pour ceux qui l’auront téléchargée. Voilà un exemple de plus de l’incapacité du gouvernement à faire le tri entre ce qui est essentiel et ce qui relève du simple message politique. Qu’est-ce qui était le plus important : s’adresser aux géants numériques pour avoir, selon un cahier des charges contrôlé par le gouvernement, une appli puissante, immédiate, efficace, sans frontière, ou est-ce que c’était montrer ses muscles face aux Gafa ?
Vous disiez : "C’est un exemple de plus… ". Il y en a donc d’autres…
Oui, tenez, on en a un parfait concentré rien qu’avec le plan automobile. Le gouvernement promet que la relance, après le Covid, sera verte. Sauf que la super-prime de conversion profitera essentiellement aux voitures à moteur thermique, y compris les diesels. Normal, c’est 90% du parc, et puis les moteurs d’aujourd’hui sont moins polluants. N’empêche : discours politique d’un côté, réalisme économique de l’autre. Même chose pour la promesse de défendre la souveraineté industrielle : la prime ira aussi, bien sûr, aux véhicules importés, impossible de la réserver aux voitures construites en France. Discours politique d’un côté, évidence économique de l’autre. Quant à la promesse que la relance sera puissamment sociale, elle n’a pas résisté, par exemple, aux difficultés de Renault puisque le gouvernement a été obligé de reconnaître qu’il ne pourrait pas lui interdire les suppressions d’emplois. Discours politique d’un côté, réalité sociale de l’autre. C’est le début de la dissipation des brumes romantiques et des grands discours sur le monde d’après, qui ne sera jamais plus comme avant.