Les groupes français affaiblis lors des fusions : comment les empêcher de perdre leur autonomie ?

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Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

Il y a cinq ans, le cimentier Lafarge fusionnait avec une société suisse, Holcim. Cela avait été présenté comme une fusion entre égaux. Cinq ans après, cette belle histoire ne tient plus.

Non. Ce mariage entre égaux devait donner naissance à un géant mondial très puissant, capable de tenir tête aux concurrents chinois notamment. Et bien cinq ans après, le bilan est tout autre. Le mariage entre égaux s’est vite avéré être une légende: c’est le groupe suisse qui a pris le pouvoir. À vrai dire, côté français, tout le monde était sceptique dès le début, à commencer par les salariés: quand on vous présente une grande opération financière comme un mariage entre égaux, c’est en général qu’il y a un loup. L’histoire du capitalisme est remplie de mariages de ce genre qui finissent soit par un divorce, soit par une prise de contrôle pure et simple de l’un par l’autre. En l’occurrence, Lafarge, ex-fleuron du CAC 40, dont les PDG accompagnaient souvent les présidents de la Ve République dans leurs voyages officiels, n’est plus que l’ombre de lui-même.

Et ce n’est pas un cas isolé ?

Non, en ce moment même, le mariage entre un autre fleuron français, Essilor, le fabricant de verres de lunettes, et l’Italien Luxottica, qui fabrique des montures, est en train de virer au cauchemar. Là aussi, les belles promesses du jour de l’alliance ont volé en éclats. Les parties française et italienne se font la guerre. Il ne peut pas y avoir deux chefs et en l’occurrence, ce sont les Italiens qui sont en train de prendre le pouvoir. Autre exemple récent: la fusion entre le champion français du secteur parapétrolier, Technip, un groupe d’ingénieurs figurant au CAC 40 également, avec le texan FMC, là aussi présentée comme une fusion entre égaux. Patatras, deux ans après, la fusion a très vite tourné à l’avantage des Américains. 

 

Dans ces trois cas, les Français se sont fait avoir ?

Oui mais c’est de leur faute. Pourquoi? Dans les trois cas, qui a pris ou est en train de prendre le pouvoir? Ceux qui contrôle le capital. Les Français ont été naïfs. C’est la loi du capitalisme, vous pouvez la trouver dure mais c’est comme ça: le pouvoir résulte de la détention du capital. Dans ces trois cas, les actionnaires suisses, italiens, américains, étaient de loin les plus puissants. Et ça devrait nous interpeler: il faut encourager la détention du capital et la détention d’actions et pas faire la chasse aux actionnaires en cherchant éternellement de nouveaux moyens de les taxer. À la sortie du Grand débat, ce n’est pas mauvais de le rappeler. Le capital, c’est un élément clé de notre souveraineté économique. Si on l’oublie, il ne faudra pas s’étonner que les grands groupes français continuent de passer sous contrôle étranger.

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