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Chaque matin de cette semaine, Daniel Fortin, de la rédaction des Échos, fait le point sur une question d'actualité économique. Aujourd'hui, il revient sur la publication cette semaine du décret d'application permettant au fisc d'utiliser les données récupérées sur les réseaux sociaux dans ses contrôles.

C’est une mesure qui avait fait polémique l’an dernier : elle va entrer cette fois en vigueur. Le fisc va bientôt pouvoir exploiter les données personnelles des citoyens sur les réseaux sociaux...

"Oui et si vous avez omis de déclarer votre voiture de luxe aux impôts, évitez d’en poster des photos sur Facebook. Si vous avec oublié de parler de votre piscine au percepteur, n’en faites pas trop la publicité sur Airbnb... Même chose si vous avez déclaré votre résidence fiscale en Belgique : mieux vaut éviter de tweeter chaque jour depuis votre maison du Luberon.

C’est en effet toutes ces traces qu’on laisse parfois avec beaucoup de légèreté sur les réseaux et dans lesquelles le fisc va désormais pouvoir piocher. Et s’il détecte une fraude, il pourra opposer ces preuves au contribuable. Le décret d’application qui prévoit ces mesures a été publié cette semaine. Alors attention, il ne s’agit encore que d’une expérimentation de trois ans, mais ça y est, le dispositif entre en vigueur.

N’est-ce pas une atteinte aux libertés publiques ?

C’est la critique qui avait été faite au moment où le projet avait été présenté. La CNIL avait exprimé son inquiétude dans un avis publié en 2019 et une partie des députés avaient dénoncé à l’époque une mesure liberticide au point que le Conseil constitutionnel a jugé que si le principe de la traque fiscale numérique était acceptable, il fallait quand même en limiter le champ.

C’est ce qui a été fait par plusieurs amendements. Par exemple, seules les données publiques, c’est-à-dire celles qui ne sont pas couvertes par un mot de passe, pourront être exploitées. L’administration sera également tenue d’effacer les données qu’elle a récupérées au bout d’un certain délai. Bref, toute une série de garde-fous ont été mis en place. Mais le principal reste : le web devient bel et bien une sorte de mouchard qui permet de vérifier si votre train de vie ne dévie pas trop de ce que vous en dites aux impôts.

Est-ce qu’au moins cette mesure sera efficace ?

La réponse est oui parce qu’elle s’inscrit dans une stratégie beaucoup plus large de surveillance numérique par le fisc. Ce ne sont évidemment pas des fonctionnaires qui feront chaque jour une veille physique sur les réseaux mais bien l’algorithme d’analyse du risque de la Direction générale des finances publiques. Il est modernisé en permanence pour traiter toujours plus de données. Il faut savoir qu’aujourd’hui, près d’un quart des contrôles fiscaux sont déjà réalisés par l’intelligence artificielle. Le filet s’étend donc et en même temps ses mailles se resserrent. Dans ce contexte, la fraude fiscale va devenir un exercice de plus en plus difficile."