Ce samedi, Catherine Nay retrace le parcours politique de Jacques Chirac, décédé le jeudi 26 septembre.
Bonjour Catherine,
Bonjour Bernard, bonjour à tous.
La France se prépare à dire adieu à Jacques Chirac. Lundi sera jour de deuil national. Une minute de silence sera observée à 15 heures. Avec lui disparaît l'un des principaux acteurs à droite de la politique française. Un pan de notre Histoire. C'est une partie de la France qui s'en va et que l'on ne reverra plus. D'où la nostalgie.
Jacques Chirac, c'est 40 ans de notre vie politique. Élu en 1967 député de Corrèze. Alors que la politique n'était pas sa vocation, il y est allé sur ordre de Georges Pompidou. Mais réélu 9 fois, 7 fois ministre, Maire de Paris pendant 18 ans, 2 fois Premier ministre, élu 2 fois président de la République, et ce sans jamais avoir totalisé plus de 20% au 1er tour. Et la deuxième fois, réélu avec 82% des suffrages parce que son adversaire s'appelait Le Pen. Il a passé 12 ans à l'Elysée, inauguré le premier quinquennat qu'il avait fait adopter contre son gré...
Un pedigree comme il n'en existera plus, car aujourd'hui, à l'heure de l'information continue, des réseaux sociaux, du manque de visibilité en tous domaines sur l'avenir, aucun politique, homme ou femme, quels que soient son ambition, son talent, son désir, ne pourra avoir un parcours similaire. C'est devenu impossible.
Vous voulez dire qu'avec la disparition de Jacques Chirac, le nouveau monde pleure l'ancien ?
L'émotion du pays est vive, à droite comme à gauche, parce qu'il y a de la nostalgie d'un monde qui ne sera plus. Alors que de son vivant, Jacques Chirac n'était guère aimé. De lui, on a tout dit, tout et son contraire : qu'il était faible et autoritaire, bon samaritain et maître de l'assassinat politique, ignare et cultivé, cynique et menteur… "Personne ne m'a jamais autant menti que lui", me disait souvent Alain Juppé. Un personnage gigogne qui a couvert tout le spectre politique. Travailliste. Ça, il ne le dit qu'une fois, en 1976, à Egletons.
Libéral, du temps d'Edouard Balladur, étatiste, presque toujours, radical socialiste, c'était ses tripes. "Mais moi, j'ai une gueule de droite", disait-il. Ce qui faisait l'unité du personnage, c'était un tempérament ébouriffant, une vitalité, une virilité hors norme, qui allaient de pair avec un appétit pantagruélique, pathologique presque parce qu'il avait toujours faim. En 36 ans, il n'a raté qu'une fois le Salon de l'Agriculture. Il y restait 10 heures, en mangeant tout le temps. Il goûtait à tout et mélangeait vin blanc, vin rouge, bière. Un estomac en zinc. Moi, je me disais, 'il doit avoir un vers solitaire'.
Faire campagne avec lui, c'était une chevauchée fantastique dont on revenait exténué. Sa capacité infinie à serrer des mains, embrasser tout le monde sur son passage, ouvrir grands ses bras. Ça n'était pas un orateur. Il parle comme on tape à la machine, disait Mitterrand.
Et puis il est devenu populaire après 2007, après avoir quitté l'Elysée.
Les Français savent qu'il n'est pas un grand réformateur. avoir vécu Mai-68 auprès de Georges Pompidou l'avait définitivement convaincu que la France était un pays trop violent pour être bousculé. Et que sur les réformes, il fallait y aller mollo. Les Français qui le pleurent aujourd'hui retiennent qu'il les aimait, et particulièrement les plus faibles. Il n'a jamais parlé de la Fondation qu'il a créée en Corrèze en 1970 pour les handicapés.
Aujourd'hui, deux centres qui accueillent 1.200 enfants et adultes. C'est devenu le premier employeur de la Corrèze : 900 personnes. Son jardin secret. Avec le temps, il a pris la figure du patriarche bienveillant qui dégageait de la chaleur humaine, qui aimait les gens. Et vous avouerez en politique, ça n'est pas donné à tout le monde.