Ce samedi, Catherine Nay décrypte le troisième refus des députés britanniques du plan de Theresa May pour sortir de l'Union européenne.
Bonjour Catherine Nay
Bonjour Bernard, bonjour à tous.
Hier, les députés britanniques ont recalé, pour la 3ème fois, le retrait de l'Union de la Première Ministre Theresa May avec 344 non pour 286 oui. C'est un cinglant désaveu pour elle, alors qu'elle avait assorti ce vote de la promesse de partir. "Si vous votez oui, je m'en vais".
Vous vous rendez compte ! Même son sacrifice sur l'autel du Brexit, ça n'a pas marché ! C'est un coup dur pour elle qui, pendant de longs mois, avait âprement œuvré pour une sortie ordonnée avec le négociateur Michel Barnier et ses équipes, qui ont fait un travail colossal. Encore un coup pour rien, même si cette promesse a réduit au sein de son parti le nombre des irréductibles, qui n'étaient plus que 40. C'est le chaos, la confusion totale, mais il y a encore une porte de sortie possible. Vous savez que sans attendre le scrutin d'hier, le Parlement britannique s'était emparé de l'ordre du jour et avait proposé de dégager des scénarios alternatifs. Il y en avait 8. Résultat : 8 non. La presse britannique s'était déchaînée.
Et pourtant, on va revoter lundi.
Oui, un 2ème tour. Parce que sur les 8 scénarios repoussés, il y en a 2 qui ont frôlé la majorité. Et curieusement, celui qui a recueilli le plus de voix est le scénario défendu par une député du Labor, qui prônait un 2ème référendum. Pour 268 voix contre 295. Et la 2ème proposition préférée était celle défendue par l'ancien ministre conservateur Ken Clark, qui défendait un maintien du Royaume-Uni dans une union douanière. 264 voix pour et 272 voix contre.
Des scores non conclusifs. Mais les promoteurs de ces deux scénarios ont fait remarquer que jamais Theresa May n'avait obtenu un aussi grand nombre de voix. Donc lundi, on devrait revoter sur ces propositions. Le Parlement voudrait réussir là où Theresa May a échoué.
Les députés visent, au fond, un accord transpartis.
La grande faute de Theresa May, c'est de n'avoir jamais tenté d'obtenir au Parlement une majorité d'idées en discutant avec l'opposition. Sachant que le Labor est aussi divisé sur ces questions que les Torries, son propre parti. Dès le début, elle n'a privilégié que l'intérêt des siens.
Et que va-t-il se passer, lundi ?
Si aucun scénario n'est voté par une majorité, on va vers un "no deal", une absence d'accord. A moins que Theresa May demande une prolongation de 9 mois, pour éviter un Brexit désordonné. Mais dans cette hypothèse, et c'est cela qui est le plus fou - alors que les Anglais vont quitter l'Europe - elle devrait organiser des élections européennes puisqu'avec ce nouveau délai, le Royaume-Uni serait toujours dans l'Union alors que les 27 se sont déjà répartis les sièges anglais, 4 de plus pour la France, par exemple. C'est le grand bazar.
On y voit toujours aussi peu clair.
Oui, le scénario "no deal" serait un cauchemar pour les milieux économiques, parce que c'est notamment le retour des formalités douanières et des complications incroyables pour les consommateurs. Hier, le numéro un mondial de l'insuline, le Suédois Novo Nordisk, a tout prévu pour garantir l'accès de l'insuline pour les diabétiques britanniques. Ça n'est qu'un détail parmi d'autres. Car il restera la négociation sur l'avenir, qui pourrait durer entre 2 ans et 4 ans, il va falloir retricoter sur d'autres bases juridiques ce qui a été cassé par le Brexit.
Quid de la coopération judiciaire, du renseignement, des accords de défense, de recherche ? Sous l'égide de l'Institut Gustave Roussy, 10 hôpitaux européens mettent en commun la recherche sur le cancer. Parmi eux, il y avait celui de Cambridge. Preuve que les fonctionnaires anglais de Bruxelles - qui d'ailleurs n'avaient pas été autorisés à voter lors du référendum il y a trois ans, au motif qu'ils n'habitaient plus l'Angleterre - ne croient plus à l'accord. La preuve : ils sont des centaines à adopter une double nationalité irlandaise, belge, française, luxembourgeoise. Juncker leur a dit : "On ne va pas vous mettre dehors".
Conclusion de tout cela ?
Ça montre aux Européens ce que signifie pour leur pays être "dedans" ou "dehors" de l'Union. Michel Barnier, qui fait le tour de l'Europe, le constate : plus aucun pays, parmi les 27, ne veut maintenant quitter l'Europe !