ÉDITO - TVA à taux zéro pour les produits de première nécessité : "On sait que ça ne marche pas"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, ce samedi vous avez aimé le projet d’abandon de la TVA à 0% pour les produits de première nécessité.

Oui, une mesure qui avait été proposée par de nombreux téléspectateurs de l’émission, je devrais dire de la parodie de Grand débat qui avait été organisée par Cyril Hanouna et Marlène Schiappa. Ce taux à 0% pour remplacer celui à 5,5% avait même été plébiscité. Le Premier ministre, Édouard Philippe lui avait ensuite donné un peu de crédibilité, de substance en disant que "oui, la question était posée" pour ces produits qui sont souvent la base du panier des ménages à très faibles revenus. Et un certain nombre de députés avaient à leur tour enfourché ce cheval de bataille.

Et ce n’est pas un bon combat ?

À mon avis, non, pas du tout. D’abord parce que nous n’avons pas le droit de le faire. Les règles européennes interdisent à un État d’instaurer un taux de TVA de moins de 5%.

Mais il y a des pays où ça existe !

C’est exact, en Grande-Bretagne, par exemple, mais ces taux existaient avant son entrée dans le marché unique. Ils ont donc été maintenus. Mais en décider de nouveaux est impossible sans obtenir un vote conforme de tous les autres pays européens. A priori très difficile. Mais surtout, la raison pour laquelle il ne faut pas créer une TVA à taux zéro, c’est qu’on sait que ça ne marche pas. L’idée est généreuse, bien sûr : on se dit que ces quelques centimes, au lieu d’aller dans les caisses de l’État, seraient aussi bien s’ils restaient dans le porte-monnaie des consommateurs.

Sauf que ça ne sera pas le cas. On l’a vu avec la TVA réduite pour la restauration. Le principe était le même : on réduit la TVA sur l’addition au restaurant, le prix des menus diminue, ça fait venir des clients, ça crée de l’emploi. Bingo. Ou plutôt, fiasco.

Oui, parce qu’on a dit que les restaurateurs avaient mis la différence dans leur poche...

C’est ainsi qu’on a présenté les choses, en effet. Mais peut-être aussi qu’ils ont acheté de meilleurs produits, qu’ils se sont mieux équipés, que sais-je. Ce qui est certain, c’est que personne n’a vraiment pu mesurer ni la baisse des additions, ni la hausse de l’emploi dans ce secteur. En revanche, on a parfaitement identifié ce que ça avait coûté aux finances publiques.

En pertes de recettes fiscales ?

C’est ça, oui. Et ce serait la même chose avec la TVA à taux zéro pour remplacer le taux de 5,5% sur les produits de première nécessité. On ne sait pas ce qui irait dans la poche des distributeurs, des clients ou des producteurs. Mais on sait ce que ça coûterait à l’ tat : 2,5 milliards d’euro par point de réduction. Au total, donc, entre 10 et 12 milliards d’euros. Qu’il faudrait trouver ailleurs, naturellement. Vous imaginez le sujet : créer un impôt à 10 milliards de rendement d’un côté pour une opération peu visible de suppression de la TVA de l’autre. Mauvais choix.