Tensions en interne à la CGT : le syndicat veut refaire de la politique... et ça secoue

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Dans son édito politique mercredi, Nicolas Beytout évoque les tensions au sein de la CGT entre Philippe Martinez et certaines fédérations. En cause, une tentative du syndicat de se politiser pour tenter de retrouver une place plus important dans le débat public.

Une enquête de votre journal, l’Opinion, révèlent l’existence de fortes tensions à l’intérieur de la CGT.

Oui, entre le secrétaire général, Philippe Martinez, et certaines de ses fédérations les plus puissantes, l’énergie et surtout la CGT cheminots, dirigée par un dur, Laurent Brun, bien connu de tous les Français qui ont galéré pendant les dernières grèves de la SNCF. 

Et qu’est-ce qu’ils reprochent à Philippe Martinez ? 

De politiser la CGT. Vous me direz, c’est un comble, venant d’une organisation syndicale qui a eu pendant des décennies officiellement partie liée avec le Parti communiste. Mais cette époque est formellement révolue depuis plus de 20 ans, même si les attaches restent très fortes (Laurent Brun a d’ailleurs lui-même sa carte du Parti). 

Alors, où est le problème ? 

Les écolos. L’opération politisation de la CGT menée par Philippe Martinez se fait en direction des écolos, avec une nébuleuse d’associations, le plus souvent d’extrême-gauche. Objectif : déborder le cadre traditionnel du monde du travail.

C’est un fait, les syndicats sont depuis des années en perte de vitesse. Après avoir été superbement ignorés par Emmanuel Macron au début de son mandat, ils n’ont retrouvé une place dans la vie sociale qu’à la faveur (si j’ose dire) du conflit sur la réforme des retraites. Mais un conflit, même brutal et long (et gagnant), ça ne fait pas le quotidien d’un syndicat. D’ailleurs la CGT a perdu son rang de première centrale ouvrière de France. J’ajoute que le confinement et la montée en charge du télé-travail sont deux réalités qui abîment le collectif. Ce qui fait qu’au total, il n’est pas absurde pour un syndicat de se repenser. 

Et donc d’essayer d’étendre son champ d’action vers la politique. 

Exactement. Sauf que mettre du Vert dans le rouge de la CGT, ce n’est pas aussi simple que ça : le syndicat est en effet un fervent défenseur de l’industrie, y compris celle qui pollue (ce sont des emplois). Et celle qui ne pollue pas (le nucléaire, une place forte de la CGT pas vraiment très en vogue chez les écolos). Donc, déborder vers des sujets de société, se mêler de la vie des gens ailleurs qu’au boulot, ok, mais alors, comment s’y retrouver entre toutes ces lignes politiques contradictoires ?

Et puis, faire de la politique avec des associations dont la légitimité sociale reste à prouver, c’est un peu, pour les vieux de la vieille de la CGT, faire une croix sur ce qu’on leur a toujours seriné : vous êtes les représentants légitimes de la classe ouvrière. Le bobo de base et l’ouvrier-choc ne font pas forcément bon ménage. 

Et tout ça peut déboucher sur quoi ?

La crise va durer (d’ailleurs, c’est plus ou moins un état permanent dans ce syndicat). Mais soit Philippe Martinez tient bon, et la CGT rejoindra la CFDT qui a elle-même fait ce travail d’élargissement (avec son concept du "pouvoir de vivre"). Soit les opposants internes l’emportent, et comme toujours dans ce genre de cas, le syndicat ira vers le repli sur soi et le durcissement.