Les entreprises françaises ont perdu de l'argent en 2020 et leur dette est passée de 74 à 86% du PIB. Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
Un an après le premier confinement, le bilan de la crise est lourd pour les entreprises, malgré les aides publiques.
Les entreprises en effet ont été fortement mises à contribution, plus que les ménages. Ceci reflète les choix collectifs qui ont été effectués depuis un an: avec le chômage partiel notamment, le gouvernement a cherché à préserver le pouvoir d’achat des ménages qui a globalement stagné l’an dernier. Au fond, l’État a voulu neutraliser l’impact de la crise pour les ménages. Il a joué à fond son rôle d’amortisseur. Pour les entreprises, en revanche, ce n’est pas la même histoire. Selon les calculs de l’institut de recherche économique Rexecode, l’ensemble des sociétés non financières françaises a plongé dans le rouge l’an dernier. Elles ont payé un lourd tribut.
C’est historique, ça n’était pas arrivé depuis plus de 30 ans.
Depuis 1984 exactement. Si on fait le total des bénéfices et des pertes de toutes les sociétés françaises, bon an mal an on arrive toujours à un résultat positif de plusieurs dizaines de milliards d’euros, ça tourne entre 40 et 60 milliards d’euros depuis le milieu des années 1990. Et heureusement, car ce sont ces bénéfices globaux qui permettent à nos entreprises d’investir et de se développer. En 2019, avant le Covid, leur bénéfice a même atteint 75 milliards. Or l’an dernier, pour la première fois donc depuis bien longtemps, "l’entreprise France", si on peut dire, était en perte, une perte de cinq milliards d’euros. Le taux de marge est également tombé au plus bas depuis le milieu des années 80, et ça c’est évidemment une fragilité pour la suite.
Ça se traduit par un recours plus important à l’endettement.
Les entreprises ont dû s’endetter pour simplement maintenir leurs capacités de production. On parle souvent de la dette publique, qui a dépassé 100% du PIB, on est même à 120%. La dette des entreprises aussi a bondi, elle est passée de 74 à 86% du PIB, c’est-à-dire pas loin du double du ratio des entreprises allemandes. Voilà pourquoi il est crucial maintenant que les entreprises françaises renforcent leurs fonds propres : c’est l’objet du plan qui a été annoncé la semaine dernière. En préservant le pouvoir d’achat des ménages, le gouvernement a sauvé la consommation, dont acte. Mais dans le même temps la situation financière des entreprises s’est fragilisée. La priorité désormais va être d’éviter que trop d’entre elles ne décrochent.