En retard dans les sondages, François Hollande n'avait plus le choix. Il fallait qu'il parle d'urgence. C'est ce que le chef de l'Etat a fait Salle Wagram jeudi. Est-il déjà en campagne ?
Wendy Bouchard : Le discours de François Hollande, Salle Wagram, ne laisse plus aucun doute. Il est prêt à en découdre pour 2017. On annonçait un discours présidentiel sur la démocratie face au terrorisme, ce fut un discours de candidat en campagne. Son premier meeting quelque part ?
Catherine Nay : François Hollande a écouté ceux qui le pressaient de sortir du bois, et vite. C'est qu'il y a le feu au lac, quand les sondages le placent derrière Mélenchon et Emmanuel Macron pour les intentions de vote à la présidentielle. Il fallait d'urgence qu'il parle à sa gauche. Trop longtemps, le Président s'est tu.
Devant un public acquis, penché sur son pupitre à la manière d'un François Mitterrand, il s'est lâché et a étrillé ses rivaux : Nicolas Sarkozy, beaucoup, Alain Juppé, un peu, Marine Le Pen... Il y a même eu un tacle pour Emmanuel Macron. Mordre, griffer, ça, il sait le faire. Son auditoire était ravi !
"Je ne laisserai pas la France être abîmée, voir ses libertés remises en cause, son état de droit contesté, son éducation réduite, sa culture amputée. C'est le combat d'une vie."
"La Constitution n'est pas un texte flexible", clame aussi celui qui voulait justement y introduire la déchéance de nationalité. Un débat qui avait duré 4 mois et ulcéré son camp. Emmanuel Macron, à titre personnel, avait parlé d'"inconfort philosophique". Le ministre a daté de là sa rupture avec le Président.
"Je suis profondément européen. Je ne laisserai pas l'Europe se disloquer", dit-il encore sous les applaudissements. On aimerait qu'il nous dise comment il va s'y prendre, lui qui depuis 2012 est demeuré muet dans les conseils européens.
Il n'a jamais imprimé sa marque. C'est comme quand il promettait, en 2012, de renégocier le Traité Européen "Merkozy". Il n'en n'a jamais touché un mot à Angela Merkel, qui n'en n'est pas revenue !
WB : Comment songer à être candidat quand 88% de Français souhaitent qu'il ne se représente pas ?
CN : La vérité, c'est qu'il prendra sa décision en décembre. Mais François Hollande fait sienne cette formule de Nicolas Sarkozy : "La France se donne toujours à celui qui en a le plus envie." Et il est vrai que ça n'est pas parce qu'une femme vous rejette qu'il faut cesser de lui faire la cour. Elle peut toujours changer d'avis.
En réalité, le Président songe à sa réélection depuis 2012. Il l'avait confié à des journalistes. Il voulait réussir, là où son ennemi préféré, Sarkozy, avait échoué. "Au secours, la droite revient", "Moi ou le chaos". On a déjà entendu ça du temps de Mitterrand.
Bien sûr, la droite est menaçante. Mais le plus préoccupant pour le Président, ce sont ses ex-ministres devenus ses plus farouches adversaires. Sa majorité disloquée.
WB : Ceux qui l'ont écouté Salle Wagram, mais aussi la presse qui était là en nombre, ont jugé que c'était son plus beau discours.
CN : Même avec un titre désinvolte - "Pépère se réveille" - Libération frise le dithyrambe. Le candidat est meilleur que le Président. Seulement, comment le pays a-t-il reçu le discours ? L'a-t-il même entendu ? Quand le charme est rompu, on n'imprime plus. Et voilà que l'offensive présidentielle s'accompagne d'atouts charme. Julie Gayet à la Une de Paris Match, apporte sa contribution à cette opération sauve-qui-peut. "Libre et engagée derrière le Président, elle va jouer son rôle", annonce l'hebdomadaire. C'est qu'il va bien falloir réchauffer la froideur présidentielle, humaniser la fonction suprême. Il y a encore du boulot. La jeune actrice, qui aura au moins gagné d'être connue du public grâce à cette liaison, laisse entendre qu'elle aimerait bien être plus officielle. Ils sont quand même ensemble depuis 4 ans. Mais voilà, il est comme ça. Depuis sa répudiation de Valérie Trierweiler, François Hollande ne dit jamais rien sur sa vie privée. Il ne s'est jamais engagé. Un homme dont les femmes diraient qu'il n'est pas un terrain constructible.