Chaque matin, Nicolas Barré, directeur de la rédaction des Échos, fait le point sur une question d'actualité économique. Aujourd'hui, il revient sur la volonté de Bercy d'inciter les Français à investir ou dépenser l'épargne accumulée depuis le début de la crise du Covid-19 pour relancer l'économie.
On le sait, les Français ont accumulé beaucoup d'épargne pendant la crise du Covid à cause de la diminution des sorties, des loisirs et des voyages notamment. Bercy veut maintenant les encourager à dépenser...
"Oui, on estime que ce surcroît d'épargne représente un bon 100 milliards d'euros, soit l'équivalent du plan de relance. Et qu'on atteindra même 200 milliards d'ici la fin de l'année. Evidemment, ça donne des idées aux uns et aux autres. Surtout de mauvaises idées d'ailleurs : car après tout, si vous mettez de l'argent de côté, ça vous regarde, personne ne peut vous forcer à le dépenser.
A gauche, de plus en plus de voix réclament, devinez quoi, que l'on taxe cette épargne. En général, on ne le dit pas comme ça : on parle de 'contribution exceptionnelle'. Ça fait moins violent que 'hausse d'impôt' mais c'est la même chose. Argument : cette épargne a surtout été accumulée par les plus aisés. C'est assez extraordinaire : les partisans de cette taxe découvrent qu'il est plus facile de mettre de l'argent de côté quand on gagne bien sa vie que quand on est juste...
Mais cette idée de taxe est rejetée par le gouvernement...
Oui, Bruno Le Maire a été très clair, pas question. D'abord parce que c'est un engagement politique. Et ensuite les économistes eux-mêmes sont très réservés sur l'effet que pourrait avoir une taxe exceptionnelle : les ménages ne pourraient-ils pas être incités à épargner encore plus en prévision de futures hausses d'impôt ? Ce serait le contraire de l'effet recherché.
Enfin on compte sur la consommation pour tirer la reprise dans les mois qui viennent : taxer les consommateurs risquerait donc de brider la dynamique de reprise que l'on espère.
Comment faire pour que l'épargne accumulée alimente la reprise ?
L'une des pistes auxquelles réfléchit Bercy serait de faciliter les prêts ou les dons entre générations : aujourd'hui, les donations en ligne directe, c'est-à-dire à un enfant, sont plafonnées à 100.000 euros. Au-delà, c'est fiscalisé. On pourrait donc relever ce plafond pour que l'argent circule entre les générations. Autre piste, proposée celle-là par Eric Woerth, le président de la Commission des Finances à l'Assemblée : la création d'un livret Covid, un livret d'épargne dont les fonds seraient garantis par l'Etat et investis dans les petites entreprises.
Vous le voyez, il y a des pistes. Mais on sait bien que la meilleure manière pour que les Français consomment, c'est encore que l'on accélère la vaccination et que l'on puisse rouvrir au plus vite l'économie. Bref que l'on donne une perspective, comme vient de le faire Boris Johnson au Royaume-Uni. Car tout retard se paie très cher."