Le Conseil Supérieur de l'audiovisuel (CSA) sort de sa réserve et vise Cyril Hanouna pour son sketch polémique.
Place au décryptage média de notre expert, Jérôme Ivanichtchenko. On revient sur cette affaire qui remue le PAF depuis plusieurs jours : le canular téléphonique mené par Cyril Hanouna dans son émission Touche pas à mon poste. Plutôt silencieux depuis la diffusion de cette séquence jeudi soir, le Conseil Supérieur de l’audiovisuel (CSA) est sorti de sa réserve.
Mardi, en fin de journée, le CSA a annoncé qu’il ouvrait une nouvelle procédure de sanction contre C8. Dans le canular téléphonique de Cyril Hanouna, il relève deux manquements : le premier, c’est le "non-respect de la dignité humaine"; le second, c’est "l’encouragement à un comportement discriminatoire". Des fondements juridiques pour lesquels C8 a déjà été averti par le passé. Le CSA a donc décidé de transmettre ce dossier au rapporteur indépendant. Charge à lui d’instruire l’affaire dans les prochaines semaines et de déterminer si la séquence mérite ou non une sanction.
Ce rapporteur indépendant, il instruit déjà deux dossiers autour de Cyril Hanouna. Deux procédures ouvertes en fin d’année dernière. Et, hasard du calendrier, il a rendu ses conclusions sur ses deux précédents dans la nuit de lundi à mardi. Une confrontation avec les dirigeants de C8 doit intervenir rapidement, probablement d’ici une quinzaine de jours.
La chaîne pourra alors se justifier et tenter de convaincre le CSA de ne pas la sanctionner. C8 risque très gros : elle pourrait être frappée au portefeuille à hauteur de 3% de son chiffre d’affaires, elle pourrait également être contrainte de suspendre Touche pas à mon poste ou même de programmer son émission-phare à une heure plus tardive.
Jusqu'à maintenant, le CSA s'était muré dans le silence et se contentait de compiler les signalements déposés par les téléspectateurs. Il y en a beaucoup, on atteint même des niveaux records : mardi, en fin de journée, pour cette seule séquence du canular téléphonique, le CSA recensait précisément 26.446 signalements. À titre de comparaison, en 2016, il en avait reçus 37.000 tous sujets confondus, toutes chaînes confondues.
Avec cette nouvelle procédure, on sent bien que le CSA veut que les choses aillent vite. Une manière pour lui de répondre aux critiques sur son inefficacité. Des critiques difficilement recevables, puisque l’action du CSA s’inscrit dans un cadre législatif très strict. Dans le communiqué adressé mardi, l’autorité de régulation en profite d’ailleurs pour envoyer ce petit message au nouveau président de la République : un appel du pied pour gagner en efficacité.
Dans le même temps, les annonceurs continuent de déserter la grille de la chaîne
C’est le fruit d’une campagne orchestrée sur les réseaux sociaux. Prises à partie par les internautes, de nombreuses grandes marques ont décidé de suspendre leurs investissements. Aujourd’hui, près d’une trentaine d’annonceurs ont déclaré forfait. Ils ne veulent pas que leur image soit associée à un programme pris pour cible pour homophobie.
On en a eu une première illustration mardi soir, aucune publicité n’encadrait Touche pas à mon poste. Le Parisien estime le manque à gagner à 150.000 euros.
C8 se retrouve confrontée à une crise publicitaire sans précédent. Dans les couloirs de la chaîne, on veut penser que c’est temporaire, que le soufflet retombera. Mais en attendant, la situation est critique. Selon Le Figaro, les recettes publicitaires de C8 s'élevaient à 160 millions d'euros l’année dernière. La moitié de ces recettes serait générée par Touche pas à mon poste. On imagine le désastre économique si ce boycott devait se prolonger dans le temps.
Résultat, on sent bien que l’heure n’est plus à la provocation et à la bravade. Hier, en début de soirée, Cyril Hanouna signait une lettre ouverte publiée sur le site internet de Libération. Il réitère ses excuses pour, je cite l’animateur de C8, "un sketch qui n’avait pas lieu d’être".
Cyril Hanouna l’assure, cet épisode l’a bouleversé. Il lui a surtout permis de réfléchir aux conséquences de son attitude à l’antenne. "Je suis entier, je vais parfois trop loin, emporté par ma fougue". Il affirme qu’on ne l’y prendra plus.
Une prise de conscience qui ressemble à une tentative d’apaisement alors qu’il se retrouve dans l’œil du cyclone d'une tempête médiatique qui semble cette fois beaucoup plus violente que les précédentes. Et qui pourrait faire aussi beaucoup plus de dégâts.