En raison de la crise sociale qui traverse le pays depuis maintenant trois mois, la célèbre université parisienne de la Sorbonne a pris la décision d'annuler les moyennes en dessous de 10. La plupart des enseignants-chercheurs de Paris-1 Panthéon-Sorbonne s’insurgent contre ces modalités des examens du second trimestre, mais le Tribunal administratif de Paris valide.
Vous revenez sur une décision qui divise le monde universitaire, une décision sur la notation des examens
Oui, c’est l’Université de Panthéon-Sorbonne, à Paris, qui a décidé, compte tenu des effets du confinement sur les conditions de travail des étudiants, que tous les examens de fin d’année seraient notés entre 10 et 20. Tout le monde au-dessus de la moyenne. Autrement dit, à moins d’avoir été particulièrement nul au premier semestre, tout le monde sera reçu en juin et passera au niveau supérieur. Elle est pas belle la vie ?
Et cette décision est définitive ?
Possible, oui. Des professeurs de l’université, que cette décision avait scandalisés, ont porté l’affaire en justice, mais ils ont été déboutés. Evidemment, la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, est furieuse, elle a poussé le recteur de l’académie de Paris à faire suspendre cette décision pour un mois, et puis le Conseil d’Etat sera certainement sollicité pour rejuger tout cela. Mais, pour l’instant, le mal est fait : les examens sont ridiculisés.
Comment est-ce qu’on en est arrivé là ?
L’affaire pourrit lentement depuis quelques semaines, depuis qu’un syndicat d’enseignants, le SNESUP, accompagné de l’Unef et de la CGT, ont estimé que les conditions de travail des étudiants les empêchaient d’être prêts pour les examens, et que les épreuves à distance seraient impossibles à tenir pour une partie d’entre eux, mal préparés, mal équipés en matériel informatique par exemple. Et par un enchainement qui a tendance à devenir classique, au sein de l’université française, ils ont réussi à obtenir de la commission chargée de l’organisation des examens de la Sorbonne, une « neutralisation » des mauvaises notes, comme ils disent.
C’est quand même vrai que pour certains étudiants sans ressources, la période de confinement a dû être très difficile
Oui, évidemment, personne ne peut le nier. Mais décider, pour cette raison, de tirer tout le monde vers le bas, de traiter tout le monde de la même manière (les très bons et les très mauvais), c’est à la fois dévalorisant pour les enseignants (leur capacité à transmettre leur savoir n’aura donc pas de valeur), et très préoccupant pour les étudiants. Ceux par exemple, qui finissent cette année leur cycle d’études, qui sortent de master, auront un diplôme d’une bien étrange valeur, un parchemin de second rang.
Est-ce que d’autres Universités vont suivre cet exemple ?
Pour l’instant, les quelques tentatives recensées sont bloquées. Mais il ne faut pas se leurrer, il y en a. Et tout cela procède d’une vision politique de la société, dans laquelle tout se vaut, où le mérite n’est pas une valeur mais un privilège, où la hiérarchie et les notes des compétences sont niées. C’est cette idéologie qui est à l’œuvre, et qui vient abîmer l’image et la réputation de la Sorbonne. Et, dans l’éternelle compétition avec les grandes écoles et avec les universités étrangères, c’est un coup dur pour les facs. Parce que, on peut raconter ce qu’on veut sur le monde d’après, une chose est certaine : la guerre des talents, demain, n’aura pas plus de frontières qu’aujourd’hui.