Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
La France va sévir contre les Gafa, les Google, Amazon, Facebook et Apple pour qu’ils paient plus d’impôts. Mais est-ce une bonne idée ?
C’est une très grande spécialité française qui est présentée ce mercredi matin au conseil des ministres : un nouvel impôt. En l’occurrence la fameuse taxe sur la Gafa, censée rapporter un demi-milliard d’euros. Alors est-ce une si bonne idée ? Ce n’est pas aussi évident que ça en a l’air. C’est vrai qu’il est terriblement injuste de voir que Carrefour ou Casino, pour prendre juste un exemple, paient beaucoup plus d’impôts qu’Amazon. C’est une formidable distorsion de concurrence.
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Donc c’est bien de taxer les Gafa. Où est le problème ?
Premier problème : il s’agit d’une taxe sur le chiffre d’affaires, donc sur la production, et non sur les bénéfices. C’est contraire au principe économique de base et de bon sens, qui consiste à taxer non pas l’activité elle-même mais le profit qu’elle génère. Ça a un effet pervers évident, celui de décourager l’investissement, en particulier dans le numérique. Est-ce vraiment ce que l’on cherche ? Ce n’est pas certain.
Deuxième problème, certes mis en avant par le lobby de l’industrie numérique mais qui est réel, cette taxe Gafa, dans la réalité, sera payée par qui ? Pas par les Gafa eux-mêmes, mais par leurs clients. On vise Google ou Facebook, mais on touche Monsieur Toutlemonde qui utilise des services Internet ou la PME du Cantal qui fait de la pub sur Facebook pour gagner des clients. Selon les calculs du cabinet d’avocats TAJ, certes mandaté encore une fois par l’industrie du numérique, 95% de la taxe sera payée par les clients et 5% seulement par les grands méchants Gafa. Est-ce vraiment ce que l’on veut ? Là encore, ce n’est pas certain.
Alors que fait-on ?
La réponse du gouvernement consiste à dire : tant pis. Cette taxe a peut-être des défauts mais on la fait quand même. Et preuve que les choses ne sont jamais complètement blanches ou noires, la taxe Gafa a quand même un double mérite. D’abord, elle montre qu’il y a un sérieux problème qu’il faut traiter et que les Gafa ne peuvent pas continuer à jongler entre les fiscs du monde entier pour déclarer leurs impôts là où on en paie le moins. Ensuite, le fait que plusieurs pays comme la France, le Royaume-Uni, l’Italie et d’autres décident d’avancer dans cette voie au niveau national devrait finir par avoir un effet d’entraînement sur les autres. La taxe Gafa est donc bourrée de défauts, mais si elle peut avoir pour vertu d’accélérer l’harmonisation fiscale en Europe, tous comptes faits, ce n’est pas si mal.
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