Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique. Mardi, il analyse l'entrée de l'État au capital de Valeo, fleuron de l'industrie automobile française.
Au moment où l'État songe plutôt à privatiser des entreprises publiques comme Aéroports de Paris ou La Française des Jeux, il entre néanmoins au capital de Valeo, un fleuron de notre industrie automobile, pour le défendre contre d’éventuels prédateurs.
Le message est clair : il s'agit de prendre la défense de groupes français dont le capital est très éclaté et qui pourraient facilement faire l’objet d’une prise de contrôle. Le cas de Valeo est intéressant. C'est l’entreprise française qui dépose le plus de brevets. Elle consacre 13% de son chiffre d’affaires à la recherche, une proportion digne de Google. Ses activités de recherche emploient 22.000 personnes qui travaillent notamment sur deux sujets clés pour l’avenir de l’industrie automobile : l’électrification de la chaîne de traction des voitures et les capteurs qui sont indispensables dans les véhicules autonomes. Voilà pourquoi Valeo est une entreprise stratégique.
Elle était pourtant menacée. Son cours de Bourse a beaucoup baissé et avec un capital très éparpillé, il est facile d’en prendre le contrôle. Valeo vaut à peine huit milliards d’euros en Bourse. Donc en entrant au capital, l'État dit : "attention, chasse gardée". Et cette idée de sécuriser le capital d’autres entreprises françaises fait son chemin.
Pourquoi ? Parce que le capitalisme mondial aujourd'hui est dominé par quelques très grands fonds d’investissement dotés de puissances de feu considérables. Or nous en France, pour des raisons largement idéologiques, nous n’avons pas suivi cette voie, nous n'avons rien fait pour encourager l'achat d’actions, nous avons même souvent fait fuir les actionnaires. Résulta, le capital de beaucoup d’entreprises françaises est menacé, leur contrôle n’est pas assuré.
C'est pourquoi, on se tourne vers l'État, via la Banque publique d’investissement, BPIfrance, qui est en effet en train de mobiliser un fonds, avec du capital public et privé, pour entrer au capital de ces fleurons français et sécuriser leur ancrage français. C'est ce qui s'est passé pour Valeo. La banque publique est aussi actionnaire d’Eutelsat, de PSA et d’autres entreprises importantes. C’est le paradoxe français : on a besoin de l'État pour protéger le capitalisme français face aux prédateurs étrangers. Et quand ça chauffe vraiment pour nos entreprises, on est bien content de le trouver.