Ce samedi, Catherine Nay décrypte l'annonce d'un accord entre Londres et Bruxelles qui reste suspendu à l'approbation du Parlement britannique.
Bonjour Catherine,
Bonjour Bernard, bonjour à tous.
A deux semaines de l'échéance programmée de sortie de l'Union Européenne, Londres et Bruxelles ont annoncé jeudi in extremis un accord censé régler les conditions de divorce après 46 ans de vie commune. Mais son succès est suspendu à l'approbation du Parlement britannique, qui est convoqué aujourd'hui.
Jeudi soir, lors de leur conférence de presse, il était intéressant de regarder leurs têtes, Boris Johnson exultait. Au lieu d'imposer un "no deal", il a négocié et obtenu une solution qu'on n'attendait plus. Et à l'entendre, plus Européen que lui, tu meurs ! Incroyable ! Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, était, lui, doublement triste : subissant un divorce qu'il n'a pas souhaité et en fin de mandat.A leurs côtés, Michel Barnier, le négociateur, impavide en apparence, mélancolique sûrement. Pour un Européen, le Brexit est une amputation.
Il faut rendre hommage à son travail inlassable depuis trois ans avec ses équipes et à son infinie patience pour bâtir un accord. Son travail auprès du Parlemement Européen. Il a visité trois fois chaque pays de l'Union, rencontré tout le monde : les Premiers ministres, les syndicats, les patronats, les élus, tout en informant le Conseil Européen en temps réel. Un travail de titan !
Si les députés britanniques disaient OK aujourd'hui, ce serait un long travail en perspective pour Michel Barnier.
Ursula Von Der Layen, la nouvelle présidente, lui a demandé de continuer. Le 31 octobre, les Anglais quitteront les institutions européennes et les députés britanniques, élus il y a trois mois, retourneront à Londres. La France va y gagner 4 sièges. S'ouvrira pendant 14 mois la période de transition, qui pourra être prolongée jusqu'en 2022, période pendant laquelle la Grande-Bretagne demeurera dans le marché unique et continuera à payer sa contribution au budget.
Rien ne changera, mais sur la table, il s'agit de détricoter les 600 accords signés pendant 46 ans pour renégocier la nouvelle relation entre la Grande-Bretagne et l'Europe : les accords sur le commerce, la défense, la police, la coopération universitaire… La déclaration politique finale présentée jeudi a été modifiée et énonce ce qu'il faudra faire à l'avenir, mais c'est un projet qui n'est juridiquement pas contraignant. L'Europe voudrait que les Britanniques ne se livrent pas une concurrence déloyale. Boris Johnson ne cache pas son intention de pratiquer le dumping fiscal, social, environnemental. Comme toujours, la perfide Albion jouera sur les deux tableaux et prendra ce qui l'arrange !
Mais tout dépend du vote d'aujourd'hui à Westminster.
Oui, vote sans lequel l'accord de jeudi ne vaut rien. Si l'on fait les pointages, l'arithmétique est impitoyable. Le pessimisme devrait être de rigueur. Mais ce matin, Boris Johnson plaidera devant ces élus qui ont dit "non". A tous de prendre enfin leurs responsabilités, en insistant sur la lassitude conjuguée des Européens et des Britanniques, qui en ont plus que marre. "C'est cet accord ou rien". Et peut-être va-t-il réussir, à trois voix près. Car ce sont toujours les faucons qui font la paix.
Et s'il y a échec ? Si l'accord est rejeté ?
Dans ce cas, le Royaume-Uni quittera l'Union Européenne le 31 octobre sans accord. Des élections générales pourraient avoir lieu en novembre. Et Boris Johnson se présentera devant les électeurs comme celui qui au regard de l'Histoire a tenu la promesse du Brexit, ce qu'ont voulu les Britanniques, avec de fortes chances d'obtenir la majorité.