Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
La loi Pacte sera examinée aujourd’hui par les députés. Et un sujet fait polémique, le projet de privatisation d’Aéroports de Paris.
Avec des arguments qui relèvent souvent des "fake news". On entend par exemple que privatiser ADP équivaudrait à privatiser les frontières, ce qui est totalement ridicule, on ne va pas privatiser les douanes ou la police! Ou que l’on donnerait les clés d’un monopole au privé: ça, c’est une critique de bisounours car les professionnels du transport aérien savent très bien que la plateforme aéroportuaire de Roissy est en concurrence non seulement avec les autres grands hubs européens comme Heathrow, Francfort, Amsterdam. Mais encore avec Istanbul, dont le nouvel aéroport veut devenir le premier du monde, et même avec Dubaï ou Doha qui sont aussi des plaques-tournantes qui captent une partie du trafic européen. La vérité, que ne veulent pas voir les opposants à la privatisation, c’est que l’État, en tant qu’actionnaire désargenté, est devenu un frein, un handicap au développement d’ADP à un moment où il va falloir investir des sommes très importantes pour rester dans la course.
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D’où l’appel au privé ?
On a besoin de cet argent privé pour moderniser et développer ADP, dont, au passage, les trois quarts de l’activité est commerciale. ADP, c’est d’abord un immense centre commercial et l’État n’est pas le mieux placé pour gérer des galeries de boutiques de luxe et de souvenirs. Ceux qui voient dans ADP un actif stratégique, un morceau de souveraineté, font un contre-sens sur ce qu’est réellement une société de ce type. Il se trompent aussi sur le rôle de l’État: ce qui est stratégique, c’est la régulation. En particulier sur les tarifs.
Pour éviter de se retrouver avec des tarifs qui grimpent comme pour les autoroutes ?
Exactement. D’où un mécanisme de contrôle des tarifs en fonction des investissements réalisés et sous la tutelle d’une autorité indépendante. L’Etat pourra aussi contrôler l’utilisation du foncier, s’opposer à des cessions, s’opposer à un changement de contrôle. Sachant que de toute façon, il récupèrera le tout au bout de 70 ans, ce n’est donc pas une privatisation définitive. Ceux qui s’opposent à la privatisation font semblant de ne pas voir ces garde-fous. Pire: ils s’insurgent à l’avance contre le groupe Vinci qui pourrait reprendre la concession. Ironie de l’histoire: Vinci exploite ou développe 45 aéroports dans le monde, aux États-Unis, au Japon, au Brésil, en Russie et en Suède. Ils viennent de reprendre l’aéroport de Gatwick à Londres. C’est le leader mondial de la gestion des aéroports. Ils ne sont pas les plus mal placés pour gérer ADP. Sauf si la politique s’en mêle un peu trop.
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